Au nom du Gouvernement belge, dans la requête :
« Plaise à la Cour
1° dire et juger que les mesures, actes, décisions et omissions des organes de l’Etat espagnol décrits dans la présente requête sont contraires au droit des gens et que l’Etat espagnol est tenu, à l’égard de la Belgique, de réparer le préjudice qui en est résulté pour les ressortissants belges, personnes physiques et morales, actionnaires de la Barcelona Traction;
2° dire et juger que cette réparation doit, autant que possible, effacer toutes les conséquences que ces actes contraires au droit des gens ont eues pour lesdits ressortissants et que l’Etat espagnol est tenu, dès lors, d’assurer, si possible, l’annulation du jugement de faillite et des actes judiciaires et autres qui en ont découlé, en assurant aux ressortissants belges lésés tous les effets juridiques devant résulter pour eux de cette annulation ; déterminer, en outre, l’indemnité à verser par l’Etat espagnol à l’Etat belge à raison de tous les préjudices accessoires subis par les ressortissants belges par suite des actes incriminés, en ce compris la privation de jouissance et les frais exposés pour la défense de leurs droits ;
3° dire et juger, au cas où l’effacement des conséquences des actes incriminés se révélerait impossible, que l’Etat espagnol sera tenu de verser à l’Etat belge, à titre d’indemnité, une somme équivalant à 88% de la valeur nette de l’affaire au 12 février 1948; cette indemnité devant être augmentée d’une somme correspondant à tous les préjudices accessoires subis par les ressortissants belges par suite des actes incriminés, en ce compris la privation de jouissance et les frais exposés pour la défense de leurs droits » ;
dans le mémoire :
« Plaise à la Cour
I. dire et juger que les mesures, actes, décisions et omissions des organes de l’Etat espagnol décrits dans le présent mémoire sont contraires au droit des gens et que l’Etat espagnol est tenu, à l’égard de la Belgique, de réparer le préjudice qui en est résulté pour les ressortissants belges, personnes physiques et morales, actionnaires de la Barcelona Traction ;
II. dire et juger que cette réparation doit, autant que possible, effacer toutes les conséquences que ces actes contraires au droit des gens ont eues pour lesdits ressortissants et que l’Etat espagnol est tenu, dès lors, si possible, d’assurer par voie administrative l’annulation du jugement de faillite et des actes judiciaires et autres qui en ont découlé, en assurant auxdits ressortissants belges lésés tous les effets juridiques devant résulter pour eux de cette annulation; déterminer, en outre, l’indemnité à verser par l’Etat espagnol à l’Etat belge à raison de tous les préjudices accessoires subis par les ressortissants belges par suite des actes incriminés, en ce compris la privation de jouissance et les frais exposés pour la défense de leurs droits;
III. dire et juger, au cas où l’effacement des conséquences des actes incriminés se révélerait impossible, que l’Etat espagnol sera tenu de verser à l’Etat belge, à titre d’indemnité, une somme équivalant à 88% du montant de 88 600 000 dollars fixé au paragraphe 379 du présent mémoire, cette indemnité devant être augmentée d’une somme correspondant à tous les préjudices accessoires subis par lesdits ressortissants belges par suite des actes incriminés, en ce compris la privation de jouissance, les frais exposés pour la défen§e de leurs droits et l’équivalent en capital et intérêts du montant des obligations de la Barcelona Traction détenues par des ressortissants belges et de leurs autres créances à charge des sociétés du groupe, dont le recouvrement n’a pu avoir lieu par suite des actes dénoncés » ;
dans la réplique :
«Plaise à la Cour, rejetant toutes autres conclusions plus amples ou contraires de l’Etat espagnol,
dire et juger
1°) que la requête présentée par le Gouvernement belge est recevable;
2°) que l’Etat espagnol est responsable du préjudice subi par l’Etat belge dans la personne de ses ressortissants, actionnaires de la Barcelona Traction, du fait des actes contraires au droit international commis par ses organes et qui ont conduit au dépouillement total du groupe de la Barcelona Traction;
3°) que l’Etat espagnol est tenu d’assurer la réparation dudit préjudice;
4°) que ce préjudice peut être évalué à 78 millions de dollars des Etats-Unis représentant 88% de la valeur nette, au 12 février 1948, des avoirs dont le groupe Barcelona Traction a été dépouillé;
5°) que l’Etat espagnol est, en outre, tenu de payer, à titre forfaitaire et pour couvrir la perte de jouissance, un intérêt compensatoire au taux de 6% sur le susdit montant de 78 millions de dollars, et ce depuis le 12 février 1948 jusqu’à la date de l’arrêt;
6°) que l’Etat espagnol doit, en outre, payer une somme évaluée provisoirement à 3 800 000 dollars des Etats-Unis, destinée à couvrir les frais exposés par les ressortissants belges pour la défense de leurs droits depuis le 12 février 1948;
7°) que l’Etat espagnol sera redevable aussi d’une somme de 433 821 livres sterling représentant le montant, en principal et intérêts, au 4 janvier 1952, des obligations en livres de la Barcelona Traction détenues par lesdits ressortissants, ainsi que d’une somme de 1 623 127 dollars des Etats-Unis représentant la créance d’un desdits ressortissants à l’égard d’une société filiale de la Barcelona Traction, en ce compris une indemnité forfaitaire pour manque à gagner résultant de la résiliation prématurée d’une convention ;
qu’il sera dû sur ces sommes un intérêt de 6% l’an calculé depuis le 4 janvier 1952 en ce qui concerne le montant de 433 821 livres et depuis le 12 février 1948 en ce qui concerne le montant de 1 623 127 dollars et ce jusqu’à la date de l’arrêt;
8°) que l’Etat espagnol est également redevable des intérêts moratoires, déterminés par référence au taux généralement usité, sur le montant des indemnités, à compter de la décision de la Cour fixant celles-ci et jusqu’à la date du paiement ;
9°) subsidiairement aux 4°) à 6°) ci-dessus, que le montant de l’indemnité revenant à l’Etat belge sera établi par voie d’une expertise à ordonner par la Cour; donner acte au Gouvernement belge qu’il se réserve de présenter en prosécution de cause telles observations que de conseil concernant l’objet et les modalités de cette mesure d’instruction;
10°) et au cas où la Cour estimérait ne pouvoir, sans expertise, se prononcer sur le montant final de l’indemnité revenant à l’Etat belge, prendre en considération l’ampleur considérable du préjudice causé, et accorder, dès à présent, à valoir sur l’indemnité à déterminer après expertise, une indemnité provisionnelle, dont le montant est laissé à l’appréciation de la Cour. »
Au nom du Gouvernement espagnol, dans le contre-mémoire :
« Plaise à la Cour dire et juger
I. que la demande belge qui, tout au long de la correspondance diplomatique et dans la première requête introduite devant la Cour, a toujours été une demande formulée en vue de la protection de la société Barcelona Traction, n’a pas changé de nature dans la deuxième requête, quelles que soient les modifications apparentes qu’on y a apportées ;
que même si la demande belge avait véritablement pour objet, non pas la société Barcelona Traction mais ceux que le Gouvernement belge qualifie tantôt d’«actionnaires belges», tantôt d’«intérêts belges» dans cette société et le préjudice prétendument subi par ces « actionnaires » ou par ces « intérêts », il n’en resterait pas moins que le Gouvernement belge n’a valablement prouvé ni que les titres de la société en question aient appartenu aux dates critiques à des « actionnaires belges », ni non plus, d’ailleurs, qu’il y ait finalement, dans l’affaire soumise à la Cour, une présence prépondérante d’« intérêts belges » réels;
que même si la demande belge avait effectivement pour bénéficiaires de prétendus « actionnaires » de Barcelona Traction qui seraient « belges », ou encore de prétendus « intérêts belges » réels ayant le volume qu’on voudrait leur prêter, les principes généraux du droit international régissant la matière, confirmés par une pratique sans exceptions, n’admettent pas que l’Etat national d’actionnaires ou d’« intérêts », quels que soient leur nombre ou leur importance, puisse présenter en faveur de ces derniers une réclamation dans laquelle il ferait valoir un préjudice prétendument illicite subi par la société, qui a la nationalité d’un Etat tiers ;
que, dès lors, le Gouvernement belge n’a pas qualité pour agir en la présente affaire;
II. qu’une règle de droit international général, confirmée dans la jurisprudence tout comme dans la doctrine et reprise par l’article 3 du traité hispano-belge de conciliation, de règlement judiciaire et d’arbitrage du 19 juillet 1927, exige que les particuliers prétendument lésés par une mesure contraire au droit international aient utilisé et épuisé les voies et moyens de recours offerts par l’ordre juridique interne avant que la protection diplomatique et surtout judiciaire puisse être exercée en leur faveur;
que l’applicabilité de cette règle à la présente affaire n’est pas contestée et qu’il n’a pas été satisfait à la condition préalable posée par elle;
III. que les procédés organiques de financement de l’entreprise de Barcelona Traction, tels qu’ils ont été conçus dès sa création et appliqués constamment par la suite, ont placé celle-ci dans un état permanent de faillite latente, et que la structure constitutionnelle du groupe et les relations entre ses membres ont été utilisées pour être l’instrument d’atteintes multiples et incessantes aussi bien aux intérêts des créanciers qu’à l’économie et à la loi de l’Espagne, pays dans lequel l’entreprise devait réaliser toutes ses affaires;
que ces mêmes faits ont entraîné, de la part de l’entreprise, une attitude vis-à-vis des autorités espagnoles qui ne pouvait provoquer qu’un refus pleinement justifié de donner suite aux demandes de devises adressées au Gouvernement espagnol;
que la déclaration de faillite du 12 février 1948, aboutissement naturel des procédés de l’entreprise, et la procédure de faillite qui a suivi, ont été en tout conformes aux dispositions de la loi espagnole en la matière, et qu’au surplus ces dispositions sont comparables à celles d’autres législations et notamment à la législation belge elle-même ;
que le grief d’usurpation de compétence n’est pas fondé lorsque la faillite d’une société étrangère est rattachée d’une façon quelconque à la compétence territoriale de l’Etat et qu’il en est certainement ainsi dans le cas d’espèce;
que l’on ne saurait faire grief aux autorités judiciaires espagnoles d’un ni de plusieurs dénis de justice au sens propre de ce terme, l’accès aux tribunaux espagnols n’ayant jamais été refusé à Barcelona Traction et les décisions judiciaires statuant sur ses demandes et ses recours n’ayant pas subi de retards injustifiés ou déraisonnables; et qu’on ne peut pas non plus déceler dans l’activité des autorités espagnoles les éléments d’une violation du droit international autre qu’un déni de justice;
que la demande de réparation, dont le Gouvernement espagnol conteste le principe même, constitue, au surplus, eu égard aux conditions de l’affaire, un exercice abusif du droit de protection diplomatique à propos duquel le Gouvernement espagnol ne renonce à aucun de ses droits éventuels ;
IV. que, partant, la demande belge est rejetée comme irrecevable ou à défaut comme non fondée » ;
dans la duplique:
« Plaise à la Cour dire et juger
que la demande du Gouvernement belge est déclarée irrecevable ou à défaut non fondée. »
Au cours de la procédure orale, le texte suivant a été présenté à titre de conclusions finales
au nom du Gouvernement belge,
après l’audience du 9 juillet 1969:
« 1. Attendu que la Cour a constaté à la page 9 de son arrêt du 24 juillet 1964 que « la requête du Gouvernement belge du 19 juin 1962 a pour objet la réparation du préjudice qui aurait été causé à un certain nombre de ressortissants belges présentés comme actionnaires de la société de droit canadien Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited, par le comportement, prétendu contraire au droit des gens, de divers organes de l’Etat espagnol à l’égard de cette société et d’autres sociétés de son groupe » ;
que c’est donc manifestement à tort que le Gouvernement espagnol, dans les conclusions jointes au contre-mémoire et dans les plaidoiries de ses conseils, s’obstine à soutenir que la demande belge a pour objet la protection de la société Barcelona Traction ;
2. Que la Barcelona Traction a été déclarée en faillite par jugement du tribunal de Reus, en Espagne, le 12 février 1948;
3. Que cette société holding avait à cette date une situation financière parfaitement saine, comme l’avaient ses filiales, sociétés canadiennes ou espagnoles ayant leurs activités en Espagne;
4. Que, toutefois, la guerre civile d’Espagne et la deuxième guerre mondiale avaient fait obstacle, de 1936 à 1944, à ce que la Barcelona Traction pût recevoir, de ses filiales exploitant en Espagne, les devises nécessaires au service des emprunts en livres sterling émis par elle en vue du financement des investissements du groupe en Espagne ;
5. Que pour remédier à cette situation, les dirigeants de la Barcelona Traction convinrent en 1945 avec les obligataires, en dépit de l’opposition du groupe March, d’un plan d’arrangement qui fut approuvé par le trustée et ratifié par le tribunal canadien compétent ; que son exécution fut rendue impossible par suite de l’opposition des autorités espagnoles du change, bien que le mode de financement finalement proposé ne comportât plus, pour l’économie espagnole, de sacrifice quelconque de devises ;
6. Que prenant prétexte de cette situation, le groupe March, qui avait dans l’intervalle procédé à de nouveaux achats d’obligations en quantités considérables, demanda et obtint le jugement prononçant la faillite de la Barcelona Traction;
7. Que la procédure de faillite fut conduite de manière à aboutir à l’adjudication au groupe March, qui eut lieu effectivement le 4 janvier 1952, de tous les actifs de la société faillie, d’une valeur très supérieure à son passif, moyennant prise en charge par l’adjudicataire lui-même du seul passif obligatoire, que, par de nouveaux achats, il avait concentré entre ses mains à concurrence d’environ 85%, tandis que le prix en espèces versé aux syndics, soit dix millions de pesetas — environ 250 000 dollars —‚ insuffisant pour couvrir les frais de la faillite, ne leur permit de rien remettre ni à la société faillie, ni à ses actionnaires, ni même de payer ses créanciers chirographaires ;
8. Attendu que les accusations de fraude formulées par le Gouvernement espagnol contre la société Barcelona Traction et l’allégation suivant laquelle cette société se serait trouvée en état permanent de faillite latente sont dénuées de toute pertinence en la cause et, au surplus, entièrement mal fondées ;
9. Attendu que les actes et omissions qui engagent la responsabilité du Gouvernement espagnol sont imputés par le Gouvernement belge, d’une part, à certaines autorités administratives, d’autre part, à certaines autorités judiciaires ;
Que l’examen d’ensemble de ces actes et omissions fait apparaître qu’indépendamment de leurs vices propres, ils ont convergé vers un résultat commun, qui fut le détournement de la procédure de faillite de ses fins légales vers le transfert forcé et sans indemnité des entreprises du groupe de la Barcelona Traction au profit d’un groupe privé espagnol, le groupe March;
I
Abus de droit, attitude arbitraire et discriminatoire de certaines AUTORITÉS ADMINISTRATIVES
Considérant que les autorités administratives espagnoles se sont comportées envers la Barcelona Traction et ses actionnaires d’une manière abusive, arbitraire et discriminatoire, en ce que, dans le but de faciliter le transfert du contrôle des biens du groupe de la Barcelona Traction de mains belges aux mains d’un groupe privé espagnol, elles ont notamment :
a) fait échouer, en octobre et en décembre 1946, l’exécution de la troisième modalité de financement du plan d’arrangement, en refusant d’autoriser Ebro, société canadienne ayant une résidence en Espagne, à payer en monnaie nationale 64 000 000 de pesetas à des résidents espagnols pour le compte de la Barcelona Traction, société non résidente, afin que celle-ci remboursât ses obligations en pesetas circulant en Espagne, et ce, bien que l’autorisation d’effectuer le paiement des intérêts de ces mêmes obligations n’ait pas cessé d’être accordé périodiquement à Ebro jusqu’à la faillite;
b) en revanche, admis que Juan March, citoyen espagnol résidant notoirement en Espagne, achetât à l’étranger des obligations en livres sterling de la Barcelona Traction en quantités considérables ;
c) fait un usage abusif d’une enquête internationale, à l’écart de laquelle le Gouvernement belge fut tenu, en altérant gravement le sens des conclusions de la commission d’experts à laquelle elles attribuèrent la constatation d’irrégularités de tous genres de nature à entraîner pour le groupe de la Barcelona Traction des sanctions rigoureuses, ce qui permit aux syndics, à l’instigation de March, de provoquer la vente prématurée et à vil prix des avoirs du groupe de la Barcelona Traction et leur achat par le groupe March grâce à l’octroi de toutes les autorisations de change nécessaires ;
II
Usurpation de compétence
Considérant que les tribunaux espagnols, en acceptant de connaître de la faillite de la Barcelona Traction, société de statut canadien ayant son siège social à Toronto, n’ayant en Espagne ni siège social ni établissement commercial, n’y possédant aucun bien et n’y exerçant aucune activité, ont usurpé un pouvoir de juridiction qui ne leur appartenait pas selon le droit international ;
Considérant que la limite territoriale des actes de souveraineté a été d’autre part manifestement méconnue par les mesures d’exécution prises à l’égard de biens situés hors du territoire espagnol sans le concours des autorités étrangères compétentes ;
Qu’en effet, les organes de la faillite se virent conférer, par l’artifice de la possession médiate et civilissime, la faculté d’exercer en Espagne les droits afférents aux actions se trouvant au Canada de plusieurs sociétés filiales et sous-filiales, dont ils se réclamèrent, avec l’approbation des autorités judiciaires espagnoles, pour remplacer les administrateurs de ces sociétés, modifier leurs statuts, annuler les actions régulièrement émises par elles et les remplacer par d’autres qu’ils firent imprimer en Espagne et qu’ils livrèrent à Fecsa lors de la vente dés biens de la société faillie, sans qu’aucun effort fût tenté pour obtenir de façon régulière la possession des vrais titres;
Que cette méconnaissance est d’autant plus flagrante que trois des filiales étaient des sociétés de droit canadien ayant leur siège social au Canada et que les organes de la faillite prétendirent, avec l’approbation des autorités judiciaires espagnoles, transformer deux d’entre elles en sociétés de droit espagnol, alors que pareil changement n’est pas admis par le droit régissant le statut de ces sociétés;
III
Dénis de justice lato sensu
Considérant qu’un grand nombre de décisions des tribunaux espagnols sont entachées d’erreur grossière et manifeste dans l’application du droit espagnol, d’arbitraire ou de discrimination, constituant au regard du droit international des dénis de justice lato sensu;
Que notamment :
1) Les tribunaux espagnols ont accepté de connaître de la faillite de la Barcelona Traction en violation flagrante des dispositions applicables du droit espagnol, qui ne permettent pas de déclarer la faillite d’un débiteur étranger lorsque ce débiteur ne possède en territoire espagnol ni son domicile ni tout au moins un établissement ;
2) Ces mêmes tribunaux ont déclaré la faillite de la Barcelona Traction alors que celle-ci n’était pas en état d’insolvabilité, qu’elle n’était pas non plus en état de cessation de paiements définitif, général et complet, et qu’elle n’avait pas cessé ses paiements en Espagne; qu’il y avait là une violation manifeste des dispositions légales applicables du droit espagnol, et en particulier de l’article 876 du code de commerce de 1885;
3) Le jugement du 12 février 1948 a omis d’ordonner la publication de la faillite par annonce dans la localité du domicile du failli, ce qui constitue une violation flagrante de l’article 1044, 5°, du code de commerce de 1829;
4) Les décisions qui refusèrent de respecter le patrimoine distinct des sociétés filiales et sous-filiales de la Barcelona Traction, en étendant à leurs biens la saisie résultant de la faillite de la société mère et en méconnaissant ainsi la personnalité juridique propre des sociétés filiales et sous-filiales, pour l’unique motif que toutes leurs actions appartiendraient à la Barcelona Traction ou à l’une de ses filiales, ne reposent sur aucune base légale en droit espagnol, sont purement arbitraires et comportent en toute hypothèse une violation flagrante de l’article 35 du code civil, des articles 116 et 174 du code de commerce de 1885 (pour ce qui concerne les sociétés de droit espagnol) et de l’article 15 de ce même code (pour ce qui concerne les sociétés de droit canadien), ainsi que de l’article 1334 de la loi de procédure civile;
Si le patrimoine des fiiliales et des sous-filiales avait pu être englobé dans celui de la Barcelona Traction — quod non — ‚ il eût fallu appliquer à cette société le régime spécial institué pour le cas de cessation de paiements de sociétés de service public par les dispositions impératives des articles 930 et suivants du code de commerce de 1885, ainsi que par les lois des 9 avril 1904 et 2 janvier 1915, ce qui ne fut pas fait;
5) Les décisions judiciaires qui ont conféré aux organes de la faillite la possession fictive (sous la qualification de «possession médiate et civilissime ») des titres de certaines sociétés filiales et sous-filiales, ne reposent sur aucune base légale dans le droit espagnol de la faillite et sont purement arbitraires ; elles comportent en outre une violation flagrante non seulement du principe général reconnu par le droit espagnol comme par la plupart des autres droits, selon lequel nul ne peut exercer les droits incorporés dans des titres négociables sans avoir la disposition des titres eux-mêmes, mais aussi des articles 1334 et 1351 de la loi de procédure civile, ainsi que de l’article 1046 du code de commerce de 1829, qui exigent que les organes de la faillite procèdent à l’appréhension matérielle des biens du failli;
6) L’octroi au commissaire, par le jugement déclaratif de faillite, du pouvoir de procéder à la révocation, à la destitution et à la nomination des membres du personnel, employés et gérants, des sociétés dont toutes les actions appartenaient à la Barcelona Traction ou à l’une de ses filiales, ne repose sur aucune bases légale en droit espagnol et constitue une violation grossière des dispositions légales mentionnées sub 4), premier alinéa, ci-dessus, et, en outre, de l’article 1045 du code de commerce de 1829;
7) Les tribunaux espagnols ont approuvé ou toléré que les syndics se constituent en prétendue assemblée générale de deux sociétés filiales de droit canadien, et qu’à ce titre ils les transforment en sociétés de droit espagnol, méconnaissant ainsi gravement la règle consacrée par l’article 15 du code de commerce de 1885 selon laquelle le statut et le fonctionnement interne des sociétés étrangères sont régis en Espagne par la loi de leur constitution ;
8) Les tribunaux espagnols ont approuvé ou toléré que les syndics se constituent en prétendues assemblées générales et qu’à ce titre ils modifient les statuts des sociétés Ebro, Catalonian Land, Union Eléctrica de Cataluña, Electricista Catalana, Barcelonesa et Saltos del Segre, annulent leurs titres et émettent des titres nouveaux; ils ont ainsi manifestement violé tant l’article 15 du code de commerce de 1885 (à l’égard des deux sociétés de droit canadien) que les articles 547 et suivants du même code, lesquels ne permettent l’émission de duplicata que dans les conditions qu’ils déterminent; ils ont également gravement méconnu les clauses des Trust Deeds relatives au droit de vote, au mépris flagrant de la règle non contestée du droit espagnol selon laquelle les actes accomplis et les conventions conclues valablement par le failli avant la date de cessation de paiements telle qu’elle résulte des décisions judiciaires conservent leurs effets et leur force obligatoire à l’égard des organes de la faillite (articles 878 et suivants du code de commerce de 1885);
9) Les tribunaux espagnols ont décidé à la fois de ne pas avoir égard à la personnalité juridique distincte des sociétés filiales et sous-filiales (pour justifier la saisie de leurs biens en Espagne et leur inclusion dans la masse) et de reconnaître cette même personnalité de manière implicite mais certaine par l’attribution de la possession fictive de leurs titres aux organes de la faillite, rendant ainsi des décisions entachées d’une contradiction interne évidente, révélatrice de leur caractère arbitraire et discriminatoire;
10) L’assemblée générale des créanciers du 19 septembre 1949 appelée à nommer les syndics s’est tenue, avec l’approbation des autorités judiciaires espagnoles, en violation flagrante des articles 300 et 1342 de la loi de procédure civile, 1044, 3°, 1060, 1061 et 1063 du code de commerce de 1829, en ce que: a) elle n’a pas été convoquée au vu de la liste des créanciers; b) quand cette liste a été établie, elle ne l’a pas été d’après ce qui résulte du bilan ou des livres et documents de la société faillie, ces livres et documents n’étant pas, de l’aveu du Gouvernement espagnol lui-même, en possession du commissaire à la date du 8 octobre 1949 et les autorités judiciaires n’ayant envoyé, à aucun moment, une commission rogatoire à Toronto (Canada) pour qu’ils soient mis à la disposition dudit commissaire;
11) En autorisant la vente des biens de la société faillie alors que la déclaration de faillite n’avait pas acquis un caractère irrévocable et que la procédure était suspendue, les tribunaux espagnols ont violé, de manière flagrante, tant les articles 919, 1167, 1319 et 1331 de la loi de procédure civile que les principes généraux du droit de la défense;
Dans la mesure où cette autorisation se fondait sur le caractère prétendument périssable des biens à vendre, elle méconnaissait gravement l’article 1055 du code de commerce de 1829 et l’article 1354 de la loi de procédure civile, qui permettent seulement de vendre des biens meubles qui ne pourraient se conserver sans se détériorer ou se corrompre ; qu’à supposer même — quod non — que ces dispositions pussent être appliquées globalement aux biens de la Barcelona Traction, de ses filiales et de ses souS-filiales, encore auraient-elles été violées de manière flagrante et grossière, l’ensemble de ces biens n’étant manifestement pas menacé d’un péril imminent de grave dépréciation; qu’en effet, les seuls périls invoqués par les syndics, à savoir ceux résultant des menaces de poursuites contenues dans la déclaration conjointe, ne s’étaient concrétisées, ni au jour de la demande d’autorisation de la vente, ni au jour de la vente, par aucune procédure ou réclamation des autorités compétentes et ne se réalisèrent jamais, sinon dans une mesure insignifiante;
La seule sanction que les entreprises eurent finalement à supporter quinze mois après la vente fut celle relative au délit monétaire, qui avait donné lieu dès avril 1948 à un embargo pour un montant très supérieur;
12) L’autorisation de vendre et la vente, en tant qu’elles portaient sur les actions des sociétés filiales et sous-filiales sans livraison des titres, constituaient une violation flagrante des articles 1461 et 1462 du code civil espagnol, lesquels exigent la livraison de la chose vendue, étant donné que les titres remis à l’adjudicataire n’avaient pas été émis régulièrement et étaient donc sans valeur légale; si l’autorisation de vendre et la vente avaient porté, comme le soutient à tort le gouvernement défendeur, sur les droits afférents aux actions, et obligations ou sur le pouvoir de domination de la société faillie sur ses filiales, ces droits eussent dû être évalués contradictoirement, à peine de violer de manière flagrante les articles 1084 à 1089 du code de commerce de 1829 et l’article 1358 de la loi de procédure civile; en tout état de cause, c’est en violation flagrante des dernières dispositions citées que le commissaire a fixé un prix minimum exagérément bas en se fondant sur une expertise unilatérale, ce qui, par l’effet du cahier des charges, permit au groupe March d’acquérir pour ce prix minimum les biens mis en vente;
13) En approuvant, le jour même où il leur fut soumis, le cahier des charges de la vente, puis en rejetant les recours introduits à son sujet, les autorités judiciaires ont commis une violation flagrante de nombreuses dispositions d’ordre public du droit espagnol; ainsi, notamment, le cahier des charges:
a) prévoyait le paiement des créanciers obligataires, opération comprise, en vertu de l’article 1322 de la loi de procédure civile, dans la quatrième section de la faillite, alors que ladite section était tenue en suspens par l’effet reconnu au déclinatoire Boter et qu’aucune exemption à la suspension n’avait été demandée ni obtenue par application de l’article 114, alinéa 2, de la loi de procédure civile;
b) prévoyait le paiement des créances obligataires avant qu’elles aient été vérifiées et colloquées par l’assemblée générale des créanciers sur avis des syndics, contrairement aux articles 1101 à 1109 du code de commerce de 1829 et aux articles 1266 à 1274, 1286 et 1378 de la loi de procédure civile;
c) n’imposait, au mépris des articles 1236, 1240, 1512 et 1513 de la loi de procédure civile, aucune consignation ou mise en dépôt du prix à la disposition du tribunal ;
d) donnait aux syndics le pouvoir de reconnaître, déterminer et déclarer effectifs les droits des obligations, au mépris, d’une part, des articles 1101 à 1109 du code de commerce de 1829 et des articles 1266 à 1274 de la loi de procédure civile qui réservent ces droits à l’assemblée générale des créanciers sous le contrôle du juge, et, d’autre part, des articles 1445 et 1449 du code civil qui prescrivent que le prix de la vente doit être certain et ne peut être laissé à l’arbitraire d’une des parties contractantes ;
e) substituait, au mépris des articles 1291 à 1294 de la loi de procédure civile, l’adjudicataire aux syndics pour le paiement des créances obligataires, tandis qu’en violation des principes généraux relatifs à la novation, il remplaçait la sûreté de ces créances, constituée en vertu des Trust Deeds par des actions et obligations émises par les sociétés filiales et sous-filiales, par le dépôt en banque d’une certaine somme, ou par une simple garantie bancaire limitée à trois ans ;
f) déléguait à un tiers la fonction de payer certaines créances, au mépris des articles 1291 et 1292 de la loi de procédure civile qui déterminent la fonction des syndics dans ce domaine et ne permettent aucune délégation;
g) ordonnait le paiement des créances obligataires en livres sterling, alors que l’exécution forcée ne peut avoir lieu qu’en monnaie nationale et qu’en cas de faillite les diverses opérations qu’elles comportent impliquent la conversion des créances en monnaie nationale au jour du jugement déclaratif de faillite, ainsi qu’il se déduit des articles 883 et 884 du code de commerce de 1885;
IV
Dénis de justice stricto sensu
Considérant qu’au cours de la procédure de faillite les droits de la défense furent gravement méconnus ; que notamment :
a) le tribunal de Reus, en prononçant sur simple requête la faillite de la Barcelona Traction, inséra dans son jugement des dispositions qui dépassaient de loin la constatation de la prétendue insolvabilité ou cessation générale de paiements de la société faillie, seule constatation, en plus de celle de la qualité des requérants, qui lui fût permise dans une telle procédure ;
Cette méconnaissance des droits de la défense fut particulièrement flagrante à l’égard des sociétés auxiliaires, dont le tribunal ordonnait de saisir les biens sans qu’elles eussent été assignées et sans qu’elles fussent déclarées en faillite;
b) les sociétés auxiliaires ainsi directement atteintes par le jugement du 12 février 1948 virent néanmoins rejeter comme non recevables pour défaut de qualité les recours qu’elles introduisirent pour faire rapporter l’ordre de saisie les concernant ;
c) la poursuite de ces mêmes recours et l’introduction de tous autres furent également rendues impossibles aux sociétés auxiliaires par les désistements auxquels procédèrent chaque fois les avoués, nommés en remplacement des avoués originaires par les nouveaux conseils d’administration directement ou indirectement mis en cause; ces changements d’avoués et désistements furent effectués par les nouveaux conseils d’administration en vertu d’un mandat qui leur fut donné par le séquestre provisoire au moment même de leur désignation ;
d) les recours des dirigeants des sociétés auxiliaires révoqués par le commissaire furent de même déclarés non recevables par le tribunal de Reus lorsqu’ils voulurent faire usage de la disposition spécifique de l’article 1363 de la loi de procédure civile, ouvrant un recours en réformation des décisions prises par les commissaires de faillite;
e) il y eut discrimination de la part du premier juge spécial lorsqu’il refusa d’admettre comme partie à la faillite la société canadienne National Trust Company, Limited, trustée des deux emprunts de la société faillie libellés en livres sterling, et ce bien qu’elle se réclamât de la garantie hypothécaire qui lui avait été donnée par Ebro, alors qu’à la même époque il admettait à la procédure le comité des obligataires désigné par Juan March, bien que National Trust et le comité tinssent leurs pouvoirs des mêmes Trust Deeds-,
f) les griefs contre le cahier des charges ne purent être ni développés ni débattus, parce que l’ordonnance qui avait approuvé le cahier des charges fut considérée comme de simple routine;
Considérant que de nombreuses années s’écoulèrent après le jugement de faillite et même après la vente ruineuse des avoirs du groupe de la Barcelona Traction, sans que ni la société faillie ni les coïntéressés aient eu la possibilité de se faire entendre sur les nombreux grief formulés contre le jugement de faillite et les décisions connexes dans l’opposition du 18 juin 1948 et dans divers autres recours;
Que ces retards furent causés par le déclinatoire de juridiction frauduleusement introduit par un comparse des requérants à la faillite et par des incidents émanant d’autres hommes de paille du groupe March, lesquels furent, comme le déclinatoire, constamment accueillis par les diverses juridictions;
Que tant le droit international général que le traité hispano-belge de 1927 assimilent de tels retards à un refus d’audience;
Considérant que l’injustice manifeste résultant de l’acheminement de la procédure vers la vente tandis que les recours relatifs à la régularité du jugement de faillite et même à la compétence juridictionnelle des tribunaux espagnols demeuraient suspendus, fut réalisée par les deux arrêts rendus par la même chambre de la cour d’appel de Barcelone le même jour, 7 juin 1949; que dans l’un elle confirma l’admission à deux effets de l’appel par Boter du jugement du juge spécial qui avait rejeté son déclinatoire; que dans l’autre elle réduisit l’effet suspensif accordé à ce même appel en distrayant de la suspension la convocation de l’assemblée générale des créanciers en vue de la nomination des syndics ;
V
Préjudice et réparation
Considérant que les actes et omissions contraires au droit international imputés aux organes de l’Etat espagnol ont eu pour effet de dépouiller la société Barcelona Traction de la totalité de son patrimoine et de lui enlever l’objet même de son activité; qu’ils l’ont ainsi pratiquement détruite;
Que les ressortissants belges, personnes physiques et morales, actionnaires de la Barcelona Traction, dans laquelle ils occupaient une position majoritaire et dirigeante, et notamment la société Sidro, propriétaire de plus de 75% du capital social, ont subi de ce fait une atteinte directe et immédiate à leurs intérêts et à leurs droits, qui se sont trouvés vidés de toute valeur et de toute efficacité;
Que la réparation due à l’Etat belge par l’Etat espagnol, à la suite des actes internationalement illicites dont ce dernier Etat est responsable, doit être complète et se calquer autant que possible sur le dommage souffert par les ressortissants pour lesquels l’Etat belge a pris fait et cause; que, la restitutio in integrum étant, dans les circonstances de la cause, pratiquement et juridiquement impossible, la réparation du dommage souffert ne peut avoir lieu que sous la forme d’une indemnité pécuniaire globale, conformément aux dispositions du traité hispano-belge de 1927 et aux règles du droit international général ;
Considérant qu’en l’espèce le montant de l’indemnité doit être fixé en prenant comme base la valeur nette du patrimoine de la société Barcelona Traction au moment de sa mise en faillite, exprimée en monnaie demeurée stable, à savoir le dollar américain ;
Que la valeur de ce patrimoine peut être déterminée par le coût de remplacement des installations de production et de distribution d’électricité au 12 février 1948 des sociétés filiales et sous-filiales tel que ce coût a été calculé par les ingénieurs de la société Ebro en 1946;
Que d’après ces calculs, et après déduction de la dépréciation due à l’usure du matériel, la valeur des installations était à cette date de 116 220 000 dollars E.U.; il y a lieu de diminuer ce montant de celui de la dette obligataire de la Barcelona Traction en principal et intérêts échus, soit 27 619 018 dollars E.U., ce qui laisse une valeur nette d’environ 88 600 000 dollars E.U.; que ce résultat est confirmé:
1) par l’étude adressée le 5 février 1949 au nom de l’Ebro à la délégation technique spéciale pour la régulation et la distribution d’énergie électrique (zone de Catalogne) (document nouveau belge n° 50) ;
2) par la capitalisation des bénéfices réalisés au cours de l’année 1947;
3) par le bénéfice réalisé par Fecsa en 1956 — première année depuis 1948 où la situation des entreprises d’électricité s’est trouvée pleinement stabilisée et dernière année avant que les transformations apportées par Fecsa à l’entreprise ne fissent obstacle à toute comparaison utile;
4) par les travaux des experts consultés par le Gouvernement belge;
Que l’indemnité due au Gouvernement belge doit être estimée, en principal, au pourcentage de cette valeur nette correspondant à la participation des ressortissants belges dans le capital de la société Barcelona Traction, soit 88%.
Qu’en effet, aux dates critiques du jugement de faillite et de l’introduction de la requête, le capital de la Barcelona Traction était représenté par 1 798 854 actions, en partie au porteur et en partie nominatives ; que le 12 février 1948 la Sidro possédait 1 012 688 actions nominatives et 349 905 actions au porteur; que d’autres ressortissants belges possédaient 420 actions nominatives et au moins 244 832 actions au porteur; que 1 607 845 actions se trouvaient donc à cette date en mains belges, soit 89,3% du capital de la société, et que le 14 juin 1962 la Sidro possédait 1 354 514 actions nominatives et 31 228 actions au porteur; que d’autres ressortissants belges possédaient 2388 actions nominatives et au moins 200 000 actions au porteur; que 1 588 130 actions se trouvaient donc à cette date en mains belges, soit 88% du capital de la société;
Que l’indemnité demandée doit couvrir, en outre, tous les préjudices accessoires subis par lesdits ressortissants belges par suite des actes incriminés, en ce compris la privation de jouissance, les frais exposés pour la défense de leurs droits et l’équivalent, en capital et intérêt, du montant des obligations Barcelona Traction détenues par des ressortissants belges, ainsi que de leurs autres créances à charge des sociétés du groupe, dont le recouvrement n’a pu avoir lieu par suite des actes dénoncés ;
Que le montant de ces indemnités, dues à l’Etat belge du fait d’actes contraires au droit international imputables à l’Etat espagnol, ne peut être affecté par de prétendus griefs de ce dernier contre les personnes privées en cause, ces griefs n’ayant au surplus pas fait l’objet d’une demande reconventionnelle devant la Cour ;
VI
Exception tirée du prétendu défaut de qualité du Gouvernement belge pour agir
Considérant que dans son arrêt du 24 juillet 1964 la Cour a décidé de joindre au fond la troisième exception préliminaire présentée par le Gouvernement espagnol ;
Que le Gouvernement défendeur dénie à tort au Gouvernement belge qualité pour agir en la présente instance ;
Que la requête du Gouvernement belge du 14 juin 1962 a pour objet la réparation du dommage causé à un certain nombre de ses ressortissants, personnes physiques et personnes morales, en leur qualité d’actionnaires de la société Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited, par le comportement contraire au droit international de divers organes de l’Etat espagnol à l’égard de cette société et de diverses autres sociétés de son groupe;
Que le Gouvernement belge a établi que 88% du capital de la Barcelona Traction se trouvaient en mains belges aux dates critiques du 12 février 1948 et du 14 juin 1962 et le sont restés de façon continue entre ces dates; qu’une seule société belge, la Sidro, possédait plus de 75% des actions; que la nationalité belge de cette société et le caractère effectif de sa nationalité n’ont pas été contestés par le Gouvernement espagnol ;
Que le fait que les actions nominatives dans la Barcelona Traction possédées par la Sidro étaient enregistrées au Canada au nom de nominees américains n’affecte pas leur caractère belge; qu’en l’espèce, aux termes des législations applicables, le nominee ne pouvait exercer les droits attachés aux titres inscrits en son nom que comme agent (mandataire) de Sidro ;
Que la prépondérance des intérêts belges dans la société Barcelona Traction était bien connue des autorités espagnoles aux différentes époques où se sont produits les agissements qui leur sont reprochés et a été expressément reconnue par elles en plus d’une occasion ;
Que la protection diplomatique dont a bénéficié pendant un temps la société de la part de son gouvernement national a cessé en 1952, bien avant le dépôt de la requête belge, et n’a jamais été reprise depuis ;
Qu’en privant les organes statutaires désignés par les actionnaires de la Barcelona Traction de leur pouvoir de contrôle à l’égard de ses filiales, ce qui a enlevé à la société l’objet même de son activité, et en la dépouillant de l’intégralité de son patrimoine, les actes et omissions contraires au droit international imputés aux autorités espagnoles ont pratiquement détruit cette société et porté atteinte directement et immédiatement aux droits et intérêts attachés à la situation juridique d’actionnaire telle que le droit international la reconnaît; qu’ils ont causé ainsi un grave préjudice aux actionnaires belges de la société et vidé de tout contenu utile les droits qu’ils possédaient en cette qualité;
Qu’en l’absence d’une réparation accordée à la société pour le préjudice qui lui a été inflige et dont ils auraient bénéficié en même temps qu’elle-même, les actionnaires belges de la Barcelona Traction ont donc des droits et intérêts distincts et indépendants à faire valoir ; qu’ils ont effectivement dû prendre l’initiative et supporter la charge de tous les recours intentés par l’intermédiaire des organes sociaux devant les tribunaux espagnols ; que la société Sidro et d’autres actionnaires belges ont eux-mêmes introduit après la vente des avoirs de la Barcelona Traction des actions dont le rejet est dénoncé par le Gouvernement belge comme constitutif d’un déni de justice ;
Que le Gouvernement belge a qualité, en application des principes généraux du droit international en la matière, pour réclamer par la voie judiciaire internationale la réparation du dommage ainsi causé à ses ressortissants par les actes et omissions internationalement illicites imputés à l’Etat espagnol;
VII
Exception de non-épuisement des voies de recours interne
Considérant qu’aucune contestation sérieuse n’est apparue entre les Parties quant à la portée de la règle de droit international reprise à l’article 3 du traité de conciliation, de règlement judiciaire et d’arbitrage, conclu entre l’Espagne et la Belgique le 19 juillet 1927, qui subordonne le recours aux procédures prévues par ledit traité à l’utilisation préalable jusqu’à jugement définitif des voies de recours normales, accessibles, présentant des chances sérieuses d’efficacité et ce dans les limites d’un délai raisonnable;
Considérant qu’en l’espèce la Partie défenderesse évalue elle-même à 2736 le nombre des seules ordonnances rendues en la cause par les tribunaux espagnols à la date de la requête belge ;
Que la procédure écrite contient d’autre part l’indication de plus de 30 décisions rendues par le Tribunal suprême;
Qu’il n’est pas soutenu que l’ensemble des recours de la Barcelona Traction et de ses coïntéressés, qui ont donné lieu à ces décisions, aient été inadéquats ou n’aient pas été poursuivis jusqu’à épuisement;
Que cette circonstance suffit à faire obstacle à ce que la quatrième exception puisse être admise comme écartant la demande belge;
Que seuls pourraient être écartés ceux des griefs pour lesquels le Gouvernement espagnol établirait l’absence ou l’insuffisance des recours exercés;
Que cette preuve n’est pas rapportée;
1. Quant aux griefs contre les actes des autorités administratives
Considérant qu’à tort le Gouvernement espagnol soutient que la réclamation belge relative aux décisions d’octobre et décembre 1946 visées ci-dessus sub I a) ne serait pas recevable à raison du défaut par Barcelona Traction d’avoir exercé contre elles le recours hiérarchique et le recours contentieux administratif;
Que le recours hiérarchique ne se concevait pas en l’espèce, étant par définition celui qui peut être interjeté contre la décision d’une autorité administrative devant une autre autorité qui lui est hiérarchiquement supérieure, à savoir le ministre, alors que les décisions incriminées furent prises avec le concours et l’approbation du ministre lui-même, et même portées à la connaissance des intéressés par le ministre en même temps que par l’administration compétente;
Que le recours contentieux administratif ne pouvait pas davantage être envisagé contre une décision qui manifestement n’entrait pas dans la cadre de l’article 1er de la loi du 22 juin 1894, lequel n’admet un tel recours que contre les décisions administratives émanant de l’administration dans l’exercice de ses facultés réglementées et portant «atteinte à un droit de caractère administratif établi antérieurement en faveur du demandeur par une loi, un règlement ou un autre précepte administratif », conditions qui n’étaient manifestement pas remplies en l’espèce;
2. Quant au grief relatif au défaut de juridiction du tribunal de Reus pour déclarer la faillite de Barcelona Traction
Considérant qu’à tort le Gouvernement espagnol prétend tirer argument du fait que la Barcelona Traction et ses coïntéressés auraient omis de contester la juridiction du tribunal de Reus par la voie d’un déclinatoire de compétence, et laissé passer le délai d’opposition sans avoir contesté cette juridiction;
Qu’en effet, la contestation de juridiction ne se confond aucunement avec la contestation de compétence ratione materiae et qu’elle peut être régulièrement présentée cumulativement avec les moyens de fond ;
Que la société faillie inscrivit cette contestation en tête des griefs indiqués dans son écrit d’opposition du 18 juin 1948;
Qu’elle dénonça le défaut de juridiction une nouvelle fois dans sa demande de nullité du 5 juillet 1948 et dans l’écrit du 3 septembre 1948, par lequel elle confirma son opposition au jugement de faillite;
Que National Trust présenta un déclinatoire formel de juridiction dans l’écrit par lequel elle demanda à être admise à la procédure de faillite le 27 novembre 1948;
Qu’enfin la Barcelona Traction, après avoir dès le 23 avril 1949 comparu à la procédure relative au déclinatoire Boter, déclara formellement se joindre audit déclinatoire par écrit du 11 avril 1953;
Que la question de juridiction étant d’ordre public, comme la question de compétence ratione materiae, le reproche de tardiveté ne pourrait être retenu, même en cas d’expiration du délai d’opposition prétendument applicable;
3. Quant aux griefs relatifs au jugement de faillite et aux décisions connexes
Considérant qu’à tort le Gouvernement espagnol soutient que lesdites décisions n’auraient pas fait l’objet de recours adéquats poursuivis jusqu’à épuisement ou pendant une durée raisonnable;
Qu’en effet, dès le 16 février 1948, le jugement de faillite fit l’objet d’un recours en rétractation de la part des sociétés auxiliaires Ebro et Barcelonesa;
Que celles-ci, sans doute, limitèrent leurs recours à la partie du jugement qui leur portait grief, mais que lesdits recours n’en étaient pas moins adéquats et que leur avortement se produisit dans des conditions qui font elles-mêmes l’objet d’un grief exposé ci-dessus;
Que, contrairement à ce qui est affirmé par le Gouvernement espagnol, la société faillie elle-même fit opposition du jugement par acte du 18 juin 1948, confirmé le 3 septembre de la même année;
Qu’en vain le Gouvernement espagnol critique le caractère sommaire de cet écrit, alors que la suspension prononcée par le juge spécial à raison du déclinatoire Boter empêcha l’opposante de déposer, suivant l’article 326 de la loi de procédure civile, l’écrit complémentaire développant ses moyens;
Qu’il ne peut davantage être question de tardiveté, alors que la publication de la faillite au domicile de la société faillie eût seule pu faire courir le délai d’opposition et que cette publication n’eut pas lieu;
Que le jugement de faillite et les décisions connexes furent du reste également attaqués dans la demande incidente de nullité présentée par la Barcelona Traction le 5 juillet 1948 et développée le 31 juillet de la même année;
4. Quant aux griefs relatifs au blocage des recours
Considérant que les diverses décisions qui instaurèrent et prolongèrent la suspension de la première section de la procédure de faillite firent l’objet, à diverses reprises, de nombreux recours de la part de la Barcelona Traction, à commencer par l’incident de nullité qu’elle introduisit le 5 juillet 1948;
5. Quant au grief relatif à la révocation du personnel dirigeant des sociétés auxiliaires par ordonnance du commissaire
Considérant que cette mesure fit également l’objet de demandes de réformation de la part des intéressés, qui furent déclarées irrecevables contre tout droit; que les recours formés contre ces décisions furent ajournés jusqu’en 1963;
6. Quant à l'inobservation de la no-action clause
Considérant que cette clause fut expressément visée par la National Trust dans sa demande d’admission à la procédure du 27 novembre 1948;
7. Quant aux mesures préparatoires à la vente et la vente
Considérant que la Partie adverse, tout en reconnaissant implicitement que des recours adéquats ont été dirigés contre la nomination des syndics et l’autorisation de vendre, soutient à tort qu’il en aurait été autrement en ce qui concerne:
1) l’absence d’établissement de la liste des créanciers préalablement à la convocation de l’assemblée des créanciers pour la nomination des syndics, alors que ce vice fut dénoncé dans le recours attaquant la nomination des syndics et dans la demande de nullité de la vente;
2) certains actes et omissions des syndics, alors qu’ils furent visés dans les recours interjetés contre l’autorisation de vendre et contre la décision approuvant le système d’évaluation unilatérale des biens ;
3) le cahier des charges, alors qu’il a été attaqué par la Barcelona Traction dans un recours en rétractation et en appel, ainsi que dans la demande de nullité du 27 décembre 1951 contenant une pétition formelle de déclaration de nullité de l’ordonnance qui approuvait ledit cahier des charges et dans une demande du 28 mai 1955 (documents nouveaux du Gouvernement belge, 1969, n° 30); la même contestation fut formulée par Sidro dans son action du 7 février 1953 (documents nouveaux du Gouvernement espagnol, 1969), ainsi que par deux autres actionnaires belges de la Barcelona Traction, Mme Mathot et M. Duvivier, dans leur demande du 26 mai 1955 (documents nouveaux du Gouvernement belge, 1969, n° 29);
8. Quant aux recours exceptionnels
Considérant qu’à tort le Gouvernement espagnol oppose à la demande belge que la Barcelona Traction n’aurait pas fait usage, contre le jugement de faillite, de certains recours exceptionnels, tels que le recours en révision, le recours en responsabilité civile et l’action pénale contre les juges, ainsi que du recours en audience;
Que le premier d’entre eux ne pouvait manifestement pas être envisagé, non seulement à raison de la nature du jugement de faillite, mais encore parce que ledit jugement demeura jusqu’en 1963 frappé d’opposition, et, surabondamment, parce que la Barcelona Traction, ses filiales et coïntéressés n’eussent pas été en mesure d’établir les faits de subornation, violation ou machination frauduleuse, qui seuls eussent pu donner ouverture à pareil recours ;
Que les recours en responsabilité civile et action pénale contre les juges n’étaient pas adéquats, vu qu’ils n’étaient pas susceptibles d’entraîner l’annulation ou la réformation des décisions constitutives de dénis de justice ;
Que de même, le recours en audience que la loi espagnole accorde au défaillant n’était manifestement, en l’espèce, ni accessible à la Barcelona Traction, ni adéquat ;
Par ces motifs et tous autres qui ont été développés par le Gouvernement belge au cours de la procédure,
Plaise à la Cour, rejetant toutes autres conclusions plus amples ou contraires de l’Etat espagnol,
Faire droit aux demandes du Gouvernement belge formulées en conclusions [dans] la réplique. »
Les conclusions finales suivantes ont été présentées au nom du Gouvernement espagnol,
à l’audience du 22 juillet 1969:
«Considérant que le Gouvernement belge n’a qualité pour agir dans la présente affaire, ni au titre de la protection de la société canadienne Barcelona Traction, ni au titre de la protection de prétendus « actionnaires » belges de ladite société ;
Considérant qu’il n’a été satisfait aux exigences de la règle de l’épuisement des recours internes, ni par la société Barcelona Traction, ni par ses prétendus « actionnaires » ;
Considérant qu’aucune violation d’une règle internationale obligeant l’Espagne n’ayant été établie, l’Espagne n’a encouru envers l’Etat demandeur aucune responsabilité à aucun titre; que, notamment:
a) l’Espagne n’est responsable d’aucune usurpation de compétence du fait de l’action de ses organes judiciaires ;
b) les organes judiciaires espagnols n’ont pas violé les règles de droit international prescrivant d’ouvrir aux étrangers l’accès aux tribunaux, de statuer sur leurs demandes et de ne pas soumettre leurs recours à des délais injustifiés;
c) il n’y a pas eu d’actes du pouvoir judiciaire espagnol pouvant entraîner la responsabilité internationale de l’Espagne du fait du contenu des décisions judiciaires ;
d) il n’y a eu, de la part des autorités administratives espagnoles, aucune violation d’une obligation, internationale du fait d’abus de droit ou d’actes discriminatoires ;
Considérant que pour ces motifs et pour tous autres motifs exposés dans les écritures et les plaidoiries, les demandes belges doivent être considérées comme irrecevables ou non fondées ;
Le Gouvernement espagnol présente à la Cour ses conclusions finales :
Plaise à la Cour dire et juger que les demandes du Gouvernement belge sont rejetées. »
« Premièrement, l’Etat défendeur a manqué à une obligation envers l’Etat national, à l’égard de ses ressortissants. Deuxièmement, seule la partie envers laquelle une obligation internationale existe peut présenter une réclamation à raison de la violation de celle-ci.» (Réparation des dommages subis au service des Nations Unies, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1949, p. 181 et 182.)
En l’espèce, il est donc capital de rechercher si les pertes qu’auraient subi des actionnaires belges de la Barcelona Traction ont eu pour cause la violation d’obligations dont ils étaient bénéficiaires. Autrement dit, un droit de la Belgique a-t-il été violé du fait que des droits appartenant à des ressortissants belges, actionnaires d’une société n’ayant pas la nationalité belge, auraient été enfreints?
«Ce droit ne peut nécessairement être exercé [par un Etat] qu’en faveur de son national, parce que, en l’absence d’accords particuliers, c’est le lien de nationalité entre l’Etat et l’individu qui seul donne à l’Etat le droit de protection diplomatique. Or, c’est comme partie de la fonction de protection diplomatique que doit être considéré l’exercice du droit de prendre en mains une réclamation et d’assurer le respect du droit international. » (Chemin de fer Panevezys-Saldutiskis, arrêt, 1939, C.P.J.I, série A/B n° 76, p. 16.)
Il s’ensuit que la même question est déterminante pour ce qui est de la responsabilité de l’Espagne envers la Belgique. La responsabilité est le corollaire nécessaire du droit. En l’absence d’un traité applicable en la matière entre les Parties, cette question fondamentale doit être tranchée d’après les règles générales de la protection diplomatique.
« Dans le cas de la Barcelona Traction, il était évident, étant donné le jugement espagnol de faillite du 12 février 1948, qu’il eût été inutile de nommer quelqu’un uniquement à titre de receiver, car des mesures positives devaient être prises si l’on voulait recouvrer les biens saisis lors de la faillite en Espagne. » (Audience du 2 juillet 1969.)
Bref, un administrateur a été nommé pour veiller aux droits de la société et il a été directement ou indirectement en mesure de les défendre. Par suite, même si la société est limitée dans ses activités après avoir été placée sous receivership, il ne fait pas de doute qu’elle conserve sa capacité juridique et que c’est l’administrateur nommé par les tribunaux canadiens qui est habilité à l’exercer. La Cour ne se trouve donc pas devant la première hypothèse signalée au paragraphe 64 et n’a pas besoin de se prononcer à cet égard.
«Il n’y a donc pas lieu, à ce point de vue, de se demander si, à l’origine du litige, on trouve une atteinte à un intérêt privé, ce qui d’ailleurs arrive dans un grand nombre de différends entre Etats. » (Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt n° 2, 1924, C.P.J.I, série A n° 2, p. 12. Voir aussi Nottebohm, deuxième phase, arrêt, C.I.J. Recueil 1955, p. 24.)
La Cour
rejette la demande du Gouvernement belge par quinze voix contre une, douze des voix de la majorité se fondant sur les motifs énoncés dans le présent arrêt.
Fait en français et en anglais, le texte français faisant foi, au palais de la Paix, à La Haye, le 5 février mil neuf cent soixante-dix, en trois exemplaires, dont l’un restera déposé aux archives de la Cour et dont les autres seront transmis respectivement au Gouvernement du Royaume de Belgique et au Gouvernement de l’Etat espagnol.
Déjà enregistré ?