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Arrêt de la Cour d'appel de Paris

I - FAITS ET PROCÉDURE

1.

K est une société immatriculée aux X qui a investi en D et qui, à la suite d'un litige avec D, lui a adressé le 25 mai 2016 une notification de différend, en application des dispositions de l'accord sur la promotion, la protection et la garantie des investissements entre les États membres de l'Organisation de la Conférence Islamique) ci- après « le Traité de l'OCI »(, signé le 5 juin 1981 et entré en vigueur le 23 septembre 1986, auquel D est partie.

2.

Le différend n'ayant pu trouver une solution amiable, la société K a engagé le 19 octobre 2016 une procédure d'arbitrage contre D, sur le fondement du Règlement CNUDCI de 2010 et de l'article 17 du Traité de l'OCI, et nommé M. B en qualité d'arbitre.

3.

Bien que disposant d'un délai de soixante jours pour nommer un arbitre en application de l’article 17(2)(b) du Traité de l'OCI, D, considérant que cet article ne constituait pas une offre permanente d'arbitrage permettant de fonder la compétence d'un tribunal arbitral, n'a pas nommé d'arbitre dans ce délai.

4.

Le 2 janvier 2017, la société K, se référant à l'article 17(2)(b) du Traité de l'OCI, a demandé au Secrétaire Général de l'OCI de procéder à la désignation d'un arbitre, en lieu et place de D.

5.
Le Secrétaire Général de l'OCI n'a pas répondu à la demande de désignation de la société K.
6.

Le 26 janvier 2017, la société K a indiqué au Secrétaire Général de l'OCI qu'à défaut de désignation du deuxième arbitre avant le 3 février 2017, elle « n'aurait d'autre choix » que de saisir le Secrétaire Général de la Cour Permanente d'Arbitrage (CPA) afin que celui-ci désigne un arbitre pour le compte de D, en application de l'article 6(4) du Règlement d'arbitrage de la CNUDCI de 2010 et a soutenu également que les parties s'étaient « accordées » sur l'application de ce Règlement au litige.

7.
Le 8 février 2017, la société K a saisi le Secrétaire Général de la Cour permanente d'arbitrage pour la désignation d'une autorité de nomination afin que celle-ci procède à la désignation d'un arbitre pour le compte de D, en se fondant sur les dispositions du Règlement d'arbitrage de la CNUDCI 2010.
8.
Le 17 février 2017, D a objecté à la Requête de la société K, en indiquant à la CPA qu'elle ne disposait ni du pouvoir ni de la légitimité pour procéder à la désignation d'une autorité de nomination ou pour agir en une quelconque autre qualité dans cette procédure, puisque D n'avait jamais consenti à l’application du Règlement CNUDCI dans cette affaire.
9.

Le 23 février 2017, la société K a soutenu que la CPA était compétente pour désigner une autorité de nomination aux motifs notamment que le consentement de D à l'arbitrage CNUDCI pouvait être « importé » de l'article 11 du Traité bilatéral conclu entre D et J et ce, sur le fondement de l'article 8 du Traité de l’OCI, qualifié, par la société K, de clause de la nation la plus favorisée (ci-dessous désignée « clause NPF »).

10.
Le 9 mars 2017, D a contesté l'existence de tout consentement à l'arbitrage et en particulier à l'arbitrage CNUDCI dans le Traité de l'OCI, et a demandé à la CPA de reconnaître qu'elle ne disposait d'aucun pouvoir pour intervenir dans cette affaire.
11.
Le 20 mars 2017, le Secrétaire Général de la CPA a fait valoir que la requête d'arbitrage pouvait être étudiée conformément au Règlement d'arbitrage de la CNUDCI de 1976 et non au Règlement d'arbitrage de la CNUDCI de 2010, ce qui a été accepté par la société K.
12.

Le 27 mars 2017, le Secrétaire général de la CPA a désigné le Professeur I en tant qu'autorité de nomination, conformément à l'article 7(2) du Règlement CNUDCI de 1976.

13.
Les 29 mars 2017 et 12 avril 2017, D a informé la CPA qu'il maintenait ses objections à la constitution du Tribunal et son absence de consentement à ce processus de nomination.
14.

Le I a nommé le 26 avril 2017, le professeur C en tant que co-arbitre de D, en application de l'article 7(2)(b) du Règlement CNUDCI de 1976.

15.
Le 23 mai 2017, MM. B et C ont nommé M. A en tant que président du Tribunal arbitral.
16.
Le 19 juin 2017, le Tribunal arbitral a transmis aux Parties un projet d'ordonnance de Procédure n°1 (Acte de Mission) et les a invitées à faire part de leurs commentaires sur celui-ci.
17.
Par lettre du 20 juin 2017, D a rappelé aux membres du Tribunal arbitral que la constitution du Tribunal était intervenue en dépit de ses objections et a demandé au Tribunal arbitral de se prononcer, à titre préliminaire, sur la question de l'irrégularité de sa constitution en application du Règlement CNUDCI de 1976.
18.
Le 13 juillet 2017, la société K a accepté que la question de régularité de la constitution du Tribunal arbitral en application du Règlement CNUDCI de 1976 soit tranchée par celui-ci, à titre préliminaire.
19.
Le 20 juillet 2017, D a soumis ses commentaires sur le projet d'ordonnance de Procédure n° 1, et a accepté l'application du Règlement CNUDCI pour permettre au tribunal arbitral de trancher cette question préliminaire, sans préjudice de son objection quant à la constitution du Tribunal et en réitérant son absence de consentement à l'application du Règlement CNUDCI.
20.
Le 28 juillet 2017, le Tribunal arbitral a rendu une ordonnance de procédure fixant notamment le siège de l'arbitrage à La Haye (Pays-Bas) et désignant la CPA comme greffe.
21.
Cette ordonnance a été modifiée par l’ordonnance de Procédure du 3 août 2017 pour fixer le siège de l'arbitrage à Paris, en accord avec les parties.
22.
Le 15 février 2018, le Tribunal arbitral a rendu une sentence partielle sur la question préliminaire relative à la régularité de sa constitution, aux termes de laquelle il a rejeté l'objection de D quant à l'irrégularité de sa constitution.
23.
Le 15 mars 2018, D a formé un recours en annulation contre cette sentence.
24.
Le 19 mars 2018, D a demandé au Tribunal arbitral de suspendre la procédure arbitrale dans l'attente de la décision de la Cour dans la présente procédure, ce qui a été refusé le 3 juillet 2018 par le Tribunal arbitral.
25.
L'instance arbitrale se poursuit et des audiences ont été fixées la semaine du 26 avril 2021.
26.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 12 janvier 2021.

II - PRÉTENTIONS DES PARTIES

27.
Aux termes de conclusions notifiées par voie électronique le 17 août 2020, D demande à la Cour au visa notamment de l'article 1520, 2°, 4° et 5° du Code de procédure civile, de :

-REJETER la fin de non-recevoir soulevée par la société K comme irrecevable et mal fondée ;

-JUGER que le Tribunal arbitral a été irrégulièrement constitué ;

-JUGER que le principe de la contradiction n'a pas été respecté ;

-ANNULER la sentence arbitrale attaquée, rendue à Paris le 15 février 2018 par le Tribunal arbitral composé de MM. B, C et A (Président) dans l'affaire CPA n°;

-DEBOUTER la société K de sa demande tendant à ce que D soit condamné à la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

-DEBOUTER la société K de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions;

-CONDAMNER la société K à payer à D la somme de 250 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

-CONDAMNER la société K aux entiers dépens dont distraction pour ceux la concernant au profit de Maître E et ce, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

28.
Aux termes de conclusions notifiées par voie électronique le 2 décembre 2020, la société K demande à la Cour au visa notamment des articles 559, 700, 1520, 2°, 4° et 5° du code de procédure civile et 1240 du code civil, de :

-DECLARER irrecevable le premier moyen de l'appelante tiré de l'irrégularité de la constitution du Tribunal arbitral et à titre subsidiaire, REJETER le premier moyen de l'appelante tiré de l'irrégularité de la constitution du Tribunal arbitral ;

-REJETER le second moyen de l'appelante tiré de la violation du principe du contradictoire

A titre encore plus subsidiaire,

-DESIGNER directement à nouveau les membres actuels du Tribunal arbitral.

Par conséquent :

-DEBOUTER D de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

-CONFIRMER la sentence entreprise

-CONDAMNER D à la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts au visa des articles 559 du Code de procédure civile et 1240 du Code civil pour procédure abusive ;

-CONDAMNER D à la somme de 150,000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

III - MOTIFS DE LA DECISION

Sur le moyen d’annulation tiré de l’irrégularité de la constitution du tribunal arbitral (article 1520, 2° du Code de procédure civile.)

Sur l'irrecevabilité du moyen tiré de l'irrégularité de la constitution du tribunal arbitral ;

Sur l'irrecevabilité de la fin de non recevoir ;

29.
K soulève l'irrecevabilité du moyen tiré de l'irrégularité de la constitution du tribunal arbitral.
30.

Elle expose en effet que D a refusé d'exercer son droit de participer à la constitution d'un tribunal arbitral en application de l'article 17(2) du Traité de l'OCI et son droit de choisir les règles de procédure applicables à la procédure arbitrale, dans le seul but d'échapper à son obligation internationale de soumettre le litige à l'arbitrage.

31.
Elle soutient que le comportement de D est caractérisé par la mauvaise foi et qu'il est constitutif d'un abus de droit puisqu'il a entravé délibérément la procédure arbitrale, et elle souligne que ce comportement est récurrent dans les arbitrages auxquels il participe. Elle explique qu'il est notoire que le Secrétaire Général de l'OCI n'accepte pas de nommer un arbitre en lieu et place d'un État membre de l'OCI et que c'est ainsi sciemment et en toute connaissance de cause que D a refusé de désigner un arbitre, lui permettant de bloquer la constitution du tribunal arbitral. Elle considère que la contestation de D quant à l'existence d'une offre d'arbitrage dans le Traité OCI ne justifie pas le refus de désigner un arbitre dès lors que le tribunal constitué a vocation à statuer sur cette question, en application du principe compétence-compétence.
32.
Elle estime que le comportement de D est contraire au droit international public et à la maxime selon laquelle nul ne peut profiter en droit de son propre tort (nemo ex propria turpitudine commodum capere potest) et que D ne peut se prévaloir d'un manquement à une condition dont il est à l’origine, sachant qu'en droit international coutumier, une objection fondée sur le manquement de celui qui l'invoque constitue un abus de droit et est sanctionnée par l'irrecevabilité.
33.
Elle ajoute qu'en refusant de participer à la constitution du Tribunal arbitral, D a manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi la convention d'arbitrage, de sorte que pour ce motif également il est irrecevable en son moyen d'annulation.
34.
Elle souligne que la Cour de cassation a déjà créé une irrecevabilité d'un moyen de recours en annulation en application de la règle de l'estoppel, laquelle découle - tout comme la théorie de l'abus de droit - du principe de bonne foi, de sorte qu'une partie est irrecevable à soutenir, devant le juge de l'annulation, un moyen incompatible avec l'argumentation développée devant le tribunal arbitral étant observé que dans les deux cas, la règle de droit vise à empêcher qu'une partie puisse se prévaloir de son propre comportement fautif.
35.
Enfin, elle expose qu'en tout état de cause, D n'a pas d'intérêt à agir au motif que son droit à ne pas nommer un arbitre était épuisé lorsque la société K a demandé au Secrétaire général de l'OCI de nommer un arbitre à sa place de sorte que seul ce dernier pourrait le cas échéant avoir intérêt à contester la désignation de l'arbitre pour D par l'autorité de nomination désignée par le secrétaire général de la CPA.
36.
La société K considère, en réponse à l'irrecevabilité opposée par D à sa fin de non recevoir, que son moyen d'irrecevabilité a pour fondement non seulement le comportement de D avant et pendant l'étape arbitrale préliminaire, mais également dans la présente procédure judiciaire, de sorte que le moyen d'irrecevabilité soulevé par D, selon lequel elle se serait abstenue de soulever cette question pendant la procédure arbitrale, n'est pas pertinent et ne tient pas compte du renouvellement de l'argument.
37.

En réponse D soutient que la fin de non-recevoir soulevée par la société K est elle-même irrecevable au motif qu'elle n'avait pas été soulevée dans le cadre de la procédure d'arbitrage. Il précise que la société K a accepté que D conteste l'application du Règlement CNUDCI de 1976 aux modalités de constitution du tribunal arbitral et n'a pas soulevé cette fin de non recevoir dans le cadre de la procédure arbitrale.

38.

D fait valoir qu'en tout état de cause, il n'a pas commis d'abus de droit et que l'article 17(2) du Traité de l'OCI ne prévoit aucune sanction en cas de défaillance d'une partie dans la désignation d'un arbitre, prévoyant dans ce cas la possibilité de désignation de cet arbitre par le Secrétaire Général de l'OCI.

39.
Il souligne que le blocage dans la constitution du Tribunal arbitral procède, non pas de son fait mais du défaut de nomination par le Secrétaire Général de l'OCI et que face à l'inaction d'une institution, la société K aurait pu saisir un juge d'appui étatique pour pallier ce blocage, plutôt que de s'adresser au secrétaire Général de la CPA.
40.
Il estime être recevable à contester les modalités irrégulières selon lesquelles le tribunal arbitral a été constitué, ce d'autant que ces modalités contreviennent à la volonté exprimée par les États Parties au Traité OCI qui ne se sont pas accordés sur l'application du règlement de la CNUDCI ni sur le recours au Secrétaire Général de la CPA en cas d'inaction du Secrétaire général de l'OCI.
41.
A titre surabondant, D souligne qu'il n'existe pas de règle non écrite du droit international permettant de conclure à l'irrecevabilité de son moyen du fait d'un abus de droit. Il soutient que la société K opère une confusion entre abus de procédure et abus de droit, l'abus de procédure ne pouvant être sanctionné que par l’octroi de dommages et intérêts et non par l'irrecevabilité des demandes jugées abusives.
42.
Il ajoute enfin que la référence au principe de l'estoppel est inopérante en l'espèce car hors de propos, D ne s'étant jamais contredit et ayant contesté depuis le début, la régularité de la constitution du tribunal arbitral.

Sur ce,

Sur l'irrecevabilité de la fin de non recevoir soulevée par la société K;

43.
Aux termes de l'article 1466 du code de procédure civile, applicable en matière d'arbitrage international et en l'espèce, dès lors que le siège de l'arbitrage litigieux a été fixé à Paris, « La partie qui, en connaissance de cause et sans motif légitime, s'abstient d'invoquer en temps utile une irrégularité devant le tribunal arbitral est réputée avoir renoncé à s'en prévaloir ».
44.
En l'espèce, il est constant que par lettre du 8 février 2017, la société K a sollicité le Secrétaire Général de la Cour permanente d'Arbitrage aux fins qu'il désigne en application du règlement CNUDCI de 2010 une autorité de nomination aux fins de constituer un tribunal arbitral dans le litige qui l'oppose à D.
45.
Par lettre du 17 février 2017, D a formé une objection à cette requête en faisant valoir qu 'il n'avait pas donné son consentement à l'application du Règlement d'arbitrage de la CNUDCI dans les correspondances qu'il a échangées avec la société K, son silence ne pouvant valoir consentement, et que le Traité de l'OCI ne contient aucune référence au Règlement d'arbitrage de la CNUDCI de telle sorte que la Cour Permanente d'Arbitrage ne disposait ni du pouvoir ni de la légitimité pour procéder à la désignation d'une autorité de nomination.
46.
Le 20 mars 2017, le Secrétaire Général de la Cour permanente d'Arbitrage a considéré que la requête de la société K pouvait être prise en compte en vertu non pas du règlement CNUDCI de 2010 mais application du Règlement CNUDCI de 1976.
47.
Par lettre du 20 juin 2017 D a rappelé aux membres du Tribunal arbitral que la constitution du Tribunal était intervenue en dépit de ses objections et a demandé au Tribunal arbitral de se prononcer, à titre préliminaire, sur la question de l'irrégularité de sa constitution en application du Règlement CNUDCI de 1976.
48.
Le 13 juillet 2017, la société K a accepté que la question de régularité de la constitution du Tribunal arbitral en application du Règlement CNUDCI de 1976 soit tranchée par celui-ci, à titre préliminaire.
49.
Il convient d'observer que lors de l'instance procédurale consacrée au traitement de cette question préliminaire, la société K n'a a aucun moment soulevé une fin de non recevoir tirée de l'abus de droit de D et du défaut d'intérêt à agir, ayant même adopté une attitude procédurale inverse en acceptant expressément que le tribunal arbitral puisse statuer sur la régularité de sa constitution à la demande de D.
50.
Ainsi, la société K n'est plus recevable à invoquer devant le juge de l'annulation un abus de droit ou un défaut d'intérêt à agir, alors que les faits allégués en son soutien préexistaient à cette instance et qu'il lui appartenait donc de soulever ce moyen dès le début de l'instance arbitrale, ce qu'elle s'est abstenue de faire.
51.
Il convient en conséquence de considérer que la fin de non recevoir soulevée par la société K, fût-elle susceptible de fonder en droit international public une irrecevabilité, n'est plus recevable devant le juge de l'annulation.

Sur l'examen au fond du moyen tiré de l’irrégularité de la constitution du tribunal arbitral

52.

D expose que le tribunal arbitral ne pouvait, pour appliquer l'article 7 du Règlement CNUDCI de 1976 quant aux modalités de sa constitution, se fonder sur les articles 8 et 17 du Traité de l'OCI, alors que ce faisant il a procédé à une dénaturation des stipulations du traité de l'OCI et du consentement de l'État défendeur à l'arbitrage, de même qu'il a violé les principes généraux de l'arbitrage international .

53.

Il fait ainsi valoir que l'article 17(2)(c) du Traité de l'OCI ne contient aucune référence au Règlement CNUDCI de 1976, de sorte qu'à défaut d'accord des parties sur son application, préalable à la constitution du tribunal arbitral, le Règlement CNUDCI ne pouvait être rétroactivement appliqué. Il précise que le pouvoir de déterminer les règles qui gouvernent la procédure, à défaut d'accord entre les parties, ne peut appartenir qu'à un tribunal investi de ce pouvoir par les parties et donc régulièrement constitué.

54.

Il ajoute que l'article 1er du Règlement CNUDCI de 1976 subordonne l'application du Règlement à l'existence d'un accord écrit des parties, qu'un tel accord n'existe pas en l'espèce, de sorte que le Tribunal arbitral s'est fondé à tort sur ces dispositions pour se déclarer valablement constitué.

55.
D fait également valoir que le Règlement CNUDCI de 1976 ne pouvait trouver à s'appliquer par référence au droit du siège de l'arbitrage, comme l'a fait le tribunal arbitral sur le fondement de l'article 1509 du code de procédure civile, dès lors qu'au moment de la désignation contestée de l'arbitre pour son compte, le 26 avril 2017, les parties n'avaient pas encore choisi le siège de l'arbitrage, fixé le 3 août 2017. Il ajoute qu'en tout état de cause, le droit du siège ne permet pas à un tribunal arbitral de se substituer à la volonté des parties et de fixer lui-même les règles relatives à sa propre constitution.
56.

Il conteste par ailleurs que l'article 17(2) du Traité de l'OCI soit une clause « pathologique », tel que soutenu par la société K au soutien de l'existence d'un risque de déni de justice, en soulignant que le blocage dans la constitution du tribunal arbitral n'était pas de son fait mais de celui du Secrétaire Général de l'OCI. Il considère que le tribunal arbitral a dénaturé les termes de l'article 17(2)(b) du Traité de l'OCI en y ajoutant la possibilité de saisir le Secrétaire Général de la CPA, alors que la clause est claire et ne prévoit pas cette possibilité dans l'hypothèse où le Secrétaire de l'OCI ne procède pas à la désignation demandée.

57.
Il fait valoir que la société K n'a pas démontré que les circonstances de la présente affaire étaient constitutives d'un déni de justice arbitral, en ne justifiant pas notamment qu'il lui était impossible de saisir le juge d'appui D (juge de l'État défendeur à l'arbitrage) ou le juge d'appui X juge de l'État dont elle est ressortissante) ou même le juge d'appui Y (juge du siège du Secrétariat Général de l'OCI) afin qu'ils procèdent à la désignation d'un arbitre pour le compte de D. Il estime qu'en tout état de cause, l'existence d'un déni de justice aurait dû conduire le Tribunal arbitral à se déclarer irrégulièrement constitué et à renvoyer la société K à saisir le juge d'appui français afin qu'il désigne un arbitre pour le compte de D.
58.

D fait valoir que le Tribunal arbitral ne pouvait pas davantage juger que la société K pouvait invoquer l'article 8 du Traité de l'OCI pour se fonder sur le Règlement de la CNUDCI de 1976, en estimant que cette clause pouvait être qualifiée de « clause de la nation la plus favorisée » et permettait à la société K d'importer, dans le Traité de l'OCI, le consentement à l'arbitrage CNUDCI que D a exprimé dans l'article 11 du Traité bilatéral d'investissement D-J de 2002.

59.
Il conteste à titre principal la qualification de clause de la nation plus favorisée de l'article 8 du Traité de l'OCI, au motif notamment que cette clause ne rentre dans aucune des six catégories prévues dans les traités d'investissement, qu'a identifiées la Commission du Droit International dans son Rapport final du groupe d'étude de 2015.
60.

A titre subsidiaire, D soutient que l'interprétation de l'article 8 du Traité de l'OCI à la lumière de l'article 31 de la Convention de Vienne de 1969 ne permettait pas, comme l'a fait le tribunal arbitral, l'application de clauses de règlement des différends prévues dans d'autres traités. Il souligne en premier lieu qu'une clause de la nation la plus favorisée ne peut être invoquée, que pour permettre à son bénéficiaire de revendiquer l'octroi d'un traitement substantiel plus avantageux, accordé par l'État concédant à un État tiers dans un traité bilatéral d'investissement, mais ne peut pas être mise en œuvre pour solliciter l'incorporation de règles procédurales plus favorables à l'investisseur, en application de la jurisprudence de la cour d'appel de Paris KCI c. Gabon du 25 juin 2019.

61.
D ajoute à titre surabondant, qu'il résulte des termes du Traité de l'OCI que le traitement visé par l'article 8 de ce Traité ne couvre pas les dispositions procédurales prévues dans d'autres traités de protection des investissements alors que seule une intention claire et non équivoque des États parties au Traité de l'OCI permettrait l'application de clauses de règlement des différends prévues dans d'autres traités.
62.

Il expose que l'interprétation de l'article 8 retenue par le tribunal est erronée, compte tenu de la limitation matérielle du traitement accordé en vertu de l'article 8.1 du Traité de l'OCI au seul «contexte de l'activité économique » où les investisseurs « auront engagé leurs investissements » et que ce faisant, l'article 8 de l'accord OCI exclut que l'on puisse étendre le champ d'application de cette disposition à des règles procédurales qui ne sont pas directement liées à l'exploitation de son activité économique. Il ajoute que l'exclusion des dispositions relatives au règlement des différends du champ d'application de l'article 8.1 du Traité de l'OCI est également confirmée par la limitation territoriale que cet article prévoit, sa mise en œuvre géographique étant restreinte aux traitements accordés « sur le territoire d'une autre partie contractante » alors que l'arbitrage international n'est pas un traitement qui peut être rattaché au territoire de l'État hôte de l'investissement.

63.

D ajoute qu'au regard du caractère multilatéral du Traité et des négociations qui ont précédé sa conclusion, il doit être admis qu'en l'absence d'une disposition claire du Traité prévoyant la possibilité de remplacer la procédure spécifique de règlement des différends stipulée à l'article 17.2 du Traité par une procédure prévue dans un autre Traité, il doit nécessairement être admis que les États Parties n'avaient pas souhaité qu'un tel remplacement puisse intervenir et ce d'autant que les Parties au Traité de l'OCI avaient voulu créer un système de résolution des différends spécifique, uniforme, centralisé et interne à l'OCI.

64.

D poursuit qu'en tout état de cause, l'article 17.2 du Traité de l'OCI ne constitue pas un traitement « inférieur » au sens de l'article 8 de ce même Traité, au motif que cet article et l'article 11 du Traité bilatéral d'investissement D-J de 2002 accordent le même droit d'accès à l'arbitrage aux investisseurs protégés. Il considère que la difficulté de constitution d'un tribunal du fait de la carence du Secrétariat Général de l'OCI ne pouvait, en elle-même, être assimilée à un traitement « plus ou moins favorable » dans la mesure où, sur le fondement de l'article 17(2) de l'Accord, la saisine d'un juge d'appui pour compléter la constitution du Tribunal Arbitral aurait permis d'en compléter la composition (notamment le juge d'appui français en application de l'article 1505 4° du code de procédure civile).

65.
En réponse, la société K expose que D méconnaît la portée des rapports émis par la Conférence du droit international ainsi que la pratique étatique (ci-après "CDI") qui ne dressent pas une liste exhaustive de toutes les clauses de la nation la plus favorisée et fait valoir que l'article 8 répond à la définition de clause "de la nation la plus favorisée" dans le droit international général en ce qu'elle vise les "investisseurs appartenant à n'importe quelle Partie Contractante", c'est-à-dire à des personnes ayant la nationalité de l'État bénéficiaire et en ce que la clause octroierait "un traitement qui ne sera pas inférieur à celui octroyé aux investisseurs appartenant à un autre État non partie", ce qui correspond au traitement non moins favorable que celui concédé à l'État tiers.
66.
Elle soutient qu'il n'existe pas d'empêchement d'ordre général à l'importation de clauses de règlement de différends par le biais d'une clause NPF. Elle conteste la distinction opérée entre droits substantiels et droits procéduraux, faisant valoir qu'une clause NPF n'a pas a priori de contenu spécifique, « matériel », « substantiel » ou « non-matériel » dès lors qu'il s'agit de « clauses de traitement par référence ou de traitement indirect » qui sont « dépourvues de contenu concret précis» et que la seule question qui se pose en l'espèce est de savoir si « les conditions d'accès » invoquées par l'appelante relèvent de la catégorie « traitement ». Elle précise notamment qu'il est admis par plusieurs tribunaux arbitraux que le terme « investissement » comprend des droits procéduraux. Elle ajoute qu'il est faux de prétendre que « pour se prévaloir » de la clause NPF, l'investisseur doit d'abord « engager une procédure d'arbitrage » et souligne que le Traité OCI permet à l'Etat hôte d'engager l'arbitrage par simple notification sans avoir à recueillir une acceptation de sa prétendue « offre d'arbitrage » de la part de l'investisseur et vice versa.
67.
Elle expose que tant la CDI que les États membres des Nations Unies ont rappelé que l'importation d'un traitement procédural plus favorable est une question d'interprétation des traités, et que cette interprétation doit être traitée au cas par cas, en observant strictement les règles en la matière codifiée par la Convention de Vienne.
68.
Elle soutient que l'interprétation du texte de l'article 8(1), qui évoque non seulement le "traitement" dont bénéficient les investisseurs des États tiers mais également les "droits et privilèges", s'étend nécessairement aux recours à l'arbitrage qui est considéré comme étant un droit sur la base du texte de l'article 17 du Traité OCI, et un privilège étant donné que "la possibilité de saisir un tribunal arbitral n'existe qu'en présence d'un traité prévoyant cette possibilité", constituant bien un privilège accordé aux investisseurs.
69.

La société K considère que le tribunal n'a pas dérogé aux règles spécifiques de constitution du Tribunal arbitral prévues à l'article 17 par le biais de l'article 8 ; qu'il a appliqué l'article 17 dans tous ses termes et a seulement eu recours à l'article 8 comme source d'une modalité complémentaire permettant de pallier les lacunes du mécanisme prévu à l'article 17.

70.
Elle précise que le « système de résolution des différends spécifique, uniforme, centralisé et interne à l'OCI » prévu par le chapeau de l'article 17 du Traité OCI ne fait pas partie du contexte utile de l'article 8 du Traité OCI puisque l'appelante ne prouve pas que le chapeau de l'article 17 du Traité OCI fait partie du contexte à interpréter pour la lecture de l'article 8 du Traité, étant ajouté que la création d'une cour pour le règlement des différends résultant de ce traité n'a rien à voir avec la volonté des Etats parties de soumettre leurs différends à une procédure arbitrale, volonté qui existe séparément et indépendamment et qui subsiste « en attendant la création d'un organisme pour le règlement des litiges résultant » du Traité.
71.

Interprétant l'article 8 du Traité de l'OCI à la lumière des articles 31 et 32 de la Convention de Vienne, la société K soutient que le sens ordinaire des termes « dans le contexte de l'activité économique où ils auront engagé leurs investissements » n'exclut pas les dispositions relatives au règlement des différends car les mécanismes de règlement des différends nés lors de l'exercice de l'activité économique auxquels l'investisseur peut recourir, font partie du « contexte de l'activité économique ».

72.

Elle considère que l'appelante ne peut prétendre qu'au moment où le Traité de l'OCI a été conclu, en 1981, la possibilité de se fonder sur une Clause NPF pour importer une disposition procédurale prévue dans un autre traité n'avait jamais été admise alors que l'article 23 du Traité OCI prévoyant une durée indéterminée du traité, les conditions pour l'application d'une interprétation évolutive des termes de la clause NPF sont réunies.

73.

Enfin, la société K affirme que le traitement accordé par l'article 17(2)(b) du Traité OCI était bien inférieur à celui accordé par l'article 11 du TBI J-D dès lors que l'infériorité de traitement ne résulte pas uniquement d'une situation factuelle de blocage propre aux circonstances de l'espèce, mais bien d'une infériorité objective du mécanisme prévu à l'article 17.2 du Traité OCI. Elle explique que la supériorité réside, d'une part, dans l'intervention du Secrétaire général de la CPA (contre l'inactivité de principe du Secrétaire général de l'OCI) et, d'autre part, dans le fait que l'arbitrage CNUDCI aura un siège (et donc un juge d'appui et un juge d'annulation), tandis que l'arbitrage OCI se veut délocalisé. Elle soutient également que toute intervention du juge d'appui est exclue dans l'arbitrage OCI car dans le cadre d'un arbitrage organisé sous l'égide d'une organisation internationale, le rôle qui est celui du juge d'appui dans l'arbitrage ad hoc est précisément assumé par l'institution en question. Elle conteste par ailleurs la compétence universelle du président du TGI de Paris en matière de déni de justice.

74.
A titre subsidiaire, la société K fait valoir que D n'explique pas en quoi l'article 17(2) du Traité OCI n'aurait pas permis au tribunal arbitral de se fonder sur le Règlement CNUDCI de 1976 pour sa constitution, d'autant que cet article ne fait pas référence à un quelconque accord des parties.
75.

Elle soutient que la faculté du Tribunal arbitral de choisir de son propre chef le Règlement CNUDCI se justifie par les termes de l'article 17(2)(c) du Traité OCI - qui lui permet de trancher toute question relevant de sa compétence disputée par les Parties et ajoute que l'application du Règlement CNUDCI de 1976 n'était pas conditionnée à l'accord écrit des Parties, car, nonobstant les termes de l'article 1er du Règlement, un tribunal arbitral a autorité pour décider des règles de procédure applicable, en vertu notamment de la lex arbitrii.

76.
Elle fait encore valoir que la faculté pour le tribunal arbitral d'appliquer le Règlement CNUDCI de 1976 hors accord écrit préalable des parties se justifie par l'application de l'article 1509 du code de procédure civile. Elle expose qu'il existait un accord entre les parties pour donner au Tribunal arbitral la faculté de trancher la question de la validité de sa constitution par le biais d'une question préliminaire. Elle ajoute que le mécanisme prévu par l'article 17(2)(b) du Traité de l'OCI était une clause assimilable à une clause pathologique dans la mesure où elle ne prévoit rien dans le cas où le Secrétaire Général de l'OCI ne désigne pas d'arbitre pour pallier la carence d'une partie. Elle conclut que la décision du tribunal arbitral d'appliquer le Règlement CNUDCI est conforme au droit français de l'arbitrage, dont la jurisprudence constante prévoit que les incertitudes issues d'une clause d'arbitrage pathologique ne peuvent avoir pour conséquence de faire échec à la volonté des parties de se soumettre à un règlement d'arbitrage international et de priver ainsi d'effets la clause compromissoire.
77.

La société K expose enfin que la référence au juge d'appui par D n'est pas pertinente au motif que le choix de Paris comme siège de l'arbitrage, et donc la compétence du juge d'appui, a été le résultat de l'application de l'article 16 du Règlement CNUDCI de 1976 et non du Traité de l'OCI. Elle ajoute que le juge d'appui français n'avait pas de compétence faute d'éléments de rattachement à la France.

Sur ce ;

78.
En application de l'article 1520, 2° du code de procédure civile le recours en annulation est ouvert si le tribunal arbitral a été irrégulièrement constitué.
79.
En l'espèce, il appartient à la cour d'apprécier si, pour résoudre la situation de blocage résultant de l'absence de désignation par le Secrétaire Général de l'OCI d'un arbitre aux lieu et place de D, le recours au secrétariat de la CPA afin de procéder à la désignation d'une autorité de nomination des arbitres constitue, au regard de la volonté des parties et du traité de l'OCI, une modalité régulière de constitution du tribunal arbitral.
80.
A cet égard, le juge de l'annulation n'étant pas le juge de révision de la sentence, il ne lui appartient pas d'infirmer ou de confirmer les motifs de la sentence rendue sur cette question, mais d'apprécier au regard de la volonté des parties et de la convention d'arbitrage si la constitution du tribunal arbitral a été régulière.
81.

En l'espèce, la convention d'arbitrage figure à l'article 17 du traité OCI et stipule que :

« En attendant la création d'un organisme pour le règlement des litiges résultant de cet Accord, les litiges qui pourraient se présenter seront réglés par conciliation ou par voie d'arbitrage conformément aux règles suivantes :

1. La conciliation (...)

2. L'arbitrage.

a) Si les deux parties en litige ne sont pas parvenues à un accord par suite de leur recours à la conciliation ou si le conciliateur ne réussit pas à présenter son rapport dans le délai déterminé, ou si les deux parties ne s'accordent pas sur les solutions proposées, chaque partie aura le droit de recourir au tribunal arbitral pour trancher le litige.

b) La procédure d’arbitrage commence par une notification faite par la Partie qui formule une demande d’arbitrage à l’autre Partie en litige, expliquant le caractère du litige et le nom de l’arbitre qu ’elle nommera. L’autre Partie devra, dans un délai de 60 jours, à partir de la date à laquelle la notification a été émise, informer la Partie qui a formulé la demande d’arbitrage du nom de l’arbitre choisi par elle. Les deux Parties [arbitres] devront choisir, dans un délai de 60 jours à partir de la date à laquelle le dernier des deux arbitres a été nommé, un arbitre qui présidera le tribuna[l] et qui aura une voix prépondérante au cas où il y aurait égalité de voix. Si l’une des Parties ne désigne pas son arbitre ou si les deux arbitres ne sont pas d’accord sur le choix de l’arbitre à voix prépondérante dans les délais impartis, chaque partie pourra adresser une demande au Secrétaire Général afin de constituer ou de compléter la composition du tribunal ».

82.
Il est constant que l'article 17 précité ne prévoit aucune règle en cas de carence du secrétaire général de l'OCI dans la désignation d'un arbitre à la suite du refus d'une partie d'en désigner un, ni ne prévoit expressément le recours à un autre règlement d'arbitrage et notamment le règlement de la CNUDCI pour trancher cette difficulté.
83.
Dès lors, la société K ne pouvait en s'appuyant sur ce seul article, en l'absence d'accord exprès de D sur ces modalités, confier cette mission au secrétariat de la CPA.
84.
Elle ne peut davantage s'appuyer sur l'article 1509 du code de procédure civile, alors que si cet article permet au tribunal arbitral, dans le silence de la convention d'arbitrage, de régler la procédure soit directement soit par référence à un règlement d'arbitrage, encore faut-il que le tribunal ait pu être régulièrement constitué, ce qui est précisément l'objet du litige en l'espèce.
85.

Il convient cependant d'apprécier si le recours à la CPA pour procéder à la constitution du tribunal arbitral, peut trouver un fondement sur l'article 8 du traité OCI qui stipule que :

« 1. Les investisseurs appartenant à n'importe quelle Partie Contractante jouiront, dans le contexte de l'activité économique où ils auront engagé leurs investissements sur le territoire d'une autre Partie Contractante, d'un traitement qui ne sera pas inférieur à celui octroyé aux investisseurs appartenant à un autre État non partie dudit Accord dans le cadre de cette même activité. Ils auront les mêmes droits et privilèges que ceux reconnus à ces derniers.

2. Les dispositions du paragraphe 1 ne sont applicables à aucun traitement préférentiel accordé à une Partie Contractante dans les domaines ci-après :

a) droits et privilèges accordés par une Partie Contractante aux investisseurs appartenant à une autre Partie Contractante en vertu d’un accord international, d’une loi ou de mesures préférentielles particulières ;

b) droits et privilèges résultant d’un accord international en vigueur ou à conclure par une Partie Contractante quelconque et prévoyant une union douanière ou en échange d’exonération fiscale ;

c) droits et privilèges accordés par une Partie Contractante à un projet spécifique en raison de son importance particulière pour cette Partie Contractante ».

86.
Le bien fondé de cette option suppose que l'article 8 puisse être qualifié de clause de la nation la plus favorisée (NPF) et qu'il puisse autoriser l'importation d'une procédure de règlement des différends contenue dans un autre traité auquel D est partie, à supposer que ce dispositif soit aussi qualifié de plus favorable.

Sur la qualification de l'article 8 du traité OCI en clause de la nation la plus favorisée ;

87.
Une clause de la nation la plus favorisée est définie par la Commission de Droit International des Nations Unies (dans son rapport final sur la clause de la nation la plus favorisée de 2015) comme « le traitement accordé par l'État concédant à l'État bénéficiaire, ou à des personnes ou à des choses se trouvant dans un rapport déterminé avec cet État, non moins favorable que le traitement conféré par l'État concédant à un État tiers ou à des personnes ou à des choses se trouvant dans le même rapport avec cet État tiers ».
88.

En l'espèce, la circonstance que la clause prévue à l'article 8 du Traité OCI n'ait pas fait l'objet d'une qualification expresse de clause NPF dans ce rapport n'est pas de nature à l'exclure d'emblée de cette qualification, laquelle relève de la seule interprétation du Traité étant au surplus précisé qu'il est indiqué au paragraphe 58 de ce rapport que « Bien que l'obligation de traitement NPF soit commune aux traités bilatéraux d'investissement, la façon dont cette obligation est exprimée varie » et que si ce rapport identifie « Six types d'obligation », il précise aussi que dans certains accords « la clause NPF peut associer différents types d'obligation ».

89.
Il ressort par ailleurs du commentaire du Projet d'articles sur la clause de la nation la plus favorisée publié dans l'Annuaire de la Commission de Droit International 1978 (Vol. II deuxième partie) que « le fait d'assumer l'obligation d'accorder le traitement de la nation la plus favorisée est un élément constitutif de toute clause de la nation la plus favorisées » (§12).
90.
Le commentaire précité dispose ainsi que « la question de savoir si une disposition rentre dans le cadre de la nation la plus favorisée est affaire d'interprétation. Les clauses de la nation la plus favorisée peuvent être rédigées de façons très diverses (...) En d'autres termes : « à strictement parler, la clause de la nation la plus favorisée n'existe pas en tant que telle : il faut étudier séparément chaque traité [...]. Il existe d'innombrables clauses de la nation la plus favorisée, mais il n'y a qu'une seule norme [de traitement] de la nation la plus favorisée » (§ 13).
91.
En l'espèce, il convient de constater que l'article 8 du traité pose comme principe que les investisseurs « jouiront (...) d'un traitement qui ne sera pas inférieur à celui octroyé aux investisseurs appartenant à un autre État non partie dudit Accord » et que ce faisant il implique que les parties assument l'obligation d'accorder un traitement non moins favorable que celui concédé à un Etat tiers, ce qui est caractéristique d'une clause NPF.
92.
L'article 8 du Traité OCI peut dès lors être qualifié de clause de la nation la plus favorisée.

Sur la faculté pour l'article 8 du Traité OCI en tant que clause de la nation la plus favorisée, d'inclure dans son champ les procédures de règlement des litiges ;

93.

Il s'agit de savoir s'il est possible d'importer, sur le fondement de l'article 8 de l'accord OCI, l'accord manifesté par D à l'application du règlement d'arbitrage de la CNUDCI dans le traité bilatéral d'investissement conclu avec J le 18 janvier 2002 et en vigueur depuis le 1er janvier 2004.

94.
A cet égard, sauf mention expresse en ce sens, il ne peut être écarté d'emblée la possibilité pour une clause NPF d'inclure l'importation de procédure de règlement des différends alors que le « traitement » d'un investisseur peut potentiellement inclure non seulement le bénéfice d'un droit substantiel mais aussi le bénéfice d'un traitement procédural garantissant un dispositif de règlement des différends adapté à l'objet et au but du Traité.
95.

Il convient dans ces conditions de procéder à une interprétation du Traité en s'appuyant sur les règles de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 et notamment son article 31 qui stipule sur ce point que :

« Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but » et que « Aux fins de l'interprétation d'un traité, le contexte comprend, outre le texte, préambule et annexes inclus:

a) tout accord ayant rapport au traité et qui est intervenu entre toutes les parties à l'occasion de la conclusion du traité;

b) tout instrument établi par une ou plusieurs parties à l'occasion de la conclusion du traité et accepté par les autres parties en tant qu'instrument ayant rapport au traité.

3. Il sera tenu compte, en même temps que du contexte:

a) de tout accord ultérieur intervenu entre les parties au sujet de l'interprétation du traité ou de l'application de ses dispositions;

b) de toute pratique ultérieurement suivie dans l'application du traité par laquelle est établi l'accord des parties à l'égard de l'interprétation du traité;

c) de toute règle pertinente de droit international applicable dans les relations entre les parties.

4. Un terme sera entendu dans un sens particulier s'il est établi que telle était l'intention des parties ».

96.

En l'espèce, il ressort de l'article 17 du Traité OCI, qu'au jour de la conclusion de ce Traité, les parties ont précisément envisagé la création d'un organe spécifique pour le règlement des litiges puisqu'il est indiqué, sans que cette précision puisse être exclue du « contexte » au sens de l'article 31 précité, que les litiges qui pourraient se présenter seront réglés par conciliation ou par voie d'arbitrage conformément aux règles prévues à cet article 17 « En attendant la création d'un organisme pour le règlement des litiges résultant de cet Accord».

97.
Ce faisant, le dispositif prévu à l'article 17 du Traité OCI doit être interprété à la lumière de ce contexte et de ce but dont il ressort que l'intention des parties au Traité OCI n'était manifestement pas de s'en remettre à une procédure de règlement des différends importée d'un autre traité, mais au contraire de prévoir dans l'attente de la mise en place d'un organe spécifique ayant son propre règlement, une procédure ad hoc, et ce indépendamment du fait que cette Cour n'a finalement pas été instituée.
98.
Tel est au demeurant aussi l'objet de l'article 17 puisqu'il prévoit un dispositif autonome, en attendant la création de cet organe de règlement des litiges, pour permettre en cas de litige la constitution d'un tribunal arbitral sans avoir à recourir à une procédure de règlement des différends tierce puisque précisément sur ce point il était confié au Secrétaire Général de l'OCI de procéder à la désignation de l'arbitre en cas de défaillance de l'une des Parties.
99.
Ainsi, il ressort de cet article 17 qu'une fois constitué, le tribunal « décidera ensuite des lieux et date de ses réunions et tranchera sur les autres questions relevant de sa compétence » étant observé qu'il ressort de la version anglaise du Traité (« The Tribunal will decide on the venue and time of its meetings as well as other matters pertaining to its functions ») que sur ce dernier point, il ne s'agit pas seulement pour le tribunal arbitral de statuer sur des questions de compétence au sens juridique du terme mais aussi sur toutes questions relatives à son fonctionnement, ce qui inclut aussi la question de la procédure applicable devant lui.
100.
Il convient dès lors de considérer que tant le contexte que l'objet et le but de l'article 17 du Traité OCI ont été d'accompagner la protection substantielle des investissements accordée par le Traité d'une protection procédurale par la mise en place d'une procédure de règlement des litiges spécifique.
101.

La rédaction de l'article 8 du traité ne permet pas d'infirmer une telle interprétation dès lors qu'il ne comporte aucune référence au bénéfice d'un traitement procédural plus favorable et que les références équivoques au « contexte de l'activité économique » et aux « droits et privilèges » ne permettent pas de considérer qu'elles puissent s'étendre aux avantages procéduraux de règlement des différends prévus dans d'autres traités de protection des investissements et notamment celui prévu à l'article 11 du Traité bilatéral d'investissement conclu par D avec J le 18 janvier 2002.

102.

De même, il n'est pas rapporté d'éléments permettant de se prévaloir, au sens de l'article 31 de la Convention de Vienne précitée, d'un accord ultérieur intervenu entre les parties au sujet d'une interprétation en ce sens du traité ou de l'application de ses dispositions et même d'une pratique ultérieurement suivie dans l'application du traité par laquelle est établi l'accord des parties à l'égard de l'interprétation du traité.

103.

A cet égard, si la société K se prévaut de la position de certains États adhérents au Traité OCI ayant admis la possibilité de soumettre leur litige à la Cour permanente d'arbitrage tel que dans l'affaire Al Warraq c/ République de l'Indonésie (sentence du 21 juin 2012) et l'affaire Kontinental Conseil Ingenierie SARL c/ Gabon (sentence du 23 décembre 2016) portant sur deux demandes d'arbitrage fondées sur le Traité OCI, il convient de relever que dans ces deux affaires, qui ne concernaient pas D, il n'a pas été acté un accord des parties pour déroger à l'application de l'article 17 en l'absence de désignation des arbitres par les États concernés. Au contraire, dans ces deux affaires, ce n'est qu'une fois le tribunal arbitral régulièrement constitué, les États concernés ayant accepté de désigner un arbitre, que les parties se sont mises d'accord pour appliquer le règlement CNUDCI de sorte que ces précédents, ne permettent pas d'en tirer la conséquence interprétative que lui prête la société K au sens de l'article 31 précité.

104.
De même, il ne saurait être déduit du préambule du Traité OCI qui indique que les États parties « sont convenus de considérer les dispositions du présent Accord comme étant un traitement minimum devant être assuré aux capitaux et aux investissements en provenance des États membres », que celui-ci doit conduire à rejeter l'interprétation de l'article 17 comme étant un système clos et autosuffisant dès lors qu'une telle interprétation va à l'encontre de l'objet de l'article 17 et qu'elle ne ressort pas non plus du champ de l'article 8, d'autant au surplus qu'une telle interprétation extensive ne permettrait pas de garantir un processus de constitution du tribunal arbitral investi de la confiance des parties.
105.
Il ne peut donc être considéré que les Parties au Traité, ayant expressément prévu un dispositif ad hoc de règlement des litiges, aient entendu permettre le recours à des règlements de procédure externes, à tout le moins en l'absence d'accord de chacune des parties au litige, ni raisonnablement considéré que les Parties au Traité OCI aient entendu mettre en place un dispositif spécifique qui ne fonctionnerait pas et surtout qui permettrait d'appliquer un règlement d'arbitrage émanant d'une autre institution alors même que le dispositif proposé avait vocation à perdurer tant que l'organe spécifique de règlement des litiges n'était pas constitué.
106.
Enfin, la constitution du tribunal arbitral en dehors des conditions prévues par le Traité OCI et contre la volonté de l'une des parties ne peut être justifiée par l'absence de démonstration par l'autre partie de la faculté pour l'une d'elle de saisir un juge d'appui alors qu'il appartenait à la société K d'engager les procédures adéquates tendant le cas échéant à saisir un juge d'appui afin de faire trancher la difficulté de constitution du tribunal, ce qu'elle n'a nullement fait de sorte qu'elle ne peut s'en remettre à de simples considérations hypothétiques quant aux chances de succès d'une telle action pour s'en dispenser.
107.
Dès lors en l'absence d'accord exprès de D de soumettre la constitution du tribunal au Secrétaire général de la Cour Permanente d'arbitrage et au règlement CNUDCI 1976, le tribunal arbitral ainsi constitué, nonobstant ce refus, l'a été irrégulièrement.

Sur la demande de la société K de voir désigner par la Cour les membres du tribunal arbitral

108.
La société K demande à titre subsidiaire, en cas d'annulation de la sentence, qu'il soit donné effet à l'accord postérieur des parties de désigner Paris comme étant le siège de l'arbitrage et que Messieurs C et A soient à nouveau désignés par la Cour, prise en tant que nouveau juge d'appui, par souci d'efficacité procédurale au regard de l'état d'avancement actuel de la procédure d'arbitrage devant ce même Tribunal.
109.
Elle fait valoir que D a eu le temps et l'opportunité de soulever sa contestation de l'application du Règlement CNUDCI et de la régularité de la constitution du Tribunal arbitral, de sorte que ses droits procéduraux ont ainsi été respectés et que rien ne justifie en conséquence que soit donnée à la D une nouvelle opportunité de désigner un arbitre.
110.
En réponse, D fait valoir que cette demande est infondée et mal dirigée. Il soutient d'une part, que la demande de désignation de trois nouveaux arbitres n'est pas justifiée dans la mesure où la validité de la désignation de Monsieur B, arbitre nommé par la société K, n'a pas été remise en cause. Il ajoute que la désignation de Paris comme place d'arbitrage a été faite postérieurement aux désignations irrégulières des deux autres arbitres, de sorte que cet accord ne saurait survivre à l'annulation de la sentence. Il soutient également que la Cour n'est pas compétente pour statuer sur cette demande qui relève du président du tribunal judiciaire en application de l'article 1505 du code de procédure civile.

Sur ce ;

111.
La cour, ayant été saisie d'un recours en annulation contre une sentence rendue en matière d'arbitrage international, n'a pas les pouvoirs pour procéder elle-même à la désignation d'un arbitre après avoir annulé ladite sentence.
112.
Cette demande sera en conséquence rejetée.

Sur la demande de la société K pour procédure abusive

113.
La société K soutient que le présent recours n'a que pour objet de faire obstruction à la procédure arbitrale résultant de l'article 17 du Traité OCI. Elle souligne que le caractère abusif de la procédure résulte du comportement de D qui a également fait obstruction au règlement de ce contentieux lors de la procédure arbitrale, notamment en ne désignant pas d'arbitre .
114.
En réponse, D fait valoir qu'il ne fait qu'exercer son droit de voir sa position reconnue en justice, sans commettre aucun abus et que la société K ne rapporte pas la preuve de l'abus de procédure.

Sur ce ;

115.
L'exercice d'une action en justice constitue par principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à des dommages et intérêts qu'en cas de faute susceptible d'engager la responsabilité civile de son auteur.
116.
En l'espèce, la cour ayant accueilli le recours en annulation formé par D, et ainsi reconnu le bien fondé de son action, la société K sera déboutée à ce titre.

Sur les autres demandes

117.
Il y a lieu de condamner la société K partie perdante, aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
118.
En outre, elle doit être condamnée à verser à à D, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 150 000 euros.

IV - DISPOSITIF

Par ces motifs, la cour :

1-Déclare irrecevable la fin de non-recevoir soulevée par la société K ;

2- Annule la sentence arbitrale rendue à Paris le 15 février 2018 dans l'affaire CPA n° ;

3- Déboute la société K de sa demande de désignation des membres du tribunal arbitral et de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

4- Condamne la société K à payer à D la somme de 150 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

5- Condamne la société K aux dépens dont distraction pour ceux la concernant au profit de Maître E et ce, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

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