« en violation de son obligation internationale de ne pas recourir à l'emploi de la force contre un autre Etat, de l'obligation de ne pas s'immiscer dans les affaires intérieures d'un autre Etat, de l'obligation de ne pas porter atteinte à la souveraineté d'un autre Etat, de l'obligation de protéger les populations civiles et les biens de caractère civil en temps de guerre, de l'obligation de protéger l'environnement, de l'obligation touchant à la liberté de navigation sur les cours d'eau internationaux, de l'obligation concernant les droits et libertés fondamentaux de la personne humaine, de l'obligation de ne pas utiliser des armes interdites, de l'obligation de ne pas soumettre intentionnellement un groupe national à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique ».
La requête invoquait comme base de compétence de la Cour le paragraphe 2 de l'article 36 du Statut de la Cour ainsi que l'article IX de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1948 (ci-après dénommée la « convention sur le génocide »).
Par ordonnance du 21 février 2001, la Cour a reporté au 5 avril 2002 la date d'expiration du délai dans lequel la République fédérale de Yougoslavie pourrait présenter un exposé écrit contenant ses observations et conclusions sur les exceptions préliminaires soulevées par la Belgique.
Par ordonnance du 20 mars 2002, la Cour a reporté au 7 avril 2003 la date d'expiration du délai dans lequel la République fédérale de Yougoslavie pourrait présenter un exposé écrit contenant ses observations et conclusions sur les exceptions préliminaires soulevées par la Belgique.
« Le Gouvernement de la République fédérale de Yougoslavie prie la Cour internationale de Justice de dire et juger :
— qu'en prenant part aux bombardements du territoire de la République fédérale de Yougoslavie, le Royaume de Belgique a agi contre la République fédérale de Yougoslavie en violation de son obligation de ne pas recourir à l'emploi de la force contre un autre Etat ;
— qu'en prenant part à l'entraînement, à l'armement, au financement, à l'équipement et à l'approvisionnement de groupes terroristes, à savoir la prétendue « armée de libération du Kosovo », le Royaume de Belgique a agi contre la République fédérale de Yougoslavie en violation de son obligation de ne pas s'immiscer dans les affaires d'un autre Etat ;
— qu'en prenant part à des attaques contre des cibles civiles, le Royaume de Belgique a agi contre la République fédérale de Yougoslavie en violation de son obligation d'épargner la population civile, les civils et les biens de caractère civil ;
— qu'en prenant part à la destruction ou à l'endommagement de monastères, d'édifices culturels, le Royaume de Belgique a agi contre la République fédérale de Yougoslavie en violation de son obligation de ne pas commettre d'actes d'hostilité dirigés contre des monuments historiques, des œuvres d'art ou des lieux de culte constituant le patrimoine culturel ou spirituel d'un peuple ;
— qu'en prenant part à l'utilisation de bombes en grappe, le Royaume de Belgique a agi contre la République fédérale de Yougoslavie en violation de son obligation de ne pas utiliser des armes interdites, c'est-à-dire des armes de nature à causer des maux superflus ;
— qu'en prenant part aux bombardements de raffineries de pétrole et d'usines chimiques, le Royaume de Belgique a agi contre la République fédérale de Yougoslavie en violation de son obligation de ne pas causer de dommages substantiels à l'environnement ;
— qu'en recourant à l'utilisation d'armes contenant de l'uranium appauvri, le Royaume de Belgique a agi contre la République fédérale de Yougoslavie en violation de son obligation de ne pas utiliser des armes interdites et de ne pas causer de dommages de grande ampleur à la santé et à l'environnement ;
— qu'en prenant part au meurtre de civils, à la destruction d'entreprises, de moyens de communication et de structures sanitaires et culturelles, le Royaume de Belgique a agi contre la République fédérale de Yougoslavie en violation de son obligation de respecter le droit à la vie, le droit au travail, le droit à l'information, le droit aux soins de santé ainsi que d'autres droits fondamentaux de la personne humaine ;
— qu'en prenant part à la destruction de ponts situés sur des cours d'eau internationaux, le Royaume de Belgique a agi contre la République fédérale de Yougoslavie en violation de son obligation de respecter la liberté de navigation sur les cours d'eau internationaux ;
— qu'en prenant part aux activités énumérées ci-dessus et en particulier en causant des dommages énormes à l'environnement et en utilisant de l'uranium appauvri, le Royaume de Belgique a agi contre la République fédérale de Yougoslavie en violation de son obligation de ne pas soumettre intentionnellement un groupe national à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ;
— que le Royaume de Belgique porte la responsabilité de la violation des obligations internationales susmentionnées ;
— que le Royaume de Belgique est tenu de mettre fin immédiatement à la violation des obligations susmentionnées à l'égard de la République fédérale de Yougoslavie ;
— que le Royaume de Belgique doit réparation pour les préjudices causés à la République fédérale de Yougoslavie ainsi qu'à ses citoyens et personnes morales.
La République de Yougoslavie se réserve le droit de présenter ultérieurement une évaluation précise des préjudices. »
Au nom du Gouvernement de la Serbie-et-Monténégro,
dans le mémoire :
« Le Gouvernement de la République fédérale de Yougoslavie demande à la Cour internationale de Justice de dire et juger :
— qu'en bombardant le territoire de la République fédérale de Yougoslavie, le défendeur a agi contre la République fédérale de Yougoslavie en violation de son obligation de ne pas recourir à l'emploi de la force contre un autre Etat ;
— qu'en employant la force contre l'armée et la police yougoslaves alors que celles-ci menaient des actions contre des groupes terroristes, à savoir la prétendue «armée de libération du Kosovo », le défendeur a agi contre la République fédérale de Yougoslavie en violation de son obligation de ne pas s'immiscer dans les affaires d'un autre Etat ;
— qu'en attaquant des cibles civiles et en infligeant des dommages, des préjudices et des pertes à des civils et à des biens de caractère civil, le défendeur a agi contre la République fédérale de Yougoslavie en violation de son obligation d'épargner la population civile, les civils et les biens de caractère civil ;
— qu'en détruisant ou en endommageant des monastères, des édifices culturels, le défendeur a agi contre la République fédérale de Yougoslavie en violation de son obligation de ne pas commettre d'actes hostiles dirigés contre des monuments historiques, des œuvres d'art ou des lieux de culte constituant le patrimoine culturel ou spirituel d'un peuple ;
— qu'en utilisant des bombes en grappe, le défendeur a agi contre la République fédérale de Yougoslavie en violation de son obligation de ne pas utiliser des armes interdites, c'est-à-dire des armes de nature à causer des maux superflus ;
— qu'en bombardant des raffineries de pétrole et des usines chimiques, le défendeur a agi contre la République fédérale de Yougoslavie en violation de son obligation de ne pas causer de dommages substantiels à l'environnement ;
— qu'en utilisant des armes contenant de l'uranium appauvri, le défendeur a agi contre la République fédérale de Yougoslavie en violation de son obligation de ne pas utiliser des armes interdites et de ne pas causer des dommages de grande ampleur à la santé et à l'environnement;
— qu'en tuant des civils ainsi qu'en détruisant des entreprises, des moyens de communication et des structures sanitaires et culturelles, le défendeur a agi contre la République fédérale de Yougoslavie en violation de son obligation de respecter le droit à la vie, le droit au travail, le droit à l'information, le droit aux soins de santé ainsi que d'autres droits fondamentaux de la personne humaine ;
— qu'en détruisant des ponts situés sur des cours d'eau internationaux, le défendeur a agi contre la République fédérale de Yougoslavie en violation de son obligation de respecter la souveraineté des Etats ;
— qu'en prenant part aux activités énumérées ci-dessus, et en particulier en causant des dommages énormes à l'environnement et en utilisant de l'uranium appauvri, le défendeur a agi contre la République fédérale de Yougoslavie en violation de son obligation de ne pas soumettre intentionnellement un groupe national à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ;
— qu'en s'abstenant d'empêcher les meurtres, les coups et blessures ou l'épuration ethnique dont furent victimes les Serbes et d'autres groupes non albanais au Kosovo-Metohija, le défendeur a agi contre la République fédérale de Yougoslavie en violation de son obligation d'assurer l'ordre et la sécurité publics dans cette province, ainsi que d'empêcher le génocide et les autres actes énumérés à l'article III de la convention sur le génocide ;
— que le défendeur est responsable de la violation des obligations internationales susmentionnées ;
— que le défendeur est tenu de mettre fin immédiatement à la violation des obligations susmentionnées à l'égard de la République fédérale de Yougoslavie ;
— que le défendeur doit réparation pour les dommages, préjudices et pertes causés à la République fédérale de Yougoslavie ainsi qu'à ses citoyens et personnes morales.
Le Gouvernement de la République fédérale de Yougoslavie demande à la Cour internationale de Justice de définir la forme et le montant de la réparation pour le cas où les Parties ne pourraient se mettre d'accord à ce sujet et réserve à cet effet la suite de la procédure. »
Au nom du Gouvernement belge,
dans les exceptions préliminaires :
« Pour tous les motifs exposés dans les présentes exceptions préliminaires, la Belgique prie la Cour de juger qu'elle n'est pas compétente pour connaître de l'instance introduite contre la Belgique par la République fédérale de Yougoslavie et/ou que la demande de la RFY dirigée contre la Belgique est irrecevable. »
Au nom du Gouvernement de la Serbie-et-Monténégro,
dans son exposé écrit daté du 20 décembre 2002, contenant ses observations et conclusions sur les exceptions préliminaires présentées par la Belgique :
« La République fédérale de Yougoslavie prie la Cour de statuer sur sa compétence à la lumière de l'argumentation exposée dans les présentes observations écrites. »
Au nom du Gouvernement belge,
à l'audience du 22 avril 2004 :
« Dans l'affaire relative à la Licéité de l'emploi de la force (Serbie-et-Monténégro c. Belgique), pour [l]es motifs exposés dans les [exceptions] préliminaires de la Belgique datées du 5 juillet 2000, ainsi que pour les motifs développés au cours des conclusions orales des 19 et 22 avril 2004, la Belgique demande à la Cour de :
a) rayer l'affaire introduite par la Serbie-et-Monténégro contre la Belgique du rôle ;
b) alternativement, de juger que la Cour n'a pas compétence dans l'affaire introduite par la Serbie-et-Monténégro contre la Belgique et/ou que l'affaire introduite par la Serbie-et-Monténégro contre la Belgique est irrecevable.»
Au nom du Gouvernement de la Serbie-et-Monténégro,
à l'audience du 23 avril 2004 :
« Pour les motifs exposés dans ses pièces de procédure écrite, en particulier dans ses observations écrites, dans la correspondance subséquente avec la Cour, et au cours de la procédure orale, la Serbie-et-Monténégro prie la Cour
— de statuer sur sa compétence ratione personae en les présentes affaires ; et
— d'écarter les autres exceptions préliminaires des Etats défendeurs et d'ordonner une procédure sur le fond si elle estime qu'elle a compétence ratione personae.»
« La République fédérale de Yougoslavie étant devenue nouvellement Membre de l'Organisation des Nations Unies le 1er novembre 2000, il en découle qu'elle ne l'était pas avant cette date. Il est donc maintenant établi que, avant le 1er novembre 2000, la République fédérale de Yougoslavie n'était pas et ne pouvait pas être partie au Statut de la Cour en sa qualité de Membre de l'Organisation des Nations Unies. »
En outre, pour ce qui concerne la compétence de la Cour au regard de la convention sur le génocide, la Serbie-et-Monténégro a appelé l'attention, dans ses observations, sur son adhésion à ladite convention en mars 2001, avant d'ajouter que
« [l]a République fédérale de Yougoslavie n'a[vait] pas assuré la continuité de la personnalité juridique de l'ex-Yougoslavie ni de sa qualité de partie à la convention avec pour conséquence, en particulier, que la République fédérale de Yougoslavie n'était pas liée par la convention sur le génocide avant [d'y accéder] (avec une réserve à l'article IX) en mars 2001 ».
Dans ses conclusions, la Serbie-et-Monténégro n'a toutefois pas prié la Cour de juger qu'elle n'avait pas compétence, mais lui a simplement demandé de « statuer sur sa compétence à la lumière de l'argumentation exposée dans les présentes observations écrites » (les italiques sont de la Cour).
« [s]i la Cour exerçait sa compétence sur une base à laquelle le demandeur a renoncé et qui a toujours été contestée par le défendeur, elle tournerait en dérision le principe d'une compétence fondée sur le consentement des parties ».
De la même manière, la Cour a par le passé précisé que, lorsque sa compétence est contestée pour différents motifs, elle est libre de baser sa décision sur un ou plusieurs motifs de son choix, et en particulier « sur le motif qui, selon elle, est plus direct et décisif » (Certains emprunts norvégiens (France c. Norvège), arrêt, C.I.J. Recueil 1957, p. 25 ; voir également Incident aérien du 27 juillet 1955 (Israël c. Bulgarie), arrêt, C.I.J. Recueil 1959, p. 127 ; Plateau continental de la mer Egée (Grèce c. Turquie), arrêt, C.I.J. Recueil 1978, p. 16-17, par. 39-40 ; et Incident aérien du 10 août 1999 (Pakistan c. Inde), compétence de la Cour, arrêt, C.I.J. Recueil 2000, p. 24, par. 26).
Il s'agissait là cependant de cas dans lesquels les parties aux affaires soumises à la Cour étaient, à n'en pas douter, parties au Statut de la Cour et, de ce fait, celle-ci leur était ouverte en vertu du paragraphe 1 de l'article 35 du Statut. Tel n'est pas le cas en la présente espèce, dans laquelle le droit du demandeur d'accéder à la Cour a été contesté. C'est cette question de l'accès à la Cour qui distingue la présente affaire de toutes celles qui sont mentionnées ci-dessus.
Comme la Cour l'a observé plus tôt (voir paragraphe 30), la question de savoir si la Serbie-et-Monténégro était ou non partie au Statut de la Cour à l'époque de l'introduction des présentes instances est une question fondamentale ; en effet, si elle n'avait pas été partie au Statut, la Cour ne lui aurait pas été ouverte en vertu du paragraphe 1 de l'article 35 du Statut. En pareille situation, et sous réserve d'une possible application du paragraphe 2 dudit article, la Serbie-et-Monténégro n'aurait pu saisir la Cour de manière valable, quel que soit le titre de compétence qu'elle puisse invoquer, pour la simple raison qu'elle n'avait pas le droit d'ester devant la Cour.
La Cour ne peut exercer sa fonction judiciaire qu'à l'égard des seuls Etats auxquels elle est ouverte en vertu de l'article 35 du Statut. Et seuls les Etats auxquels la Cour est ouverte peuvent lui conférer compétence.
Aussi la Cour est-elle d'avis qu'il lui appartient d'examiner tout d'abord la question de savoir si le demandeur remplit les conditions énoncées aux articles 34 et 35 du Statut et si, de ce fait, la Cour lui est ouverte. Ce n'est que si la réponse à cette question est affirmative que la Cour aura à examiner les questions relatives aux conditions énoncées aux articles 36 et 37 du Statut de la Cour (voir Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie (Serbie et Monténégro)), mesures conservatoires, ordonnance du 8 avril 1993, C.I.J. Recueil 1993, p. 11 et suiv., par. 14 et suiv.).
Il ne fait aucun doute que la Serbie-et-Monténégro est un Etat aux fins du paragraphe 1 de l'article 34 du Statut. Cependant, certains défendeurs ont contesté (voir paragraphes 49, 51, 93, 96 et 97 ci-après) que la Serbie-et-Monténégro remplît les conditions posées à l'article 35 du Statut au moment où elle a déposé sa requête, le 29 avril 1999.
« la Yougoslavie n'a[vait] accepté la juridiction de la Cour ratione temporis que pour ce qui [était] d'une part des différends surgissant ou pouvant surgir après la signature de sa déclaration [le 25 avril 1999] et d'autre part de ceux qui concerneraient des situations ou des faits postérieurs à ladite signature » (C.I.J. Recueil 1999 (I), p. 134, par. 26) ;
que
« il ne fai[sait] pas de doute pour la Cour... qu'un «différend d'ordre juridique »... a[vait] « surgi » entre la Yougoslavie et l'Etat défendeur, comme avec les autres Etats membres de l'OTAN, bien avant le 25 avril 1999, au sujet de la licéité de ces bombardements comme tels, pris dans leur ensemble » (ibid., p. 134, par. 28) ;
et que, en conséquence,
«les déclarations faites par les Parties conformément au paragraphe 2 de l'article 36 du Statut ne constitu[ai]ent pas une base sur laquelle la compétence de la Cour pourrait prima facie être fondée dans le cas d'espèce » (ibid., p. 135, par. 30).
S'agissant de la compétence en vertu de la convention sur le génocide, la Cour, après avoir examiné les actes imputés au défendeur par la Serbie-et-Monténégro, a dit qu'elle n'était pas en mesure de conclure, à ce stade de la procédure, que ces actes seraient susceptibles d'entrer dans les prévisions de la convention sur le génocide et que, dès lors, « l'article IX de la convention, invoqué par la Yougoslavie, ne constitu[ait]... pas une base sur laquelle la compétence de la Cour pourrait prima facie être fondée dans le cas d'espèce » (ibid., p. 138, par. 41).
« la compétence de la Cour en l'espèce ne saurait en tout état de cause être fondée, même prima facie, sur le paragraphe 2 de l'article 36 du Statut car, aux termes de cette disposition, seuls « les Etats... parties... au Statut » peuvent souscrire à la clause facultative de juridiction obligatoire qui y est contenue » (ibid., p. 135, par. 31).
La Belgique, se référant notamment à la résolution 47/1, en date du 22 septembre 1992, de l'Assemblée générale des Nations Unies, a soutenu que « « la République fédérale de Yougoslavie n'[assurait pas la continuité] de l'ex-République socialiste fédérative de Yougoslavie » [comme] Membre de l'Organisation des Nations Unies » et que, « à défaut d'avoir dûment accédé à l'Organisation, la Yougoslavie n'[était] par suite pas partie au Statut de la Cour » (ibid.).
« La RFY n'est pas aujourd'hui, et n'a jamais été, membre des Nations Unies. Cela étant, l'affirmation de la RFY selon laquelle elle est partie au Statut de la Cour conformément à l'article 93 (1) de la Charte ne repose sur aucun fondement. C'est pourquoi la Cour n'est pas, sur cette base, ouverte à la RFY conformément à l'article 35 (1) du Statut. » (Exceptions préliminaires de la Belgique, p. 69, par. 206 ; les italiques sont dans l'original.)
« Les représentants du peuple de la République de Serbie et de la République du Monténégro,
Exprimant la volonté des citoyens de leurs républiques respectives de demeurer au sein de l'Etat commun de Yougoslavie,
Souhaitent exprimer [dans la présente déclaration] leurs vues sur les objectifs fondamentaux, immédiats et à long terme de la politique de leur Etat commun, ainsi que sur ses relations avec les anciennes républiques yougoslaves...
1. La République fédérale de Yougoslavie, assurant la continuité de l'Etat et de la personnalité juridique et politique internationale de la République fédérative socialiste de Yougoslavie, respectera strictement tous les engagements que la République fédérative socialiste de Yougoslavie a pris à l'échelon international.
Restant liée par toutes ses obligations vis-à-vis des organisations et institutions internationales auxquelles elle appartient... » (Nations Unies, doc. A/46/915, annexe II.)
« L'Assemblée de la République fédérative socialiste de Yougoslavie, à la session qu'elle a tenue le 27 avril 1992, a promulgué la Constitution de la République fédérale de Yougoslavie. Aux termes de la Constitution, et compte tenu de la continuité de la personnalité de la Yougoslavie et des décisions légitimes qu'ont prises la Serbie et le Monténégro de continuer à vivre ensemble en Yougoslavie, la République fédérative socialiste de Yougoslavie devient la République fédérale de Yougoslavie, composée de la République de Serbie et de la République du Monténégro.
Dans le strict respect de la continuité de la personnalité internationale de la Yougoslavie, la République fédérale de Yougoslavie continuera à exercer tous les droits conférés à la République fédérative socialiste de Yougoslavie et à s'acquitter de toutes les obligations assumées par cette dernière dans les relations internationales, y compris en ce qui concerne son appartenance à toutes les organisations internationales et sa participation à tous les traités internationaux que la Yougoslavie a ratifiés ou auxquels elle a adhéré. » (Nations Unies, doc. A/46/915, annexe I.)
« Le Conseil de sécurité,
Réaffirmant sa résolution 713 (1991) du 25 septembre 1991 et toutes les résolutions consécutives pertinentes,
Considérant que l'Etat antérieurement connu comme la République fédérative socialiste de Yougoslavie a cessé d'exister,
Rappelant en particulier sa résolution 757 qui note que « l'affirmation de la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro), selon laquelle elle assure automatiquement la continuité de l'ancienne République fédérative socialiste de Yougoslavie comme Membre de l'Organisation des Nations Unies n'a pas été généralement acceptée »,
1. Considère que la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ne peut pas assurer automatiquement la continuité de la qualité de Membre de l'ancienne République fédérative socialiste de Yougoslavie aux Nations Unies et par conséquent recommande à l'Assemblée générale de décider que la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) devrait présenter une demande d'adhésion aux Nations Unies et qu'elle ne participera pas aux travaux de l'Assemblée générale.
2. Décide de reconsidérer la question avant la fin de la partie principale de la quarante-septième session de l'Assemblée générale. » (Nations Unies, doc. S/RES/777.)
La résolution fut adoptée par douze voix contre zéro, avec trois abstentions.
« L'Assemblée générale,
Ayant reçu la recommandation du Conseil de sécurité, en date du 19 septembre 1992, selon laquelle la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) devrait présenter une demande d'admission à l'Organisation des Nations Unies et ne participera pas aux travaux de l'Assemblée générale,
1. Considère que la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ne peut pas assumer automatiquement la [continuité de la] qualité de Membre de l'Organisation des Nations Unies à la place de l'ancienne République fédérative socialiste de Yougoslavie et, par conséquent, décide que la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) devrait présenter une demande d'admission à l'Organisation et qu'elle ne participera pas aux travaux de l'Assemblée générale ;
2. Prend acte de l'intention du Conseil de sécurité de reconsidérer la question avant la fin de la partie principale de la quarante-septième session de l'Assemblée générale. » (Nations Unies, doc. A/ RES/47/1.)
La résolution fut adoptée par cent vingt-sept voix contre six, avec vingt-six abstentions.
« Si l'Assemblée générale a déclaré sans équivoque que la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ne pouvait pas assurer automatiquement la continuité de la qualité de Membre de l'ancienne République fédérative socialiste de Yougoslavie à l'Organisation des Nations Unies et que la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) devrait présenter une demande d'admission à l'Organisation, l'unique conséquence pratique de cette résolution est que la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ne participera pas aux travaux de l'Assemblée générale. Il est donc clair que les représentants de la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ne peuvent plus participer aux travaux de l'Assemblée générale et de ses organes subsidiaires, ni aux conférences et réunions organisées par celle-ci.
D'un autre côté, la résolution ne met pas fin à l'appartenance de la Yougoslavie à l'Organisation et ne la suspend pas. En conséquence, le siège et la plaque portant le nom de la Yougoslavie subsistent, mais dans les organes de l'Assemblée les représentants de la République fédérale de la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ne peuvent occuper la place réservée à la « Yougoslavie ». La mission de la Yougoslavie auprès du Siège de l'Organisation des Nations Unies ainsi que les bureaux occupés par celle-ci peuvent poursuivre leurs activités, ils peuvent recevoir et distribuer des documents. Au Siège, le Secrétariat continuera de hisser le drapeau de l'ancienne Yougoslavie, car c'est le dernier drapeau que le Secrétariat ait connu. La résolution n'enlève pas à la Yougoslavie le droit de participer aux travaux des organes autres que ceux de l'Assemblée. L'admission à l'Organisation des Nations Unies d'une nouvelle Yougoslavie, en vertu de l'article 4 de la Charte, mettra fin à la situation créée par la résolution 47/1. » (Nations Unies, doc. A/47/485 ; les italiques sont dans l'original.)
« Il en va de même de la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro), qui demeure l'Etat prédécesseur après séparation de parties du territoire de l'ex-Yougoslavie. La résolution 47/1 de l'Assemblée générale en date du 22 septembre 1992, aux termes de laquelle la République fédérative de Yougoslavie ne pouvait pas assumer automatiquement la continuité de la qualité de Membre de l'Organisation des Nations Unies de l'ex-Yougoslavie..., fut adoptée dans le cadre de l'Organisation des Nations Unies et dans le contexte de la Charte de l'Organisation des Nations Unies, et non pour indiquer que la République fédérative de Yougoslavie ne devait pas être considérée comme un Etat prédécesseur. » (Traduction par le Greffe de l'édition anglaise du document des Nations Unies ST/LEG/8 ; voir également C.I.J. Recueil 2003, p. 19, par. 38.)
Ce passage pouvait être interprété comme venant à l'appui des thèses de la République fédérale de Yougoslavie. Il fut supprimé par le Secrétariat en réponse aux objections soulevées par un certain nombre d'Etats, faisant valoir qu'il allait à l'encontre des résolutions du Conseil de sécurité et de l'Assemblée générale relatives à cette question ainsi que des avis pertinents de la commission d'arbitrage de la conférence internationale pour la paix en Yougoslavie (voir Nations Unies, doc. A/50/910-S/1996/ 231, doc. A/51/95-S/1996/251, doc. A/50/928-S/1996/263 et doc. A/50/930-S/1996/260).
« Considérant que la Belgique soutient que la compétence de la Cour en l'espèce ne saurait en tout état de cause être fondée, même prima facie, sur le paragraphe 2 de l'article 36 du Statut car, aux termes de cette disposition, seuls «les Etats... parties au... Statut » peuvent souscrire à la clause facultative de juridiction obligatoire qui y est contenue ; et que, se référant à la résolution 47/1, en date du 22 septembre 1992 de l'Assemblée générale des Nations Unies, elle fait valoir que « la République fédérale de Yougoslavie n'est pas le continuateur de l'ex-République socialiste fédérative de Yougoslavie », pour ce qui est de la qualité de Membre de l'Organisation des Nations Unies, et que, à défaut d'avoir dûment accédé à l'Organisation, la Yougoslavie n'est par suite pas partie au Statut de la Cour ;
Considérant que la Yougoslavie, se référant à la position du Secrétariat, telle qu'exprimée dans une lettre en date du 29 septembre 1992 du Conseiller juridique de l'Organisation (doc. A/47/ 485), ainsi qu'à la pratique ultérieure de celle-ci, soutient pour sa part que la résolution 47/1 de l'Assemblée générale n'a « pas [mis] fin à l'appartenance de la Yougoslavie à l'Organisation et ne [l'a pas suspendue] non plus », ladite résolution pas à la Yougoslavie « le droit de participer aux travaux d'organes autres que ceux qui relèvent de l'Assemblée générale » ;
Considérant que, eu égard à la conclusion à laquelle elle est parvenue au paragraphe 30 ci-dessus, la Cour n'a pas à examiner cette question à l'effet de décider si elle peut ou non indiquer des mesures conservatoires dans le cas d'espèce. » (C.I.J. Recueil 1999 (I), p. 135136, par. 31-33).
« Après l'évolution démocratique fondamentale qui s'est produite en République fédérale de Yougoslavie, j'ai l'honneur, en ma qualité de président, de demander l'admission de la République fédérale de Yougoslavie à l'Organisation des Nations Unies, comme suite à la résolution 777 (1992) du Conseil de sécurité. » (Nations Unies, doc. A/55/528-S/2000/1043 ; les italiques sont de la Cour.)
« Il est incontestable que l'admission de la RFY à l'Organisation des Nations Unies le 1er novembre 2000 en tant que nouvel Etat Membre constitue un fait nouveau. Il est également possible de montrer que ce fait nouveau est de nature à exercer une influence décisive sur la question de la compétence de la Cour ratione personae à l'égard de la RFY et telle est la thèse du demandeur.
L'admission de la RFY le 1er novembre 2000 en tant que nouveau Membre a résolu les difficultés concernant son statut et il est désormais patent que la RFY n'assurait pas la continuité de la personnalité juridique de la RFSY, n'était pas Membre de l'Organisation des Nations Unies avant le 1er novembre 2000, et n'était pas un Etat partie au Statut non plus qu'à la convention sur le génocide...
L'admission de la RFY à l'Organisation des Nations Unies en tant que nouveau Membre lève les ambiguïtés et jette un nouvel éclairage sur sa qualité de Membre de l'Organisation des Nations Unies et de partie au Statut et à la convention sur le génocide. » (Arrêt du 3 février 2003, C.I.J. Recueil 2003, p. 12, par. 18.)
« événements qui [avaient] révélé deux faits décisifs, à savoir que:
1) la RFY n'était pas partie au Statut au moment de l'arrêt ; et
2) la RFY ne demeurait pas liée par l'article IX de la convention sur le génocide en continuant d'assumer la personnalité juridique de l'ex-Yougoslavie».
« [en avançant cet argument], la RFY ne se prévaut cependant pas de faits existant en 1996. Elle fonde en réalité sa requête en revision sur les conséquences juridiques qu'elle entend tirer de faits postérieurs à l'arrêt dont la revision est demandée. Ces conséquences, à les supposer établies, ne sauraient être regardées comme des faits au sens de l'article 61. L'argumentation de la RFY ne peut par suite être retenue.» (C.I.J. Recueil 2003, p. 30-31, par. 69 ; les italiques sont de la Cour.)
« La résolution 47/1 ne portait notamment pas atteinte au droit de la RFY d'ester devant la Cour ou d'être partie à un différend devant celle-ci dans les conditions fixées par le Statut... Pour « mettr[e] fin à la situation créée par la résolution 47/1 », la RFY devait présenter une demande d'admission à l'Organisation des Nations Unies comme l'avaient fait les autres Républiques composant la RFSY. Tous ces éléments étaient connus de la Cour et de la RFY au jour du prononcé de l'arrêt. Ce qui toutefois demeurait inconnu en juillet 1996 était la réponse à la question de savoir si et quand la RFY présenterait une demande d'admission à l'Organisation des Nations Unies et si et quand cette demande serait accueillie, mettant ainsi un terme à la situation créée par la résolution 47/1 de l'Assemblée générale. » (C.I.J. Recueil 2003, p. 31, par. 70.)
Sur la question cruciale de l'admission de la République fédérale de Yougoslavie à l'Organisation des Nations Unies en qualité de nouveau Membre, la Cour a souligné que
« la résolution 55/12 de l'Assemblée générale en date du 1er novembre 2000 ne p[ouvait] avoir rétroactivement modifié la situation sui generis dans laquelle se trouvait la RFY vis-à-vis de l'Organisation des Nations Unies pendant la période 1992-2000, ni sa situation à l'égard du Statut de la Cour et de la convention sur le génocide » (ibid., par. 71).
Ces déclarations ne sauraient toutefois être interprétées comme des conclusions quant au statut de la Serbie-et-Monténégro vis-à-vis de l'Organisation des Nations Unies et de la convention sur le génocide ; la Cour avait déjà laissé entendre qu'elle n'était pas appelée à se prononcer sur ces questions, et qu'elle ne faisait rien de tel.
« Il découle de ce qui précède qu'il n'a pas été établi que la requête de la RFY reposerait sur la découverte « d'un fait » qui, « avant le prononcé de l'arrêt, était inconnu de la Cour et de la Partie qui demande la revision ». La Cour en conclut que l'une des conditions de recevabilité d'une demande en revision prescrites au paragraphe 1 de l'article 61 du Statut n'est pas satisfaite. » (Ibid., par. 72.)
La Cour a donc clairement exprimé sa position, à savoir qu'une modification rétroactive de la situation, constituant un fait nouveau, ne pouvait avoir eu lieu en 2000, et que les conditions énoncées à l'article 61 n'étaient donc pas satisfaites. Cela n'emportait, toutefois, aucune conclusion de la Cour, dans la procédure en revision, quant à ce qu'était la situation en réalité.
« Les conditions auxquelles [la Cour] est ouverte aux autres Etats [à savoir les Etats non parties au Statut] sont, sous réserve des dispositions particulières des traités en vigueur, réglées par le Conseil de sécurité, et, dans tous les cas, sans qu'il puisse en résulter pour les parties aucune inégalité devant la Cour. »
Les conditions d'accès à la Cour dont il s'agit dans ce texte ont été réglées par le Conseil de sécurité dans sa résolution 9 (1946) ; la Serbie-et-Monténégro n'a cependant pas invoqué la résolution en question, ni ne s'est conformée aux termes y énoncés.
« qu'en conséquence, la Cour estime qu'une instance peut être valablement introduite par un Etat contre un autre Etat qui, sans être partie au Statut, est partie à une telle disposition particulière d'un traité en vigueur, et ce indépendamment des conditions réglées par le Conseil de sécurité dans sa résolution 9 (1946) (voir Vapeur Wimbledon , 1923, C.P.J.I. série A n° 1, p. 6) ; que, de l'avis de la Cour, une clause compromissoire d'une convention multilatérale, telle que l'article IX de la convention sur le génocide, invoqué par la Bosnie-Herzégovine en l'espèce, pourrait être considérée prima facie comme une disposition particulière d'un traité en vigueur ; qu'en conséquence, si la Bosnie-Herzégovine et la Yougoslavie sont toutes deux parties à la convention sur le génocide, les différends auxquels s'applique l'article IX relèvent en tout état de cause prima facie de la compétence ratione personae de la Cour » (C.I.J. Recueil 1993, p. 14, par. 19 ; les italiques sont de la Cour).
Toutefois, dans la suite de la procédure en ladite affaire, cette question ne fut pas examinée plus avant et la Cour rejeta les exceptions préliminaires soulevées par le défendeur, l'une de celles-ci étant que la République de Bosnie-Herzégovine n'était pas devenue partie à la convention sur le génocide. Le défendeur n'avait cependant soulevé aucune exception faisant valoir qu'il n'était lui-même pas partie à la convention sur le génocide et au Statut de la Cour, puisque, sur le plan international, il maintenait sa prétention à assurer la continuité de la personnalité juridique et de la qualité de membre au sein d'organisations internationales, y compris l'Organisation des Nations Unies, de la République fédérative socialiste de Yougoslavie, ainsi que de la qualité de partie de celle-ci aux traités internationaux. La Cour, ayant observé qu'il n'avait pas été contesté que la Yougoslavie fût partie à la convention sur le génocide (C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 610, par. 17), conclut qu'elle avait compétence sur la base de l'article IX de cette convention.
L'Italie a fait observer que
« la question rest[ait] de savoir si la Cour pourrait... se considérer compétente ratione personarum en vertu du paragraphe 2 de l'article 35, du fait que la Serbie-et-Monténégro serait partie [à] un « traité en vigueur » prévoyant la compétence de la Cour».
L'Italie a rappelé les arguments qu'elle avait développés sur ce point dans sa deuxième exception préliminaire avant de souligner que,
« [e]n particulier, l'Italie a soutenu que la seule présence d'une clause d'attribution de compétence dans un traité en vigueur entre deux Etats, dont l'Etat requérant n'est pas en même temps partie au Statut, ne saurait conférer à cet Etat le droit d'ester devant la Cour, à moins que ce même Etat ne se conforme aux conditions établies par le Conseil de sécurité, dans sa résolution no 9 du 15 octobre 1946. Ce que la Serbie-et-Monténégro n'a pas fait, ni ne prétend avoir jamais fait. »
« La Cour est ouverte aux Etats mentionnés à l'annexe au Pacte et à ceux qui seront ultérieurement entrés dans la Société des Nations.
Elle est accessible aux autres Etats.
Les conditions auxquelles elle est ouverte ou accessible aux Etats qui ne sont pas Membres de la Société des Nations sont réglées par le Conseil, en tenant compte de l'article 17 du Pacte. » (Société des Nations, Cour permanente de Justice internationale, Documents au sujet de mesures prises par le Conseil de la Société des Nations, aux termes de l'article 14 du Pacte, et de l'adoption par l'Assemblée du Statut de la Cour permanente, p. 78.)
La question fut soulevée de savoir « si le Conseil p[ouvait] poser des conditions à l'admission de l'Allemagne, par exemple dans le cas visé à l'article 380 du Traité de Versailles », et il y fut répondu par la négative. Le président proposa ensuite de confier à un petit comité la rédaction d'un nouveau texte d'article 32, qui
« d[evait] s'inspirer des trois principes suivants, sur lesquels la Sous-Commission se trouv[ait] d'accord :
1. Le Conseil pourra fixer des conditions pour l'admission devant la Cour des Etats qui ne sont pas membres de la Société des Nations;
2. Les droits des parties devant la Cour sont égaux ;
3. On tiendra compte des parties qui peuvent se présenter devant la Cour en vertu des traités de paix » (ibid., p. 141 ; les italiques sont de la Cour).
« Article 32
Alinéa I. — Sans changement.
Les conditions auxquelles la Cour est ouverte aux autres Etats sont réglées, sous réserve des dispositions particulières des traités en vigueur, par le Conseil.
Lorsqu'un Etat, qui n'est pas membre de la Société des Nations, est partie en cause, la Cour fixera la contribution aux frais de la Cour, que cette partie devra supporter. »
« Les conditions auxquelles la Cour est ouverte aux autres Etats sont réglées, sous réserve des dispositions particulières des traités en vigueur, par le Conseil et, dans tous les cas, sans qu'il puisse en résulter pour les parties aucune inégalité devant la Cour. » (Société des Nations, op. cit., p. 144.)
Le deuxième alinéa ainsi modifié fut adopté sans autre discussion.
« La rédaction de cet article [il s'agit du projet d'article 32 initial] a semblé peu claire ; la Sous-Commission l'a remaniée et s'est efforcée d'exprimer clairement ce qui suit :
Pour les autres Etats, leur accès à la Cour dépendra ou bien des dispositions particulières des traités en vigueur (par exemple les dispositions dans les traités de paix concernant le droit des minorités, le travail, etc.), ou bien d'une résolution du Conseil. » (Ibid., p. 210.)
Dans l'affaire relative à Certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise (1925, C.P.J.I. série A no 6), l'Allemagne introduisit, avant son admission à la Société des Nations, une instance contre la Pologne sur la base de l'article 23 de la convention relative à la Haute-Silésie du 15 mai 1922, entrée en vigueur le 3 juin 1922. La Cour nota que la Pologne « ne contest[ait] pas que la Cour [fût] régulièrement saisie en conformité des articles 35 et 40 du Statut » (ibid., p. 11). Avant de rendre son arrêt, la Cour considéra la question et
« estim[a] que les textes pertinents correctement interprétés (notamment à la lumière d'un rapport présenté par M. Hagerup à la première Assemblée de la Société des Nations et adopté par elle) lui permett[ai]ent d'accepter la requête du Gouvernement allemand sans exiger d'office la déclaration spéciale prévue dans la résolution du Conseil » (Rapport annuel de la Cour permanente de Justice internationale (1er janvier 1922-15 juin 1925), C.P.J.I. série E no 1, p. 252).
En outre, il convient de relever qu'alors que la Cour discutait un an plus tard des éventuels amendements à apporter à son Règlement, deux juges se dirent d'avis que « l'on n'a[vait] pu viser, par l'exception inscrite à l'article 35, que des situations prévues par les traités de paix » (Actes et documents (1926), C.P.J.I. série D no 2 Add., p. 106). L'un d'eux expliqua que, en l'affaire relative à Certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise,
« il s'agissait... d'un traité — la convention de Haute-Silésie — rédigé sous les auspices de la Société des Nations et qui devait être considéré comme un complément du traité de Versailles. Il [était] donc possible de faire rentrer le cas sur lequel la Cour a[vait] alors statué dans l'expression générale « sous réserve des traités en vigueur », tout en interprétant cette expression comme visant les traités de paix... » (Ibid., p. 105.)
Lorsque, en 1926, la Cour discuta la revision de son Règlement, aucun de ses membres n'avança d'interprétation divergente de l'expression en question.
Il fut de nouveau proposé d'adopter le texte tel que libellé dans le projet d'article. Le délégué de la France fit alors observer qu'il « appart[enait] au Conseil de régler les conditions dans les cas particuliers mais que, de fait, cette pratique n'avait pas donné matière à critique », et poursuivit :
« Le Conseil ne pourra limiter l'accès à la Cour lorsque celui-ci aura été autorisé par l'Assemblée, mais il pourra se montrer moins strict dans certains cas. La décision de l'Assemblée primera de fait, et le Conseil ne pourra s'y opposer. Le Conseil devra en outre tenir compte de tous les traités existants, et ne pourra empêcher d'ester devant la Cour un Etat qui pourra se prévaloir d'un traité prévoyant la juridiction obligatoire. » (Documents de la Conférence des Nations Unies sur l'organisation internationale, t. XIV, p. 144 [traduction du Greffe].)
Il proposa ensuite que l'article 35 soit adopté en l'état ; aucun autre débat de fond ne suivit cette proposition et l'article 35 fut adopté.
« En dehors des modifications de pure forme nécessitées par la référence à l'Organisation des Nations Unies et non plus au Pacte de la Société des Nations, l'article 35 est rectifié seulement en ce que, dans le texte anglais du paragraphe 2, le mot « conditions» est substitué au mot « provisions», et dans le paragraphe 3, le mot «case » est substitué au mot «dispute », ce qui assurera une meilleure concordance avec le texte français. » (Ibid., p. 870.)
Le projet de Statut de la Cour internationale de Justice étant fondé sur le Statut de la Cour permanente de Justice internationale, le rapport ne mentionnait aucun changement s'agissant de l'applicabilité du paragraphe 2 de l'article 35.
«[l]a question de savoir quels Etats ser[aie]nt parties au Statut dev[ait] être tranchée dans la Charte..., alors que celle de savoir quels Etats pourr[aie]nt se présenter devant la Cour, quand cette dernière sera[it] établie, dev[ait] être réglée par le Statut » (ibid., p. 289).
La proposition de l'Egypte resta sans suite ; le paragraphe 2 de l'article 93 de la Charte en reprend toutefois la teneur.
Aussi faut-il interpréter, mutatis mutandis, le paragraphe 2 de l'article 35 de la même manière que le texte correspondant du Statut de la Cour permanente, à savoir comme visant les traités en vigueur à la date de l'entrée en vigueur du nouveau Statut et prévoyant la juridiction de la nouvelle Cour. Certes, aucun de ces traités antérieurs faisant référence à la compétence de la présente Cour n'a été porté à l'attention de la Cour et il se peut qu'il n'en ait jamais existé. La Cour estime cependant que ni cette circonstance, ni l'examen de l'objet et du but du texte, pas plus que les travaux préparatoires ne permettent d'étayer l'autre interprétation selon laquelle cette disposition avait pour objet de permettre à des Etats non parties au Statut d'ester devant la Cour sans autre condition que l'existence d'un traité contenant une clause conférant compétence à la Cour et pouvant avoir été conclu à tout moment après l'entrée en vigueur du Statut. Ainsi qu'il a été noté ci-dessus (paragraphe 102), cette interprétation conduirait à un résultat tout à fait incompatible avec l'objet et le but du paragraphe 2 de l'article 35, qui sont de réglementer les conditions d'accès à la Cour pour les Etats qui ne sont pas parties au Statut. De l'avis de la Cour, en conséquence, la référence faite au paragraphe 2 de l'article 35 du Statut aux « dispositions particulières des traités en vigueur » ne s'applique qu'aux traités en vigueur à la date de l'entrée en vigueur du Statut et non aux traités conclus depuis cette date.
« Tous différends au sujet desquels les Parties se contesteraient réciproquement un droit seront soumis pour jugement à la Cour permanente de Justice internationale, à moins que les Parties ne tombent d'accord, dans les termes prévus ci-après, pour recourir à un tribunal arbitral.
Il est entendu que les différends ci-dessus visés comprennent notamment ceux que mentionne l'article 36 du Statut de la Cour permanente de Justice internationale. » [Traduction du Secrétariat de la Société des Nations.]
« Lorsqu'un traité ou une convention en vigueur prévoit le renvoi à une juridiction que devait instituer la Société des Nations ou à la Cour permanente de Justice internationale, la Cour internationale de Justice constituera cette juridiction entre les parties au présent Statut. » (Les italiques sont de la Cour.)
Ce texte a pour effet que les parties à un tel traité, en devenant parties au Statut, conviennent que la référence à la Cour permanente contenue dans ledit traité doit être interprétée comme une référence à la Cour actuelle. Cela ne signifie toutefois pas que le paragraphe 2 de l'article 35 du Statut puisse être compris comme autorisant une substitution similaire ; ce paragraphe vise non la compétence consensuelle, mais les conditions de l'accès à la Cour. La Cour relève que l'article 37 du Statut ne peut être invoqué que dans les affaires qui lui sont soumises par des parties à son Statut, c'est-à-dire sur la base du paragraphe 1 de l'article 35 et non sur celle du paragraphe 2 de cet article.
« [t]rois conditions... sont énoncées dans l'article: il doit y avoir un traité ou une convention en vigueur ; cet instrument doit prévoir le renvoi d'une affaire litigieuse (dans le texte anglais : of a matter) à la Cour permanente, c'est-à-dire qu'il doit contenir une disposition décidant un tel renvoi ; et le différend doit opposer deux ou plusieurs Etats parties au Statut » (C.I.J. Recueil 1964, p. 32).
Ainsi qu'il vient d'être relevé, la Cour a déjà déterminé que la Serbie-et-Monténégro n'était pas partie à son Statut le 29 avril 1999, lorsqu'elle a introduit l'instance contre la Belgique (voir paragraphes 91 et 121 ci-dessus). Aussi l'article 37 du Statut de la Cour n'était-il pas d'application entre la Serbie-et-Monténégro et la Belgique à la date d'introduction de l'instance.
LA COUR,
A l'unanimité,
Dit qu'elle n'a pas compétence pour connaître des demandes formulées par la Serbie-et-Monténégro dans sa requête déposée le 29 avril 1999.
Fait en français et en anglais, le texte français faisant foi, au Palais de la Paix, à La Haye, le quinze décembre deux mille quatre, en trois exemplaires, dont l'un restera déposé aux archives de la Cour et les autres seront transmis respectivement au Gouvernement de la Serbie-et-Monténégro et au Gouvernement du Royaume de Belgique.
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