(Texte français.)
« Le Conseil de la Société des Nations prie la Cour permanente de Justice internationale de donner son avis consultatif, en prenant en considération les renseignements que pourraient lui adresser également les différents Pays intéressés, sur la question suivante :
« Les articles 10 et 11 du Traité de Paix entre la Finlande et la Russie, signé à Dorpat le 14 octobre 1920, ainsi que la Déclaration y annexée de la délégation russe concernant l’autonomie de la Carélie orientale, constituent-ils des engagements d’ordre international obligeant la Russie vis-à-vis de la Finlande à l’exécution des dispositions y contenues ? »
« Le Secrétaire général est autorisé à soumettre cette
(Texte anglais.)
"The Council of the League of Nations requests the Permanent Court of International Justice to give an advisory opinion on the following question, taking into consideration the information which the various countries concerned may equally present to the Court :
" ‘Do Articles 10 and 11 of the Treaty of Peace between Finland and Russia, signed at Dorpat on October 14th, 1920, and the annexed Declaration of the Russian Delegation regarding the autonomy of Eastern Carelia, constitute engagements of an international character which place Russia under an obligation to Finland as to the carrying out of the provisions contained therein ? ’
" The Secretary-General is authorized to submit this application to the Court, together with all the documents relating to the question, to inform the Court of the action taken by the Council in the matter, to give all necessary assistance in the examination of the question, and to make arrangements to be represented, if necessary, at the Court."
Le 27 du même mois, le Secrétaire général de la Société, en vertu de cette Résolution, a adressé la requête suivante à la Cour permanente de Justice internationale :
« Le Secrétaire général de la Société des Nations,
« en exécution de la Résolution adoptée par le Conseil le 21 avril 1923, dont copie conforme est annexée à la présente,
« et en vertu de l’autorisation à lui donnée par ladite Résolution,
« a l’honneur de présenter à la Cour permanente de Justice internationale une requête du Conseil demandant à la Cour de bien vouloir, conformément à l’article 14 du
« Les articles 10 et 11 du Traité de Paix entre la Finlande et la Russie, signé à Dorpat le 14 octobre 1920, ainsi que la Déclaration y annexée de la délégation russe concernant l’autonomie de la Carélie orientale, constituent-ils des engagements d’ordre international obligeant la Russie vis-à-vis de la Finlande à l’exécution des dispositions y contenues ? »
(Texte anglais.)
" In execution of the Resolution of the Council of the League of Nations adopted on April 21st, 1923, of which a certified true copy is annexed hereto,
" And by virtue of the authorization given by this Resolution,
"The Secretary-General of the League of Nations
"Has the honour io present to the Permanent Court of International Justice the request of the Council that the Court will, in accordance with Article 14 of the Covenant of the League, give an advisory opinion upon the following question, taking into consideration the information which the various countries concerned may equally present to the Court'.
" ‘Do Articles 10 and xx of the Treaty of Peace between Finland and Russia, signed at Dorpat on October 14th, 1920, and the annexed Declaration of the Russian Delegation regarding the autonomy of Eastern Carelia, constitute engagements of an international character which place Russia under an obligation to Finland as to the carrying out of the provisions contained therein ?’ "
Conformément à l’article 73 du Règlement de la Cour, la requête a été notifiée aux Membres de la Société des Nations par l’intermédiaire de son Secrétaire général, ainsi qu’aux États mentionnés à l’Annexe au Pacte ; en outre, le Greffier fut chargé de la notifier au Gouvernement de la République socialiste fédérative des Soviets de Russie.
1. Traité de Dorpat, 14 octobre 1920.
Textes authentiques en finnois, russe et suédois, et traduction française, remis par le Gouvernement finlandais.
2. Déclaration du Gouvernement russe, annexe au Traité de Dorpat, concernant l’autonomie de la Carélie orientale.
Textes authentiques en finnois, russe et suédois, et traduction française, remis par le Gouvernement finlandais.
3. Note du Secrétaire général soumettant au Conseil une lettre du Ministère des Affaires étrangères de Finlande, du 26 novembre 1921. (Doc. C. 506. 1921. VII.)
4. Mémorandum du Secrétaire général, en date du 29 décembre 1921, exposant sommairement la situation de la Carélie. (Doc. C. 545. 1921. VII.)
5. Note du Secrétaire général, du 31 décembre 1921, accompagnant une lettre du Gouvernement central de Carélie au Conseil. (Doc. C. 555. 1921. VII.)
6. Procès-verbal de la séance du Conseil tenue les 13 et 14 janvier 1922, et déclaration faite au Conseil par le représentant de la Finlande.
7. Déclaration faite à l’Assemblée par le représentant de la Finlande, le 6 septembre 1922.
8. Note du Secrétaire général soumettant au Conseil une lettre, du 10 novembre 1922, de M. Enckell, délégué de Finlande. (Doc. C. 95. 1923. VII.)
9. Mémorandum du Secrétaire général exposant le résultat des démarches entreprises. (Doc. C. 83. 1923. VII.)
11. Lettre de M. Enckell et mémoire du Gouvernement finlandais du 19 avril 1923, accompagnés du mémoire de trois jurisconsultes finlandais. (Doc. C. 322.1923. VII.)
12. Rapport introductif au Conseil par M. Salandra. (Doc. C. 321. 1923. V.)
13. Rapport du représentant de l’Italie, 21 avril 1923, (Doc. C. 327. 1923. V.)
14. Extrait du procès-verbal des séances du Conseil des 20 et 21 avril 1923
15. Livre vert carélien, 1922.
16. Livre blanc finlandais, février 1922.
17. Rapport de trois jurisconsultes étrangers, 1922.
18. Ordre chronologique des étapes de l’affaire de la Carélie orientale devant le Conseil de la Société des Nations.
De plus, la Cour s’est trouvée en présence d’un certain nombre de documents qui lui ont été communiqués au nom du Gouvernement finlandais, savoir :
1. Un article de M. Erich, intitulé « La question de la Carélie orientale ».
2. Conclusions finales du Gouvernement finlandais.
3. Un article de M. Erich, intitulé « La question de la Carélie orientale soumise pour avis à la Cour permanente de Justice internationale».
4. Note additionnelle (à l’opinion juridique présentée antérieurement) de M. Charles de Visscher.
5. Procès-verbaux (en finnois) des séances de la Conférence de la Paix entre la Finlande et la Russie tenues à Dorpat, 12 juin-14 octobre 1920.
7. Note du Gouvernement soviétique du 27 février 1923 et notes du Gouvernement finlandais des 16 et 19 juin 1923.
De même, la Cour a été saisie d’une note, en date du 28 Juin 1923, du Ministre de Pologne à La Haye, et d’un télégramme du Gouvernement esthonien du 3 juillet 1923.
La Cour a également entendu les explications orales que, sur demande de son Gouvernement, M. Rafaël Erich, représentant du Gouvernement finlandais, avait été admis à fournir, et a reçu de lui un document contenant des « Considérations supplémentaires » à ces explications. La Cour avait informé M. Erich, avant l’audience, qu’elle apprécierait d’entendre son opinion sur la question de savoir si elle était compétente pour donner suite à la requête pour avis consultatif, relative à l’affaire de la Carélie orientale, à elle soumise par le Conseil de la Société des Nations.
Le Secrétaire général de la Société des Nations avait été dûment avisé de la démarche faite par la Cour à ce sujet.
M. Tchitchérine, Commissaire du peuple russe aux Affaires étrangères, a adressé à la Cour, le 11 juin, une dépêche télégraphique dont le texte entier a été lu à l’audience et qui est ainsi conçue :
« Onze juin Stop Réponse à votre 3055 du 19 mai Stop Le Gouvernement russe trouve impossible de prendre une part quelconque à la procédure dénuée de valeur légale et dans le fond et dans la forme à laquelle la Cour permanente veut soumettre la question càrélienne Stop Attendu que la Commune de travail càrélienne est une partie autonome de la Fédération russe ne possédant point le droit de relations internationales indépendantes Vrg Attendu ensuite que son autonomie est basée sur le décret du Conseil exécutif central pan-russe du huit juin mil neuf cent vingt qui fut édicé avant l’examen de
(Traduction anglaise du Greffe de la Cour.)
" June eleventh. Reply to your 3055 May 19th. The Russian Government finds it impossible to take any part in the proceedings, without legal value either in substance or in form, which the Permanent Court intends to institute as regards the Carelian question. Whereas the Workers’ Commune of Carelia is an autonomous portion of the Russian Federation without any right to independent international relations ; whereas its autonomy is based on the decree of the Pan-Russian Central Executive Council, dated June 8th, 1920, which was enacted before the examination of this question by the Russo-Finnish Peace Conference at Dorpat ; furthermore, whereas the Treaty of Dorpat, in connection with another matter, refers to the autonomous territory of Carelia as already existing without imposing any obligation in this respect upon Russia ;
This occurred when the annexation of Bessarabia by Roumania was recognized by them and again when a regime was established at Memel which debarred Russia from any voice in the question of navigation on the Niemen or again when Eastern Galicia, the great majority of whose population is Ukrainian, was annexed to Poland. These are the reasons which render it quite impossible for the Russian Government to take any part in the discussion of the Carelian question before the Permanent Court. A. 364. Tchitcherin."
La séparation complète de la Finlande d’avec la Russie s’est accomplie en 1917. La guerre survint entre le Gouvernement des Sovièts ét la Finlande en raison des différends entre ces deux pays à propos de questions de frontière et d’un grand nombre d’autres questions auxquelles se réfère le Traité de Paix conclu à Dorpat le 14 octobre 1920 et entré en vigueur le 1er janvier 1921. Au cours des hostilités, deux des communes de la Carélie orientale, Repola et Porajârvi, furent placées sous la protection de la Finlande.
Les articles 10 et 11 du Traité de Dorpat sont ainsi conçus :
(Texte français.)
Article 10.
«La Finlande retirera, dans un délai de quarante-cinq jours à partir de la mise en vigueur du présent Traité, ses troupes des communes de Repola et de Porajârvi.
Article ii.
« Pour régler d’une manière plus précise les conditions de l’union des communes de Repola et de Porajârvi, citées dans l’article précédent, avec le Territoire autonome de la Carélie de l’Est, les dispositions suivantes ont été adoptées par les Puissances contractantes en faveur de la population locale :
« 1. Les habitants des communes devront obtenir une amnistie entière, conformément aux stipulations de l’article 35 du présent Traité.
«2. Le maintien de l’ordre local sur le territoire des communes sera confié, pendant une durée de deux ans à partir de la mise en vigueur du présent Traité, à une milice instituée par la population locale.
«3. II sera garanti aux habitants desdites communes la possession intégrale de leurs biens meubles sur le territoire de ces communes, ainsi que le droit de disposer et d’user librement des champs qui leur appartiennent ou qu’ils cultivent, ainsi que de tous les autres biens immeubles en leur possession, dans les limites des lois en vigueur dans le Territoire autonome de la Carélie de l’Est.
«4. Tout habitant de ces communes sera autorisé, s’il le désire, à quitter librement la Russie dans un délai d’un an à partir de la mise en vigueur du présent Traité. Les personnes quittant la Russie sous ces conditions seront autorisées à emporter avec elles tous leurs biens meubles et garderont, dans les limites des lois en vigueur
«5. Il sera accordé aux citoyens finlandais et aux sociétés commerciales et industrielles finlandaises le droit, durant un an à partir de la mise én vigueur du présent Traité, de terminer dans ces communes la coupe des forêts auxquelles ils ont acquis droit en vertu de contrats conclus avant le premier juin 1920, et d’en emporter le bois coupé.»
(Traduction anglaise du Secrétariat de la Société des Nations.)
Article 10.
"Finland shall, within a time limit of forty-five days, dating from the entry into force of the present Treaty, withdraw her troops from the Communes of Repola and Porajârvi. These Communes shall be re-incorporated in the State of Russia and shall be attached to the autonomous territory of Eastern Carelia, which is to include the Carelian population of the governments of Archangel and Olonetz, and which shall enjoy the national right of self-determination."
Article 11.
" The Contracting Powers have adopted the following provisions for the benefit of the local population of the Communes of Repola and Porajârvi, with a view to a more detailed regulation of the conditions under which the union of these communes with the Autonomous Territory of Eastern Carelia, referred to in the preceding article, is to take place :
"1 . The inhabitants of the Communes shall be accorded a complete amnesty, as provided in Article 35 of the present Treaty.
" 2. The local maintenance of order in the territory of the Communes shall be undertaken by a militia organised by
"3. The inhabitants of these Communes shall be assured of the enjoyment of all their movable property situated in the territory of the Communes, also of the right to dispose and make unrestricted use of the fields which belong to or are cultivated by them and of all other immovable property in their possession, within the limits of the legislation in force in the Autonomous Territory of Eastern Carelia.
"4. All the inhabitants of these Communes shall be free, if they so desire, to leave Russia within a period of one month from the date upon which this Treaty comes into force. Those persons who leave Russia under these conditions shall be entitled to take with them all their personal possessions and shall retain, within the limits of the existing laws in the independent territory of Eastern Carelia, all their rights to any immovable property which they may leave in the territory of these Communes.
"5. Citizens of Finland, and Finnish commercial and industrial associations shall be permitted, for the duration of one year from the date upon which this Treaty comes into force, to complete in these Communes the felling of forests to which they are entitled by contracts signed prior to June 1st, 1920, and to take away the wood felled."
Le Traité contient également un certain nombre de stipulations sur d’autres matières, telles que les frontières, les eaux territoriales, la pêche, le droit de transit, la neutralisation de certaines eaux et îles, les douanes, la propriété et les dettés d’Etat, le trafic et les relations commerciales, les chemins de fer, les postes et télégraphes. L’article 37 prévoit la nomination d’une Commission mixte russo-finlandaise pour la mise en vigueur du Traité, ainsi que pour les questions de droit public et privé qui pourraient surgir à son propos.
Il convient de remarquer que les articles 10 et 11 traitent la Carélie orientale de «territoire autonome »; mais, sous réserve de ce qui est stipulé dans ces articles, il n’y a pas, dans le Traité même, de dispositions relatives à la nature et à la portée de cette autonomie.
(Texte français.)
« Déclaration de la délégation russe concernant l’autonomie de la Carélie de l’Est.
«A la séance générale du 14 octobre des délégations de la Paix, la déclaration suivante fut faite au procès-verbal au nom de la délégation russe :
«La République socialiste fédérative des Soviets de Russie garantit à la population càrélienne des gouvernements d’Arkhangel et d’Olonetz (Aunus) les droits suivants :
« 1) La population càrélienne des gouvernements d’Arkhangel et d’Olonetz (Aunus) jouira du droit des nations de disposer d’elles-mêmes.
« 2) La Carélie de l’Est habitée par cette population formera, en ce qui concerne ses affaires intérieures, un territoire autonome uni à la Russie sur base fédérative.
« 3) Les affaires concernant cette région seront traitées par une représentation nationale élue par la population locale, et ayant le droit d’imposition pour les besoins du territoire, le droit de rendre des ordonnances et règlements concernant les besoins locaux, ainsi que de régler l’administration interne.
« 4) La langue locale indigène sera la langue de l’administration, de la législation et de l’instruction publique.
« 5) Le territoire autonome de la Carélie de l’Est aura le droit de régler sa vie économique selon ses besoins locaux et selon l’organisation économique général de la République.
(Traduction anglaise du Secrétariat permanent de la Société des Nations.)
"Declaration of the Russian Delegation with regard to the autonomy of Eastern Carelia.
"At the general meeting of Peace Delegates on October 14th, the following declaration was inserted in the procès-verbal on behalf of Russian Delegation :
"The Socialist Federative Republic of the Russian Soviets guarantees the following rights to the Carelian population of the Governments of Archangel and Olonetz (Aunus):
"1) The Carelian population of the Governments of Archangel and Olonetz (Aunus) shall enjoy the right of self-determination.
"2) That part of Eastern Carelia which is inhabited by the said population shall constitute, so far as its internal affairs are concerned, an autonomous territory united to Russia on a federal basis.
"3) The affairs of this district shall be dealt with by national representatives elected by the local population, and having the right to levy taxes for the needs of the territory, to issue edicts and regulations with regard to local needs, and to regulate internal administration.
"4) The local native language shall be used in matters of administration, legislation and public education.
"5) The autonomous territory of Eastern Carelia shall have the right to regulate its economic life in accordance with its local needs, and in accordance with the general economic organization of the Republic.
Il ressort de la correspondance et des autres documents soumis à là Cour que des divergences se produisirent bientôt entre les Gouvernements finlandais et russe, des manquements à l’exécution du Traité sur un grand nombre de points, dont l’un relatif à l’autonomie de la Carélie orientale, ayant été allégués.
L’examen de la correspondance diplomatique entre la Finlande et la Russie, correspondance qui marque les diverses phases de la controverse entre ces deux pays au sujet de la Carélie orientale, démontre clairement :
1) que l’existence en droit du Traité de Dorpat et la force obligatoire de ses dispositions ne sont pas et n’ont jamais été mises en question par aucun des deux pays ;
2) que les deux parties, ayant reconnu l’existence et la force obligatoire du Traité, sont en désaccord quant à l’interprétation et à l’effet juridique de certaines de ses dispositions, en particulier des articles 10 et 11 qui traitent de la Carélie orientale ;
La Finlande a prié la Société des Nations de prendre l’affaire en mains et, après délibérations, le Conseil de la Société a d’abord adopté, le 14 janvier 1922, la Résolution suivante :
(Texte français)
« Le Conseil de la Société des Nations, après avoir entendu les renseignements fournis par la délégation finlandaise sur la situation en Carélie orientale, qui a fait l’objet de la lettre du Gouvernement finlandais en date du 26 novembre 1921, ainsi que les déclarations des représentants de l’Esthonie, de la Lettonie, de la Pologne et de la Lithuanie, est disposé, s’il y a à ce sujet accord entre les deux parties intéressées, à examiner la question en vue de trouver une solution satisfaisante.
Le Conseil estime qu’un des Etats intéressés, Membre de la Société, qui est en relations diplomatiques avec le Gouvernement de Moscou, pourrait s’informer de ses dispositions à cet égard.
« Si l’un de ces Etats pouvait aider, par ses bons offices entre les deux parties, à la solution de la question dans le haut esprit de conciliation et d’humanité qui est celui de la Société des Nations, le Conseil ne pourrait que s’en montrer satisfait.
« Le Secrétaire général est invité à recueillir tous renseignements utiles pour l’information du Conseil. »
(Texte anglais.)
" The Council of the League of Nations, having heard the statement submitted by the Finnish Delegation on the situation in Eastern Carelia, contained in a letter from the Finnish Government, dated November 26th, 1921, and the statements submitted by the Esthonian, Latvian, Polish and Lithuanian representatives, is willing to consider the question with a view to arriving at a satisfactory solution if the two parties concerned agree. The Council
" The Council could not but feel satisfaction if one of these States could lend its good offices as between the two parties, in order to assist in the solution of this question, in accordance with the high ideals of conciliation and humanity which animate the League of Nations.
"The Secretary-General is instructed to obtain all necessary information for the Council. »
Déférant au vœu du Conseil, le Gouvernement esthonien, qui se trouvait en relations diplomatiques avec le Gouvernement russe, invita ce dernier à soumettre la question de la Carélie orientale à l’examen du Conseil « sur la base de l’article 17 du Pacte », dont copie était annexée à la note du Gouvernement esthonien. Dans la même note, le Gouvernement esthonien, se référant à la Résolution du Conseil, demanda au Gouvernement des Soviets si ce Gouvernement pouvait, pour sa part, consentir à soumettre la question au Conseil, conformément à l’article 17 du Pacte, et «à se faire, à l’occasion, représenter au Conseil ».
Le Gouvernement russe, par sa note du 2 février 1922, se refusa à accepter la requête qui lui avait été ainsi adressée.
En dernier lieu, et sur les instances renouvelées du Gouvernement finlandais, le Conseil adopta la Résolution reproduite au début de cet Avis.
En second lieu, il convient de se rendre nettement compte de la nature exacte de la question soumise à la Cour, La Cour est priée de donner un avis consultatif sur la question de savoir si les articles 10 et 11 du Traité de Dorpat, ainsi que la Déclaration sus-mentionnée de la délégation russe concernant l’autonomie de la Carélie orientale, constituent des engagements d’ordre international obligeant la Russie vis-à-vis de la Finlande.
Ainsi qu’on l’a déjà fait observer, le fait de la conclusion du Traité de Dorpat n’a jamais été contesté.
Il ressort des documents présentés à la Cour que :
a) la thèse finlandaise est la suivante :
1° les articles 10 et 11 du Traité de Dorpat et la Déclaration insérée au procès-verbal de signature y relatif constituent des obligations exécutoires, que la Russie est tenue de remplir ;
2° la Russie n’a pas rempli ces obligations;
b) la thèse russe est la suivante :
1° la question relative à l’autonomie de la Carélie orientale est d’ordre intérieur, et l’attention des représentants de la Finlande a été attirée sur ce fait au cours des négociations concernant le Traité de Dorpat ; la Déclaration n’a été faite qu’à titre d’information ;
2° l’autonomie mentionnée aux articles 10 et 11 du Traité de Dorpat et dans la Déclaration n’a trait qu’à la commune ouvrière de Carélie telle que l’avait établie le Décret du 7 juin 1920, antérieurement à la conclusion du Traité.
Un mémoire du Secrétaire général de la Société des Nations en date du 10 avril 1923 fait ressortir avec une clarté parfaite le véritable point controversé (doc. C. 251.1923. V.). II y est dit:
« A ce point de vue, la question qui se pose en droit international est celle-ci : N’y a-t-il pas de lien contractuel
Puis, après avoir exposé la thèse de la Russie :
« La Finlande soutient, au contraire, que le texte du Traité de Dorpat est complété par les Déclarations annexes du Gouvernement russe ; qu’en vertu de ces Déclarations, le Gouvernement soviétique a pris un engagement contractuel résultant notamment de ce que la Finlande a rétrocédé à la Russie les deux communes de Repola et de Porajàrvi, en échange des stipulations d’autonomie promises par la Russie aux Caréliens ; que la connexité la plus étroite existe entre ces Déclarations et les dispositions du Traité, à tel point que les Déclarations russes étaient pour elles la condition absolue de sa signature au Traité ; qu’il s’ensuit que le Gouvernement finlandais a le même droit de veiller à l’exécution des dispositions de ces Déclarations — obtenues par lui, au profit de ses congénères finnois de l’autre côté de la frontière finlandaise — que s’il s’agissait des dispositions du Traité lui-même. »
Le point de savoir si la Déclaration en question présente, comme l’avance la Finlande, un caractère contractuel ou si, comme le maintient la Russie, elle n’a été énoncée qu’à titre d’information, est, par la nature même des choses, un point de fait. Il s’agit donc de rechercher si un engagement de cet ordre a été pris. La question véritablement posée à la Cour porte, dans une large mesure, sur la Déclaration concernant l’autonomie, qui est insérée au procès-verbal de signature du Traité. Si cette Déclaration faisait partie de l’accord entre la Finlande et la Russie, elle serait, au présent point de vue, assimilable au Traité lui-même.
Le représentant du Gouvernement finlandais a émis l’idée que la question soumise à la Cour devrait être considérée comme une question préalable relative à la nature du différend, par
Il y a eu des divergences d’opinions sur le point de savoir si des questions pour avis consultatif, pour autant qu’elles se réfèrent à des points de fait actuellement en litige entre deux nations, devraient être soumises à la Cour sans le consentement des parties. Il n’est pas besoin, dans le cas actuel, d’approfondir ce point.
Il résulte de ce qui précède que l’avis demandé à la Cour porte sur un différend actuellement né entre la Finlande et la Russie. La Russie n’étant pas Membre de la Société des Nations, il s’agit d’un cas prévu à l’article 17 du Pacte. D’après cet article, en cas de différend entre deux Etats, dont un seulement est Membre de la Société, l’Etat étranger à la Société est invité à se soumettre aux obligations qui s’imposent aux Membres aux fins de règlement du différend ; si cette invitation est acceptée, les dispositions des articles 12 à 16 s’appliquent sous réserve des modifications jugées nécessaires par le Conseil. Cette règle ne fait du reste que reconnaître et appliquer un principe qui est à la base même du droit international : le principe de l’indépendance des Etats. Il est bien établi en droit international qu’aucun Etat ne saurait être obligé de soumettre ses différends avec les autres Etats soit à la médiation, soit à l’arbitrage, soit enfin à n’importe quel procédé de solution pacifique, sans son consentement. Ce consentement peut être donné une fois pour toutes sous la forme d’une obligation librement acceptée ; il peut, par contre, être donné dans un cas déterminé, en dehors de toute obligation préexistante. La première hypothèse se vérifie pour les Membres de la Société des Nations : ayant accepté le Pacte, ils se trouvent sous l’obligation qui résulte des dispositions du Pacte concernant le règlement pacifique des différends internationaux. Il en est autrement pour les Etats non-Membres : ils ne sont pas liés par le Pacte. La soumission d’un différend, qu’ils auraient avec un Etat Membre de la
La Cour estime qu’il y a encore d’autres raisons péremptoires pour lesquelles tout effort de la Cour de traiter la question actuelle serait inopportun. Le point de savoir si la Finlande et la Russie ont passé un contrat, d’après les termes de la Déclaration concernant l’autonomie de la Carélie orientale, est en réalité un point de fait. Y répondre impliquerait le devoir de rechercher quelles preuves seraient de nature à éclairer la Cour sur la force relative des thèses avancées à ce propos par la Finlande et la Russie, et de faire comparaître tel témoin que nécessaire. La Russie refusant de prendre part à un enquête de ce genre, la Cour serait très embarrassée pour la mener à bien. Il paraît, en effet, douteux que la Cour puisse obtenir les renseignements matériels nécessaires pour lui permettre de porter un jugement sur la question de fait qui est celle de savoir quel fut l’objet de l’accord des parties. La Cour ne saurait aller jusqu’à dire qu’en règle générale une requête pour avis consultatif ne puisse impliquer une vérification de faits ; mais, dans des circonstances ordinaires, il serait certainement utile que les faits sur lesquels l’avis de la Cour est demandé fussent constants : le soin de les déterminer ne devrait pas être laissé à la Cour elle-même.
La Cour se rend compte qu’elle n’est pas invitée à trancher un différend, mais à donner un avis consultatif. Cependant, cette circonstance ne modifie pas essentiellement les considérations ci-dessus. La question posée à la Cour n’est pas de droit abstrait, mais concerne directement le
point essentiel du conflit entre la Finlande et la Russie, et il ne peut y être répondu qu’à la suite d’une enquête sur les faits qui sont à la base de l’affaire. Répondre à la question équivaudrait en substance à trancher un différend entre les parties. La Cour, étant une Cour de Justice, ne peut passe départir des règles essentielles qui dirigent son activité de tribunal, même lorsqu’elle donne des avis consultatifs.
C’est avec regret que, le Gouvernement russe ayant refusé son concours, la Cour se voit dans l’impossibilité de poursuivre une enquête qui, comme la requête du Conseil l’avait déjà donné à entendre, présuppose le consentement et la coopération des deux parties. Les autres considérations développées dans le présent avis semblent appeler la même conclusion.
La Cour ne saurait cependant regretter que la question lui ait été posée, car il sera dorénavant clair pour tous que le Conseil, sans épargner ses peines, a désiré, afin d’assurer le règlement d’un conflit entre deux nations, explorer tout chemin éventuellement susceptible d’aboutir à une solution.
Le présent avis ayant été rédigé en français et en anglais, c’est le texte anglais qui fera foi.
Fait au Palais de la Paix, à La Haye, le vingt-trois juillet mil neuf cent vingt trois, en deux exemplaires, dont l’un restera déposé aux archives de la Cour et dont l’autre sera transmis au Conseil de la Société des Nations.
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