« En conséquence, tout en se réservant le droit de reviser, compléter ou modifier la présente requête, et sous réserve de la présentation à la Cour des preuves et arguments juridiques pertinents, la Bosnie-Herzégovine prie la Cour de dire et juger:
a) que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) a violé, et continue de violer, ses obligations juridiques à l’égard du peuple et de l'Etat de Bosnie-Herzégovine en vertu des articles premier, II a), II b), II c), II d), III a), III b), III c), III d), III e), IV et V de la convention sur le génocide;
b) que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) a violé et continue de violer ses obligations juridiques à l’égard du peuple et de l'Etat de Bosnie-Herzégovine en vertu des quatre conventions de Genève de 1949, de leur protocole additionnel I de 1977, du droit international coutumier de la guerre, et notamment du Règlement de La Haye de 1907 concernant la guerre sur terre, et d’autres principes fondamentaux du droit international humanitaire;
c) que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) a violé et continue de violer les dispositions des articles 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 25, 26 et 28 de la Déclaration universelle des droits de l'homme vis-à-vis des citoyens de la Bosnie-Herzégovine;
d) que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro), en violation de ses obligations en vertu du droit international général et coutumier, a tué, assassiné, blessé, violé, volé, torturé, enlevé, détenu illégalement et exterminé des citoyens de la Bosnie-Herzégovine, et continue de le faire;
e) qu’en traitant ainsi les citoyens de la Bosnie-Herzégovine, la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) a violé et continue de violer les obligations qu’elle a solennellement assumées en vertu du paragraphe 3 de l’article 1 et des articles 55 et 56 de la Charte des Nations Unies;
f) que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) a employé et continue d’employer la force et de recourir à la menace de la force contre la Bosnie-Herzégovine en violation des paragraphes 1, 2, 3 et 4 de l’article 2 et du paragraphe 1 de l’article 33 de la Charte des Nations Unies;
g) que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro), en violation de ses obligations en vertu du droit international général et coutumier, a utilisé et utilise la force et la menace de la force contre la Bosnie-Herzégovine;
h) que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro), en violation de ses obligations en vertu du droit international général et coutumier, a violé et viole la souveraineté de la Bosnie-Herzégovine du fait ;
— d’attaques armées contre la Bosnie-Herzégovine par air et par terre;
— de la violation de l’espace aérien de la Bosnie-Herzégovine;
— d’actes directs et indirects de coercition et d’intimidation à l’encontre du Gouvernement de la Bosnie-Herzégovine;
i) que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro), en violation des obligations que lui impose le droit international général et coutumier, est intervenue et intervient dans les affaires intérieures de la Bosnie-Herzégovine;
j) que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro), en recrutant, entraînant, armant, équipant, finançant, approvisionnant et en encourageant, appuyant, aidant et dirigeant des actions militaires et paramilitaires en Bosnie-Herzégovine ou contre celle-ci par le moyen de ses agents et de ses auxiliaires, a violé et viole ses obligations fondamentales et conventionnelles expresses à l’égard de la Bosnie-Herzégovine et, en particulier, ses obligations fondamentales et conventionnelles expresses en vertu du paragraphe 4 de l’article 2 de la Charte des Nations Unies, de même que ses obligations en vertu du droit international général et coutumier;
k) que, vu les circonstances exposées ci-dessus, la Bosnie-Herzégovine possède le droit souverain de se défendre et de défendre son peuple en vertu de l’article 51 de la Charte des Nations Unies et du droit international coutumier, y compris en se procurant immédiatement auprès d’autres Etats des armes, des matériels et fournitures militaires ainsi que des troupes;
l) que, vu les circonstances exposées ci-dessus, la Bosnie-Herzégovine possède le droit souverain en vertu de l’article 51 de la Charte des Nations Unies et du droit international coutumier de demander à tout Etat de l’assister immédiatement en se portant à son secours, y compris par des moyens militaires (armes, matériels et fournitures militaires, troupes, etc.);
m) que la résolution 713 (1991) du Conseil de sécurité imposant un embargo sur les livraisons d’armes à l’ex-Yougoslavie doit être interprétée d’une manière telle qu’elle ne porte pas atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, de la Bosnie-Herzégovine en vertu de l’article 51 de la Charte des Nations Unies et des règles du droit international coutumier;
n) que toutes les résolutions ultérieures du Conseil de sécurité qui se réfèrent à la résolution 713 (1991) ou la réaffirment doivent être interprétées d’une manière telle qu’elles ne portent pas atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, de la Bosnie-Herzégovine en vertu des dispositions de l’article 51 de la Charte des Nations Unies et des règles du droit international coutumier;
o) que la résolution 713 (1991) du Conseil de sécurité et toutes les résolutions ultérieures du Conseil de sécurité qui s’y réfèrent ou la réaffirment ne doivent pas être interprétées comme imposant un embargo sur les livraisons d’armes à la Bosnie-Herzégovine, conformément aux dispositions du paragraphe 1 de l’article 24 et de l’article 51 de la Charte des Nations Unies et au principe coutumier d' ultra vires;
p) qu’en vertu du droit de légitime défense collective reconnu par l’article 51 de la Charte des Nations Unies tous les autres Etats parties à la Charte ont le droit de se porter immédiatement au secours de la Bosnie-Herzégovine — à sa demande — y compris en lui fournissant immédiatement des armes, des matériels et des fournitures militaires, et des forces armées (soldats, marins, aviateurs, etc.);
q) que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro), et ses agents et auxiliaires, sont tenus de mettre fin et de renoncer immédiatement à leurs violations susmentionnées de leurs obligations juridiques, et ont le devoir exprès de mettre fin et de renoncer immédiatement:
— à leur pratique systématique de la «purification ethnique» des citoyens et du territoire souverain de la Bosnie-Herzégovine;
— à l’assassinat, à l’exécution sommaire, à la torture, au viol, à l’enlèvement, à la mutilation, aux blessures, aux sévices physiques et psychologiques et à la détention des citoyens de la Bosnie-Herzégovine ;
— à la dévastation sauvage et aveugle de villages, de villes, de districts, d’agglomérations et d’institutions religieuses en Bosnie-Herzégovine ;
— au bombardement de centres de population civile en Bosnie-Herzégovine, et spécialement de sa capitale, Sarajevo ;
— à la poursuite du siège de centres de population civile de Bosnie-Herzégovine, et spécialement de sa capitale, Sarajevo;
— à la privation de nourriture de la population civile de Bosnie-Herzégovine;
— aux actes ayant pour effet d’interrompre, d’entraver ou de gêner l’acheminement des secours humanitaires envoyés par la communauté internationale aux citoyens de Bosnie-Herzégovine;
— à toute utilisation de la force — directe ou indirecte, manifeste ou occulte — contre la Bosnie-Herzégovine, et à toutes les menaces d’utilisation de la force contre la Bosnie-Herzégovine;
— à toutes les violations de la souveraineté, de l’intégrité territoriale ou de l’indépendance politique de la Bosnie-Herzégovine, y compris toute intervention, directe ou indirecte, dans les affaires intérieures de la Bosnie-Herzégovine;
— à tout appui de quelque nature qu’il soit — y compris l’entraînement et la fourniture d’armes, de munitions, de fonds, de matériels, d’assistance, d’instruction ou toute autre forme de soutien — à toute nation ou groupe, organisation, mouvement ou individu se livrant ou se disposant à se livrer à des actions militaires ou paramilitaires en Bosnie-Herzégovine ou contre celle-ci ;
r) que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) est tenue de payer à la Bosnie-Herzégovine, en son propre nom et en tant que parens patriae de ses citoyens, des réparations pour les dommages subis par les personnes et les biens ainsi que par l’économie et l’environnement de la Bosnie à raison des violations susvisées du droit international, dont le montant sera déterminé par la Cour. La Bosnie-Herzégovine se réserve le droit de présenter à la Cour une évaluation précise des dommages causés par la Yougoslavie (Serbie et Monténégro)»;
«Sur la base des éléments de preuve et des arguments juridiques exposés dans le présent mémoire, la Bosnie-Herzégovine prie la Cour de dire et juger:
1. Que la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro), directement ou par le truchement de ses auxiliaires, a violé et continue de violer la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, en détruisant partiellement, et en tentant de détruire totalement, des groupes nationaux, ethniques ou religieux, notamment mais non exclusivement sur le territoire de la République de Bosnie-Herzégovine, en particulier la population musulmane, en se livrant aux actes suivants:
— meurtre de membres du groupe,
— atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe,
— soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence visant à entraîner sa destruction physique totale ou partielle,
— imposition de mesures aux fins d’entraver les naissances au sein du groupe;
2. Que la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) a violé et continue de violer la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide en se rendant coupable d’entente en vue de commettre le génocide, de complicité dans le génocide, de tentative de génocide et d’incitation à commettre le génocide;
3. Que la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) a violé et continue de violer la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide en aidant et encourageant des individus et des groupes se livrant à des actes de génocide;
4. Que la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) a violé et continue de violer la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide en manquant à son obligation de prévenir et de punir les actes de génocide;
5. Que la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) doit immédiatement mettre fin aux actes susmentionnés et prendre des mesures immédiates et efficaces pour s’acquitter pleinement de ses obligations aux termes de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide;
6. Que la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) doit effacer les conséquences de ses actes internationalement illicites et rétablir la situation qui existait avant que les violations de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide ne fussent commises;
7. Que, sa responsabilité internationale étant engagée à raison des violations susmentionnées de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) est tenue de payer à la Bosnie-Herzégovine, et cette dernière est fondée à recevoir, en son propre nom et en tant que parens patriae de ses citoyens, pleine réparation pour les dommages et les pertes causés, réparation dont le montant sera déterminé par la Cour lors d’une phase ultérieure de la procédure en l’instance.
La République de Bosnie-Herzégovine se réserve le droit de compléter ou de modifier ses conclusions dans le cadre d’autres pièces de procédure.
La République de Bosnie-Herzégovine appelle également respectueusement l’attention de la Cour sur le fait qu’elle n’a pas réitéré, à ce stade, plusieurs des demandes qu’elle avait formulées dans sa requête, partant du postulat formel que la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) a accepté la compétence de la Cour en vertu de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Si le défendeur devait revenir sur son acceptation de la compétence de la Cour en application de ladite convention — ce qu’en tout état de cause il n’est pas autorisé à faire — le Gouvernement de la Bosnie-Herzégovine se réserve le droit d’invoquer toutes les autres bases de compétence existantes, ou certaines d’entre elles, et de formuler de nouveau toutes les conclusions et demandes qu’il a déjà présentées, ou certaines d’entre elles»;
«La République fédérative de Yougoslavie prie la Cour internationale de Justice de dire et juger:
1. Attendu qu’aucune des obligations créées par la convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide n’a été violée à l’encontre de Musulmans ou de Croates
— puisque les actes allégués par le demandeur soit n’ont nullement été commis, soit n’ont pas eu l’ampleur et la forme alléguées par le demandeur, ou
— puisque, si certains de ces actes ont été commis, ils Vont été en l’absence de toute intention de commettre un génocide, et/ou
— puisque ces actes n’étaient pas spécifiquement dirigés contre les membres d’un groupe ethnique ou religieux, c'est-à-dire qu’ils n’ont pas été commis contre des individus pour la seule raison qu’ils appartenaient à un groupe ethnique ou religieux donné,
en conséquence, ces actes ne sauraient être qualifiés d’actes de génocide ou d’autres actes prohibés par la convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide, et/ou
2. Attendu que les actes allégués par le demandeur dans ses pièces ne peuvent pas être attribués à la République fédérative de Yougoslavie,
— puisqu’ils n’ont pas été commis par les organes de la République fédérative de Yougoslavie,
— puisqu’ils n’ont pas été commis sur le territoire de la République fédérative de Yougoslavie,
— puisqu’ils n’ont pas été commis sur ordre ou sous le contrôle des organes de la République fédérative de Yougoslavie,
— puisqu’il n’existe aucun autre motif fondé sur les règles de droit international de les considérer comme des actes de la République fédérative de Yougoslavie,
que la Cour rejette en conséquence toutes les demandes du demandeur et que
3. La Bosnie-Herzégovine est responsable des actes de génocide commis contre les Serbes en Bosnie-Herzégovine et d’autres violations des obligations établies par la convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide
— parce qu’elle a incité à la perpétration d’actes de génocide dans la «déclaration islamique» et, en particulier, dans le passage suivant: «Il ne peut y avoir de paix ou de coexistence entre la «foi islamique» et les institutions sociales et politiques «non islamiques»;
— parce qu’elle a incité à la perpétration d’actes de génocide dans la revue Novi Vox destinée à la jeunesse musulmane et, en particulier, dans les paroles d’un «chant patriotique»:
«Chère maman, je m'en vais planter des saules,
Auxquels nous pendrons les Serbes.
Chère maman, je m'en vais aiguiser les couteaux,
Bientôt les fosses seront pleines à nouveau»;
— parce qu’elle a incité à la perpétration d’actes de génocide dans le journal Zmaj od Bosne et, en particulier, dans la phrase suivante tirée d’un article qui y a été publié: «chaque Musulman doit désigner un Serbe et faire serment de le tuer»;
— parce que des appels publics à l’exécution de Serbes ont été diffusés sur Radio-Hajat, ce qui constitue une incitation à commettre des actes de génocide;
— parce que les forces armées de la Bosnie-Herzégovine, de même que des autres organes de la Bosnie-Herzégovine, ont commis des actes de génocide et d’autres actes prohibés par la convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide à l’encontre de Serbes en Bosnie-Herzégovine, actes qui ont été exposés dans le chapitre VII du contre-mémoire;
— parce que la Bosnie-Herzégovine n’a pas empêché la perpétration, sur son territoire, d’actes de génocide et d’autres actes prohibés par la convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide à l’encontre de Serbes, actes qui ont été exposés dans le chapitre VII du contre-mémoire;
4. La Bosnie-Herzégovine a l’obligation de punir les personnes responsables des actes de génocide et d’autres actes prohibés par la convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide.
5. La Bosnie-Herzégovine est tenue de prendre les mesures nécessaires pour que de tels actes ne se reproduisent pas à l’avenir.
6. La Bosnie-Herzégovine est tenue de supprimer toutes les conséquences de la violation des obligations créées par la convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide et de verser une juste indemnité»;
«qu’on ne saurait envisager que la constatation judiciaire d’une violation de la convention commise par un Etat puisse être éventuellement influencée par le fait qu’une seconde viôlation — dont l'Etat en question aurait été la victime — a été perpétrée»;
«la prétendue «demande reconventionnelle» de la Yougoslavie n’en est pas une en réalité [car] par cette demande la Partie adverse ne s’oppose pas à la demande initiale, mais soulève un second différend autonome et relatif à d’autres faits, dont le règlement ne pourrait influencer d’aucune façon la solution du premier différend dont la Cour a été saisie par la Bosnie-Herzégovine»;
«Les faits contestés rapportés dans la demande [principale] et la demande reconventionnelle s’inscrivent les uns et les autres dans le même conflit tragique, à savoir la guerre civile en Bosnie-Herzégovine,... se sont produits sur un même territoire et au cours d’une même période, et... s’insèrent dans le même contexte historique et dans le cadre de la même évolution politique»;
et qu’elle en déduit que tous les faits «invoqués à l’appui de la demande [principale] et de la demande reconventionnelle sont liés entre eux de façon à créer un lien factuel et juridique pertinent en l’espèce»;
«[l]es faits sur lesquels se fonde la demande reconventionnelle et qui sont exposés dans la seconde partie... du contre-mémoire sont d’une importance cruciale pour répondre à la question de l’imputabilité au défendeur des faits allégués par le demandeur»;
et que les faits sur lesquels se fonde la demande reconventionnelle «sont également pertinents pour qualifier les actes que le demandeur a présentés comme des crimes de génocide»;
«certains faits identiques... présentés à la fois à l’appui d’un rejet des allégations du demandeur dont celui-ci estime qu’elles sont pertinentes pour l’imputation des faits allégués au défendeur et à l’appui de la demande reconventionnelle»;
et qu’elle explique en particulier que «les actes d’incitation directe et publique à commettre un génocide à l’encontre des Serbes», pour lesquels elle prie la Cour d'établir la responsabilité de la Bosnie-Herzégovine, servent aussi de moyen de défense contre l’imputation qu’opère la demande principale, dans la mesure où de tels actes «ont fortement influencé l’attitude de la population serbe en Bosnie-Herzégovine» et «sont d’une pertinence toute particulière pour décider si la population serbe a agi sur les ordres des autorités yougoslaves... ou si elle a agi spontanément pour se protéger»;
«[l]es faits évoqués dans la seconde partie... du contre-mémoire à l’appui de la demande reconventionnelle, c'est-à-dire les crimes de génocide commis à l’encontre de la population serbe en Bosnie-Herzégovine, font partie intégrante des circonstances de la situation»
et sont pertinents «pour déterminer les motifs et intentions des individus qui ont commis des crimes à l’encontre des Musulmans»; et qu’elle conclut que ces faits, pour lesquels elle prie la Cour d'établir la responsabilité de la Bosnie-Herzégovine, «permettent de qualifier correctement les faits allégués par le demandeur»;
«s’est référé aux positions doctrinales et à la jurisprudence internationale concernant le lien de connexité directe entre la demande reconventionnelle et l’objet de la demande [principale]..., n’est pas allé jusqu’au bout de l’interprétation du paragraphe 1 de l’article 80 du Règlement telle que faite par la Cour»;
qu’elle expose qu’une «étude attentive de la pratique de la Cour révèle une évolution importante de l’interprétation dudit paragraphe», la Cour s'étant «écartée de [sa] position» originaire selon laquelle «une demande reconventionnelle est en connexité directe avec l’objet de la demande de l’autre partie lorsqu’elle vise à rejeter cette demande ou à obtenir un arrêt sur la responsabilité de l’autre partie»; et qu’elle souligne que la doctrine a au demeurant mis en relief l'«absence de rigidité» qui caractérise le traitement des demandes reconventionnelles;
«Considérant de surcroît que, si le Gouvernement de l'Iran estime que les activités alléguées des Etats-Unis en Iran sont en étroite connexité juridique avec l’objet de la requête des Etats-Unis, il lui est loisible, en vertu du Statut et du Règlement de la Cour, de développer à ce sujet sa propre argumentation devant la Cour, soit comme moyen de défense dans un contre-mémoire, soit par la voie d’une demande reconventionnelle présentée en vertu de l’article 80 du Règlement...» (Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran, mesures conservatoires, ordonnance du 15 décembre 1979, C.I.J. Recueil 1979, p. 15, par. 24);
«45. Considérant que la mesure que sollicite la Yougoslavie serait de nature à protéger des droits que confère la convention sur le génocide et qui relèvent de ce fait de la compétence prima facie de la Cour; que la Cour, sur la base des éléments de preuve et d’information dont elle dispose, doit aussi reconnaître l’existence de certains risques pour les personnes dont la Yougoslavie demande la protection; considérant cependant que la question qui se pose à la Cour est celle de savoir si les circonstances «exigent» l’indication de mesures conservatoires, conformément à l’article 41 du Statut;
46. Considérant que la Cour, ayant indiqué au paragraphe 52 A de son ordonnance du 8 avril 1993 que la Yougoslavie doit prendre toutes les mesures en son pouvoir afin de prévenir le génocide, a indiqué quelles étaient «en particulier» les mesures appropriées à prendre par la Yougoslavie dans les circonstances de l’affaire, où il existait un risque de génocide, non pas sur le territoire yougoslave, mais en Bosnie-Herzégovine; considérant en outre que, comme la Cour l’a observé au paragraphe 45 de son ordonnance du 8 avril 1993, tant la Yougoslavie que la Bosnie-Herzégovine sont tenues de l’incontestable obligation de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour prévenir la commission d’actes de génocide, et que la Cour a indiqué au paragraphe 52 B de ladite ordonnance que tant la Bosnie-Herzégovine que la Yougoslavie doivent ne prendre aucune mesure, et veiller à ce qu’il n’en soit prise aucune, qui soit de nature à aggraver ou étendre le différend existant sur la prévention et la répression du crime de génocide, ou à en rendre la solution plus difficile; que la Cour n’estime pas que les circonstances, telles qu’elles se présentent actuellement à elle, exigent une indication plus spécifique de mesures à l’adresse de la Bosnie-Herzégovine à l’effet de lui rappeler à la fois les obligations qui sont incontestablement les siennes en vertu de la convention sur le génocide et la nécessité de s’abstenir de prendre toute mesure du type envisagé au paragraphe 52 B de l’ordonnance rendue par la Cour le 8 avril 1993» (C.I.J. Recueil 1993, p. 346347);
La Cour,
A) Par treize voix contre une,
Dit que les demandes reconventionnelles présentées par la Yougoslavie dans son contre-mémoire sont recevables comme telles et font partie de l’instance en cours;
pour: M. Schwebel, Président; MM. Oda, Bedjaoui, Guillaume, Herczegh, Shi, Fleischhauer, Koroma, Vereshchetin, Parra-Aranguren, Kooijmans, juges; MM. Lauterpacht, Kreca, juges ad hoc;
contre: M. Weeramantry, Vice-Président;
B) Par treize voix contre une,
Prescrit la présentation d’une réplique de la Bosnie-Herzégovine et d’une duplique de la Yougoslavie portant sur les demandes soumises par les deux Parties et fixe comme suit les dates d’expiration des délais, que les Parties ont acceptées, pour le dépôt de ces pièces de procédure:
Pour la réplique de la Bosnie-Herzégovine, le 23 janvier 1998;
Pour la duplique de la Yougoslavie, le 23 juillet 1998;
pour: M. Schwebel, Président; MM. Oda, Bedjaoui, Guillaume, Herczegh, Shi, Fleischhauer, Koroma, Vereshchetin, Parra-Aranguren, Kooijmans, juges; MM. Lauterpacht, Kreca, juges ad hoc;
contre: M. Weeramantry, Vice-Président;
Réserve la suite de la procédure.
Fait en français et en anglais, le texte français faisant foi, au Palais de la Paix, à La Haye, le dix-sept décembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept, en trois exemplaires, dont l’un restera déposé aux archives de la Cour et les autres seront transmis respectivement au Gouvernement de la Bosnie-Herzégovine et au Gouvernement de la République fédérative de Yougoslavie.
Déjà enregistré ?