Ainsi composée,
Après délibéré en chambre du conseil,
Vu les articles 35, 36,41 et 48 du Statut de la Cour et les articles 73,74 et 75 de son Règlement,
Vu la requête déposée par la République de Bosnie-Herzégovine (ci-après dénommée « Bosnie-Herzégovine ») au Greffe de la Cour le 20 mars 1993, par laquelle elle a introduit une instance contre la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) (ci-après dénommée « Yougoslavie ») au sujet d’un différend concernant tant les violations de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1948 (ci-après dénommée «la convention sur le génocide»), qu’aurait commises la Yougoslavie que des questions qui, selon la Bosnie-Herzégovine, seraient liées à ces violations,
Rend l’ordonnance suivante:
i) meurtre de membres d’un groupe, à savoir les habitants musulmans de Bosnie-Herzégovine;
ii) atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres de ce groupe;
iii) soumission intentionnelle de ce groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ; et
iv) mesures visant à entraver les naissances au sein de ce groupe ;
et considérant que la Bosnie-Herzégovine soutient que les actes qu’elle dénonce auraient été commis par des anciens membres de l’armée populaire yougoslave et par des forces militaires et paramilitaires serbes agissant sous la direction, sur l’ordre et avec l’aide de la Yougoslavie; que la Bosnie-Herzégovine conclut que la Yougoslavie est donc entièrement responsable en droit international de leurs activités ;
«a) que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) a violé, et continue de violer, ses obligations juridiques à l’égard du peuple et de l'Etat de Bosnie-Herzégovine en vertu des articles premier, II a), II b), II c), II d), III a), III b), III c), III d), III e), IV et V de la convention sur le génocide ;
b) que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) a violé et continue de violer ses obligations juridiques à l’égard du peuple et de l'Etat de Bosnie-Herzégovine en vertu des quatre conventions de Genève de 1949, de leur protocole additionnel I de 1977, du droit international coutumier de la guerre, et notamment du Règlement de La Haye de 1907 concernant la guerre sur terre, et d’autres principes fondamentaux du droit international humanitaire;
c) que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) a violé et continue de violer les dispositions des articles 1,2,3,4,5,6,7,8,9,10,11, 12,13,15,16,17,18,19,20,21,22,23,25,26 et 28 de la Déclaration universelle des droits de l'homme vis-à-vis des citoyens de la Bosnie-Herzégovine ;
d) que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro), en violation de ses obligations en vertu du droit international général et coutumier, a tué, assassiné, blessé, violé, volé, torturé, enlevé, détenu illégalement et exterminé des citoyens de la Bosnie-Herzégovine, et continue de le faire ;
e) qu’en traitant ainsi les citoyens de la Bosnie-Herzégovine, la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) a violé et continue de violer les obligations qu’elle a solennellement assumées en vertu du paragraphe 3 de l’article 1 et des articles 55 et 56 de la Charte des Nations Unies ;
f) que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) a employé et continue d’employer la force et de recourir à la menace de la force contre la Bosnie-Herzégovine en violation des paragraphes 1,2, 3 et 4 de l’article 2 et du paragraphe 1 de l’article 33 de la Charte des Nations Unies ;
g) que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro), en violation de ses obligations en vertu du droit international général et coutumier, a utilisé et utilise la force et la menace de la force contre la Bosnie-Herzégovine ;
h) que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro), en violation de ses obligations en vertu du droit international général et coutumier, a violé et viole la souveraineté de la Bosnie-Herzégovine du fait :
— d’attaques armées contre la Bosnie-Herzégovine par air et parterre;
— de la violation de l’espace aérien de la Bosnie-Herzégovine ;
— d’actes directs et indirects de coercition et d’intimidation à l’encontre du Gouvernement de la Bosnie-Herzégovine ;
i) que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro), en violation des obligations que lui impose le droit international général et coutumier, est intervenue et intervient dans les affaires intérieures de la Bosnie-Herzégovine ;
j) que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro), en recrutant, formant, armant, équipant, finançant, approvisionnant et en encourageant, appuyant, assistant et dirigeant de toute autre manière des actions militaires et paramilitaires en Bosnie-Herzégovine ou contre celle-ci par le truchement de ses agents et auxiliaires, a violé et viole ses obligations expresses en vertu de la Charte et des traités envers la Bosnie-Herzégovine et, en particulier, ses obligations conventionnelles en vertu du paragraphe 4 de l’article 2 de la Charte des Nations Unies, de même que ses obligations en vertu du droit international général et coutumier;
k) que, vu les circonstances exposées ci-dessus, la Bosnie-Herzégovine possède le droit souverain de se défendre et de défendre son peuple en vertu de l’article 51 de la Charte des Nations Unies et du droit international coutumier, y compris en se procurant immédiatement auprès d’autres Etats des armes, des matériels et fournitures militaires ainsi que des troupes ;
l) que, vu les circonstances exposées ci-dessus, la Bosnie-Herzégovine possède le droit souverain en vertu de l’article 51 de la Charte des Nations Unies et du droit international coutumier de demander à tout Etat de l’assister immédiatement en se portant à son secours, y compris par des moyens militaires (armes, matériels et fournitures militaires, troupes, etc.) ;
m) que la résolution 713(1991) du Conseil de sécurité imposant un embargo sur les livraisons d’armes à l’ex-Yougoslavie doit être interprétée d’une manière telle qu’elle ne porte pas atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, de la Bosnie-Herzégovine en vertu de l’article 51 de la Charte des Nations Unies et des règles du droit international coutumier;
n) que toutes les résolutions ultérieures du Conseil de sécurité qui se réfèrent à la résolution 713 (1991) ou la réaffirment doivent être interprétées d’une manière telle qu’elles ne portent pas atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, de la Bosnie-Herzégovine en vertu des dispositions de l’article 51 de la Charte des Nations Unies et des règles du droit international coutumier;
o) que la résolution 713 (1991) du Conseil de sécurité et toutes les résolutions ultérieures du Conseil de sécurité qui s’y réfèrent ou la réaffirment ne doivent pas être interprétées comme imposant un embargo sur les livraisons d’armes à la Bosnie-Herzégovine, comme l’exigent les dispositions du paragraphe 1 de l’article 24 et de l’article 51 de la Charte des Nations Unies et conformément au principe coutumier d' ultra vires ;
p) qu’en vertu du droit de légitime défense collective reconnu par l’article 51 de la Charte des Nations Unies tous les autres Etats parties à la Charte ont le droit de se porter immédiatement au secours de la Bosnie-Herzégovine — à sa demande — y compris en lui procurant immédiatement des armes, des matériels et des fournitures militaires, et en mettant à sa disposition des forces armées (soldats, marins, aviateurs, etc.) ;
q) que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) et ses agents et auxiliaires sont tenus de mettre fin et de renoncer immédiatement aux violations susmentionnées de leurs obligations juridiques, et ont le devoir exprès de mettre fin et de renoncer immédiatement :
— à leur pratique systématique de la « purification ethnique » des citoyens et du territoire souverain de la Bosnie-Herzégovine;
— à l’assassinat, à l’exécution sommaire, à la torture, au viol, à l’enlèvement, à la mutilation, aux blessures, aux sévices physiques et psychologiques et à la détention des citoyens de la Bosnie-Herzégovine ;
— à la dévastation sauvage et aveugle de villages, de villes, de districts, d’agglomérations et d’institutions religieuses en Bosnie-Herzégovine ;
— au bombardement de centres de population civile en Bosnie-Herzégovine, et spécialement de sa capitale, Sarajevo;
— à la poursuite du siège de centres de population civile de Bosnie-Herzégovine, et spécialement de sa capitale Sarajevo;
— aux actes qui ont pour effet d’affamer la population civile de Bosnie-Herzégovine ;
— aux actes ayant pour effet d’interrompre, d’entraver ou de gêner l’acheminement des secours humanitaires envoyés par la communauté internationale aux citoyens de Bosnie-Herzégovine;
— à toute utilisation de la force — directe ou indirecte, manifeste ou occulte — contre la Bosnie-Herzégovine, et à toutes les menaces d’utilisation de la force contre la Bosnie-Herzégovine ;
— à toutes les violations de la souveraineté, de l’intégrité territoriale ou de l’indépendance politique de la Bosnie-Herzégovine, y compris toute intervention, directe ou indirecte, dans les affaires intérieures de la Bosnie-Herzégovine ;
— à tout appui de quelque nature qu’il soit — y compris l’entraînement et la fourniture d’armes, de munitions, de fonds, de matériels, d’assistance, d’instruction ou toute autre forme de soutien — à toute nation ou groupe, organisation, mouvement ou individu se livrant ou se disposant à se livrer à des activités militaires ou paramilitaires en Bosnie-Herzégovine ou contre celle-ci ;
r) que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) est tenue de payer à la Bosnie-Herzégovine, de son propre droit et comme parens patriae de ses citoyens, des réparations pour les dommages subis par les personnes, les biens, l’économie et l’environnement de la Bosnie à raison des violations susvisées du droit international, dont le montant sera déterminé par la Cour. La Bosnie-Herzégovine se réserve le droit de présenter à la Cour une évaluation précise des dommages causés par la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) » ;
« 1. La Yougoslavie (Serbie et Monténégro), ainsi que ses agents et auxiliaires en Bosnie et ailleurs, doivent immédiatement mettre fin et renoncer à tous actes de génocide et actes de même nature contre le peuple et l'Etat de Bosnie-Herzégovine, y compris, mais sans que cette énumération soit limitative, les assassinats, les exécutions sommaires, la torture, le viol, les mutilations, la «purification ethnique », la dévastation sauvage et aveugle de villages, de villes, de districts et d’agglomérations, le siège de villages, de villes, de districts et d’agglomérations, les actes ayant pour effet d’affamer la population civile et d’interrompre, d’entraver ou de gêner l’acheminement des secours humanitaires à la population civile par la communauté internationale, le bombardement de centres de population civile et la détention de civils dans des camps de concentration ou ailleurs.
2. La Yougoslavie (Serbie et Monténégro) doit immédiatement mettre fin et renoncer à toute aide, directe ou indirecte — y compris la formation, la fourniture d’armes, de munitions, de matériels, d’assistance, de fonds, d’instruction ou toute autre forme de soutien — à toute nation ou groupe, organisation, mouvement, milice ou individu se livrant ou se disposant à se livrer à des activités militaires ou paramilitaires dirigées contre le peuple, l'Etat et le Gouvernement de la Bosnie-Herzégovine ou dans cet Etat.
3. La Yougoslavie (Serbie et Monténégro) doit immédiatement mettre fin et renoncer à toutes activités militaires ou paramilitaires exercées par ses propres fonctionnaires, agents ou auxiliaires ou par ses forces contre le peuple, l'Etat et le Gouvernement de la Bosnie-Herzégovine ou dans cet Etat, et à tout autre recours ou menace de recours à la force dans ses relations avec la Bosnie-Herzégovine.
4. Dans les circonstances actuelles, le Gouvernement de la Bosnie-Herzégovine a le droit de demander et de recevoir l’aide d’autres Etats afin de se défendre et de défendre son peuple, y compris en se procurant immédiatement des armes, des matériels et des fournitures militaires.
5. Dans les circonstances actuelles, le Gouvernement de la Bosnie-Herzégovine a le droit de demander à tout Etat de lui accorder une assistance immédiate en se portant à son secours, y compris en lui procurant immédiatement des armes, des matériels et des fournitures militaires, ainsi qu’en mettant à sa disposition des forces armées (soldats, marins, aviateurs, etc.).
6. Dans les circonstances actuelles, tout Etat a le droit de se porter immédiatement au secours de la Bosnie-Herzégovine — à sa demande — y compris en lui procurant immédiatement des armes, des matériels et des fournitures militaires, ainsi qu’en mettant à sa disposition des forces armées (soldats, marins et aviateurs, etc.)»;
«recommande à la Cour d’indiquer, conformément à l’article 41 de son Statut et à l’article 73 de son Règlement, des mesures conservatoires, et en particulier:
— de donner des instructions aux autorités sous le contrôle de M. A. Izetbegovic pour qu’elles se conforment strictement au dernier accord sur le cessez-le-feu dans la «République de Bosnie-Herzégovine » qui est entré en vigueur le 28 mars 1993 ;
— d’ordonner aux autorités sous le contrôle de M. A. Izetbegovic qu’elles respectent les conventions de Genève de 1949 pour la protection des victimes de la guerre et les protocoles additionnels de 1977 à ces conventions, étant donné que le génocide des Serbes vivant dans la « République de Bosnie-Herzégovine » est en train d'être perpétré par des crimes de guerre très graves qui enfreignent l’obligation de ne pas violer les droits essentiels de la personne humaine ;
— de donner des instructions aux autorités loyales à M. A. Izetbegovic afin qu’elles ferment et démantèlent immédiatement toutes les prisons et tous les camps de détention se trouvant dans la « République de Bosnie-Herzégovine » et où les Serbes sont détenus en raison de leur origine ethnique et font l’objet d’actes de torture, ce qui met en sérieux danger leur vie et leur santé ;
— d’ordonner aux autorités sous le contrôle de M. A. Izetbegovic de permettre sans tarder aux habitants serbes de quitter en toute sécurité Tuzla, Zenica, Sarajevo et les autres localités de la « République de Bosnie-Herzégovine » où ils ont fait l’objet de harcèlements et de mauvais traitements physiques et mentaux, en tenant compte de ce qu’ils risquent de subir le même sort que les Serbes en Bosnie orientale, qui a été le théâtre de meurtres et de massacres de quelques milliers de civils serbes ;
— de donner des instructions aux autorités loyales à M. A. Izetbegovic pour qu’elles mettent immédiatement fin à la destruction des églises et lieux de culte orthodoxes et d’autres éléments du patrimoine culturel serbe, et pour qu’elles libèrent et cessent de maltraiter tous les prêtres orthodoxes détenus ;
— d’ordonner aux autorités sous le contrôle de M. A. Izetbegovic de mettre un terme à tous les actes de discrimination basés sur la nationalité ou la religion ainsi qu’aux pratiques de « purification ethnique», y compris la discrimination exercée en ce qui concerne l’acheminement de l’aide humanitaire, à l’encontre de la population serbe dans la «République de Bosnie-Herzégovine » ;
au nom de la Bosnie-Herzégovine:
S. Exc. M. Muhamed Sacirbey et
M. Francis A. Boyle, agents ;
au nom de la Yougoslavie:
M. Ljubinko Zivkovic et
M. Shabtai Rosenne, faisantfonction d’agents;
et ayant reçu les réponses des Parties à une question posée par un membre de la Cour à l’audience ;
« Le Conseil de sécurité,
Considérant que l'Etat antérieurement connu comme la République fédérative socialiste de Yougoslavie a cessé d’exister,
Rappelant en particulier sa résolution 757 (1992) qui note que « l’affirmation de la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro), selon laquelle elle assure automatiquement la continuité de l’ancienne République fédérative socialiste de Yougoslavie comme Membre de l'Organisation des Nations Unies n’a pas été généralement acceptée »,
1. Considère que la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ne peut pas assurer automatiquement la continuité de la qualité de Membre de l’ancienne République fédérative socialiste de Yougoslavie aux Nations Unies et par conséquent recommande à l'Assemblée générale de décider que la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) devrait présenter une demande d’adhésion aux Nations Unies et qu’elle ne participera pas aux travaux de l'Assemblée générale » ;
et considérant que, le 22 septembre 1992, l'Assemblée générale a adopté sa résolution 47/1 qui, dans sa partie pertinente, se lit ainsi :
« L'Assemblée générale,
Ayant reçu la recommandation du Conseil de sécurité, en date du 19 septembre 1992, selon laquelle la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) devrait présenter une demande d’admission à l'Organisation des Nations Unies et ne participera pas aux travaux de l'Assemblée générale...,
1. Considère que la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ne peut pas assurer automatiquement la continuité de la qualité de Membre de l’ancienne République fédérative socialiste de Yougoslavie à l'Organisation des Nations Unies et, par conséquent, décide que la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) devrait présenter une demande d’admission à l'Organisation et qu’elle ne participera pas aux travaux de l'Assemblée générale » ;
« Si l'Assemblée générale a déclaré sans équivoque que la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ne pouvait pas assurer automatiquement la continuité de la qualité de Membre de l’ancienne République fédérative socialiste de Yougoslavie à l'Organisation des Nations Unies et que la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) devrait présenter une demande d’admission à l'Organisation, l’unique conséquence pratique de cette résolution est que la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ne participera pas aux travaux de l'Assemblée générale. Il est donc clair que les représentants de la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ne peuvent plus participer aux travaux de l'Assemblée générale et de ses organes subsidiaires, ni aux conférences et réunions organisées par celle-ci.
D'un autre côté, la résolution ne met pas fin à Y appartenance de la Yougoslavie à l'Organisation et ne la suspend pas. En conséquence, le siège et la plaque portant le nom de la Yougoslavie subsistent, mais dans les organes de l'Assemblée les représentants de la République fédérale de la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ne peuvent occuper la place réservée à la « Yougoslavie ». La mission de la Yougoslavie auprès du Siège de l'Organisation des Nations Unies, ainsi que les bureaux occupés par celle-ci, peuvent poursuivre leurs activités, ils peuvent recevoir et distribuer des documents. Au Siège, le Secrétariat continuera de hisser le drapeau de l’ancienne Yougoslavie, car c'est le dernier drapeau de la Yougoslavie que le Secrétariat ait connu. La résolution n’enlève pas à la Yougoslavie le droit de participer aux travaux des organes autres que ceux de l'Assemblée. L'admission à l'Organisation des Nations Unies d’une nouvelle Yougoslavie, en vertu de l’article 4 de la Charte, mettra fin à la situation créée par la résolution 47/1 » (doc. A /47 /485 [traduction du Secrétariat]} ;
«2. Les conditions auxquelles elle est ouverte aux autres Etats sont, sous réserve des dispositions particulières des traités en vigueur, réglées par le Conseil de sécurité, et, dans tous les cas, sans qu’il puisse en résulter pour les parties aucune inégalité devant la Cour»;
qu’en conséquence la Cour estime qu’une instance peut être valablement introduite par un Etat contre un autre Etat qui, sans être partie au Statut, est partie à une telle disposition particulière d’un traité en vigueur, et ce indépendamment des conditions réglées par le Conseil de sécurité dans sa résolution 9 (1946) (voir Vapeur Wimbledon, 1923, C.PJ.I. série A n° 1, p. 6); que, de l’avis de la Cour, une clause compromissoire d’une convention multilatérale, telle que l’article IX de la convention sur le génocide, invoqué par la Bosnie-Herzégovine en l’espèce, pourrait être considérée prima facie comme une disposition particulière d’un traité en vigueur; qu’en conséquence, si la Bosnie-Herzégovine et la Yougoslavie sont toutes deux parties à la convention sur le génocide, les différends auxquels s’applique l’article IX relèvent en tout état de cause prima fade de la compétence ratione personae de la Cour;
« Les différends entre les Parties contractantes relatifs à l’interprétation, l’application ou l’exécution de la présente Convention, y compris ceux relatifs à la responsabilité d’un Etat en matière de génocide ou de l’un quelconque des autres actes énumérés à l’article III, seront soumis à la Cour internationale de Justice, à la requête d’une Partie au différend » ;
« La République fédérative de Yougoslavie, assurant la continuité de l'Etat et de la personnalité juridique et politique internationale de la République fédérative socialiste de Yougoslavie, respectera strictement tous les engagements que la République fédérative socialiste de Yougoslavie a pris à l’échelon international » ;
et que l’intention ainsi exprimée par la Yougoslavie de respecter les traités internationaux auxquels était partie l’ex-Yougoslavie a été confirmée dans une note officielle du 27 avril 1992 adressée au Secrétaire général par la mission permanente de la Yougoslavie auprès des Nations Unies;
«le Gouvernement de la République de Bosnie-Herzégovine, ayant examiné la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, du 9 décembre 1948, à laquelle l’ex-République fédérative socialiste de Yougoslavie était partie, souhaite être le successeur de cette dernière et s’engage à respecter et exécuter scrupuleusement toutes les clauses figurant dans ladite convention, avec effet à compter du 6 mars 1992, date à laquelle la République de Bosnie-Herzégovine est devenue indépendante » ;
et considérant que, le 18 mars 1993, le Secrétaire général, en sa qualité de dépositaire, a communiqué aux parties à la convention sur le génocide la notification ci-après :
«Le 29 décembre 1992, la notification de succession par le Gouvernement de la Bosnie-Herzégovine à la convention susmentionnée a été déposée auprès du Secrétaire général, avec effet au 6 mars 1992, date à laquelle la Bosnie-Herzégovine a assumé la responsabilité de ses relations internationales»;
« Dans l’affirmative, sur quels fondements et selon quelles modalités les problèmes de succession d'Etats qui se posent entre les différents Etats issus de la République fédérative socialiste de Yougoslavie devraient-ils être réglés?»
« 2. L'avis de principe de la RF yougoslave est que toutes les questions traitant de la solution complète (overall settlement) de la crise yougoslave devraient être résolues dans un agrément entre la RF yougoslave et toutes les anciennes républiques yougoslaves.
3. La RF yougoslave est d’avis que toutes les disputes légales qui ne peuvent pas être résolues entre la RF yougoslave et les anciennes républiques yougoslaves, qu’elles devraient être soumises à la Cour internationale de la Paix, qui est le principal organe judiciaire des Nations Unies.
En conséquence, et étant donné que les questions demandées dans votre lettre sont de nature légale, la RF yougoslave propose que, en cas où une solution n’est pas trouvée entre les participants à la conférence, les questions susmentionnées soient jugées par la Cour internationale de la Paix, en concordance avec son Statut»;
« soumet ici à la Cour tous les différends juridiques entre elle et... la Yougoslavie qui ont été exposés dans notre requête [et] dans la demande en indication de mesures conservatoires »,
a avancé
«que cette expression formelle de l’intention des autorités appropriées de se soumettre à la juridiction de cette Cour... fournit un fondement additionnel de la compétence de la Cour pour connaître de tous les différends juridiques existant entre nous »,
et a prié la Cour « de prendre en considération cette base supplémentaire de compétence... à l’appui de sa demande en indication de mesures conservatoires » ;
« départage nettement les fonctions de l'Assemblée générale et du Conseil de sécurité en précisant que, à l’égard d’un différend ou d’une situation quelconque, la première ne doit faire aucune recommandation sur ce différend ou cette situation, à moins que le Conseil de sécurité ne le lui demande,... aucune disposition semblable ne figure dans la Charte sur le Conseil de sécurité et la Cour. Le Conseil a des attributions politiques ; la Cour exerce des fonctions purement judiciaires. Les deux organes peuvent donc s’acquitter de leurs fonctions distinctes mais complémentaires à propos des mêmes événements » (Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1984, p. 434-435);
«a) le droit pour les citoyens de Bosnie-Herzégovine de survivre physiquement en tant que peuple et qu'Etat ;
b) les droits du peuple de Bosnie-Herzégovine à la vie, la liberté et la sûreté, ainsi qu’aux autres droits de l'homme fondamentaux définis dans la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948;
c) le droit pour le peuple et l'Etat de Bosnie-Herzégovine d'être à tout moment protégés contre les actes de génocide et autres actes assimilables perpétrés contre eux par la Yougoslavie (Serbie et Monténégro), agissant de concert avec ses agents et auxiliaires en Bosnie et ailleurs ;
d) le droit pour le peuple et l'Etat de Bosnie-Herzégovine d'être à tout moment protégés contre l’emploi ou la menace de la force de la part d’un Etat étranger agissant de concert avec ses agents et auxiliaires sur leur territoire souverain et ailleurs ;
e) le droit pour la Bosnie-Herzégovine de conduire ses affaires et de décider des questions relevant de sa compétence nationale sans ingérence ni intervention d’aucun Etat étranger agissant directement ou par l’intermédiaire d’agents et auxiliaires, ou à la fois directement et par leur intermédiaire ;
f) le droit du peuple de Bosnie-Herzégovine à l’autodétermination;
g) le droit fondamental du peuple et de l'Etat de Bosnie-Herzégovine d’exister en exerçant la souveraineté » ;
« Dans la présente Convention le génocide s’entend de l’un quelconque des actes ci-après, commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :
a) meurtre de membres du groupe;
b) atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe;
c) soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ;
d) mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe » ;
« Les Parties contractantes confirment que le génocide, qu’il soit commis en temps de paix ou en temps de guerre, est un crime du droit des gens, qu’elles s’engagent à prévenir et à punir» ;
considérant que toutes les parties à la convention ont donc assumé l’obligation «de prévenir et de punir» le crime de génocide; considérant que, de l’avis de la Cour, compte tenu des circonstances portées à son attention et décrites ci-dessus, il existe un risque grave que des actes de génocide soient commis ; considérant que la Yougoslavie et la Bosnie-Herzégovine, que de tels actes commis dans le passé puissent ou non leur être imputés en droit, sont tenues de l’incontestable obligation de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour en assurer la prévention à l’avenir;
« Toute Partie contractante peut saisir les organes compétents des Nations Unies afin que ceux-ci prennent, conformément à la Charte des Nations Unies, les mesures qu’ils jugent appropriées pour la prévention et la répression des actes de génocide ou de l’un quelconque des autres actes énumérés à l’article III »,
et que la Bosnie-Herzégovine demande à la Cour de «prendre... des mesures immédiates et efficaces pour assurer, autant que possible, la prévention et la répression» des actes de génocide dénoncés ou qui risquent d'être commis ; que la Cour estime que l’article VIII, à supposer même qu’il soit applicable à la Cour en tant qu’un des « organes compétents des Nations Unies», ne semble lui conférer aucune fonction ou compétence qui s’ajoutent à celles que prévoit son Statut; et que, en conséquence, il n’est pas exigé de la Cour, à ce stade de la procédure, de faire plus que d’examiner quelles mesures conservatoires peuvent s’avérer nécessaires en vertu de l’article 41 du Statut;
La Cour
Indique à titre provisoire, en attendant son arrêt définitif dans l’instance introduite le 20 mars 1993 par la République de Bosnie-Herzégovine contre la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro), les mesures conservatoires suivantes :
A. 1) A l’unanimité,
Le Gouvernement de la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) doit immédiatement, conformément à l’engagement qu’il a assumé aux termes de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948, prendre toutes les mesures en son pouvoir afin de prévenir la commission du crime de génocide ;
2) Par treize voix contre une,
Le Gouvernement de la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) doit en particulier veiller à ce qu’aucune des unités militaires, paramilitaires ou unités armées irrégulières qui pourraient relever de son autorité ou bénéficier de son appui, ni aucune organisation ou personne qui pourraient se trouver sous son pouvoir, son autorité, ou son influence ne commettent le crime de génocide, ne s’entendent en vue de commettre ce crime, n’incitent directement et publiquement à le commettre ou ne s’en rendent complices, qu’un tel crime soit dirigé contre la population musulmane de Bosnie-Herzégovine, ou contre tout autre groupe national, ethnique, racial ou religieux;
pour : Sir Robert Jennings, Président; M. Oda, Vice-Président; MM. Ago, Schwebel, Bedjaoui, Ni, Evensen, Guillaume, Shahabuddeen, Aguilar Mawdsley, Weeramantry, Ranjeva, Ajibola,Juges ;
contre : M. Tarassov, juge ;
B. A l’unanimité,
Le Gouvernement de la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) et le Gouvernement de la République de Bosnie-Herzégovine doivent ne prendre aucune mesure et veiller à ce qu’il n’en soit prise aucune, qui soit de nature à aggraver ou étendre le différend existant sur la prévention et la répression du crime de génocide, ou à en rendre la solution plus difficile.
Fait en anglais et en français, le texte anglais faisant foi, au Palais de la Paix, à La Haye, le huit avril mil neuf cent quatre-vingt-treize, en quatre exemplaires, dont l’un restera déposé aux archives de la Cour et les autres seront transmis respectivement au Gouvernement de la République de Bosnie-Herzégovine, au Gouvernement de la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) et au Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies pour transmission au Conseil de sécurité.
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