«1) Les Etats-Unis d'Amérique, conformément à leurs obligations au titre du traité d'amitié, de commerce et de droits consulaires conclu en 1955, doivent, par les moyens de leur choix, supprimer toute entrave que les mesures annoncées le 8 mai 2018 mettent à la libre exportation vers le territoire de la République islamique d'Iran
i) de médicaments et de matériel médical ;
ii) de denrées alimentaires et de produits agricoles ; et
iii) des pièces détachées, des équipements et des services connexes (notamment le service après-vente, l'entretien, les réparations et les inspections) nécessaires à la sécurité de l'aviation civile ;
2) Les Etats-Unis d'Amérique doivent veiller à ce que les permis et autorisations nécessaires soient accordés et à ce que les paiements et autres transferts de fonds ne soient soumis à aucune restriction dès lors qu'il s'agit de l'un des biens et services visés au point 1) ;
3) Les deux Parties doivent s'abstenir de tout acte qui risquerait d'aggraver ou d'étendre le différend dont la Cour est saisie ou d'en rendre la solution plus difficile.» (C.I.J. Recueil 2018 (II), p. 652, par. 102.)
Pour les Etats-Unis : M. Marik A. String,
Sir Daniel Bethlehem,
Mme Lisa J. Grosh,
Mme Kimberly A. Gahan,
Mme Laurence Boisson de Chazournes.
Pour l'Iran : M. Hamidreza Oloumiyazdi,
M. Vaughan Lowe,
M. Samuel Wordsworth,
M. Jean-Marc Thouvenin,
M. Alain Pellet.
«[L]'Iran prie respectueusement la Cour de dire et juger que :
a) les Etats-Unis d'Amérique, du fait des sanctions du 8 mai et des autres sanctions annoncées qui sont décrites dans la présente requête et qui ciblent l'Iran, les Iraniens et les sociétés iraniennes, ont manqué aux obligations leur incombant envers l'Iran en application des articles IV (paragraphe 1), VII (paragraphe 1), VIII (paragraphes 1 et 2), IX (paragraphe 2) et X (paragraphe 1) du traité d'amitié ;
b) les Etats-Unis d'Amérique doivent, par les moyens de leur choix, mettre fin sans délai aux sanctions du 8 mai ;
c) les Etats-Unis d'Amérique doivent immédiatement cesser de menacer d'imposer les autres sanctions annoncées qui sont décrites dans la présente requête ;
d) les Etats-Unis d'Amérique doivent veiller à ce que rien ne soit fait pour contourner la décision que la Cour rendra dans la présente affaire et donner une garantie de non-répétition de leurs violations du traité d'amitié ;
e) les Etats-Unis d'Amérique doivent verser à l'Iran, à raison de leur manquement à leurs obligations juridiques internationales, une indemnisation intégrale dont le montant sera déterminé par la Cour à un stade ultérieur de la procédure. L'Iran se réserve le droit de soumettre et de présenter à la Cour en temps utile une évaluation précise du montant de l'indemnisation due par les Etats-Unis d'Amérique.»
«[L]'Iran prie respectueusement la Cour de dire et juger que :
a) les Etats-Unis, du fait des mesures mises en œuvre conformément au mémorandum présidentiel en date du 8 mai 2018, ou en lien avec celui-ci, et des autres mesures annoncées, qui ciblent l'Iran, les Iraniens et les sociétés iraniennes, ont manqué aux obligations leur incombant envers l'Iran en application des articles IV (paragraphes 1 et 2), V (paragraphe 1), VII (paragraphe 1), VIII (paragraphes 1 et 2), IX (paragraphes 2 et 3) et X (paragraphe 1) du traité d'amitié ;
b) les Etats-Unis doivent, par les moyens de leur choix, mettre fin sans délai aux mesures mises en œuvre conformément au mémorandum présidentiel en date du 8 mai 2018, ou en lien avec celui-ci, et aux autres mesures annoncées ;
c) les Etats-Unis doivent immédiatement cesser de menacer d'imposer les autres sanctions annoncées ;
d) les Etats-Unis doivent veiller à ce que rien ne soit fait pour contourner la décision que la Cour rendra dans la présente affaire et donner une garantie de non-répétition de leurs violations du traité d'amitié ;
e) les Etats-Unis doivent verser à l'Iran, à raison de leur manquement à leurs obligations juridiques internationales, une indemnisation intégrale dont le montant sera déterminé par la Cour à un stade ultérieur de la procédure. L'Iran se réserve le droit de soumettre et de présenter à la Cour en temps utile une évaluation précise du montant de l'indemnisation due par les Etats-Unis.»
«[L]es Etats-Unis d'Amérique demandent à la Cour de :
a) rejeter dans leur intégralité les demandes de l'Iran comme échappant à sa compétence ;
b) rejeter dans leur intégralité les demandes de l'Iran comme étant irrecevables ;
c) rejeter dans leur intégralité les demandes de l'Iran comme étant exclues par l'alinéa b) du paragraphe 1 de l'article XX du traité d'amitié ;
d) rejeter dans leur intégralité les demandes de l'Iran comme étant exclues par l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX du traité d'amitié ;
e) rejeter comme échappant à sa compétence toutes les demandes, quelle que soit la disposition du traité d'amitié invoquée à l'appui, qui ont pour objet des mesures concernant les Etats tiers.»
«[L]'Iran prie respectueusement la Cour de :
a) rejeter et écarter les exceptions préliminaires des Etats-Unis d'Amérique ; et de
b) dire et juger que :
i) la Cour a compétence pour connaître de l'intégralité des demandes présentées par l'Iran ; et que
ii) les demandes de l'Iran sont recevables.»
Au nom du Gouvernement des Etats-Unis,
à l'audience du 18 septembre 2020 :
«Pour les raisons exposées à l'audience, et toute autre raison que la Cour pourrait juger appropriée, les Etats-Unis d'Amérique prient la Cour de retenir les exceptions préliminaires soulevées dans leurs écritures et plaidoiries et de refuser de connaître de l'affaire. En particulier, les Etats-Unis d'Amérique prient la Cour de :
a) rejeter dans leur intégralité les demandes de l'Iran comme échappant à sa compétence ;
b) rejeter dans leur intégralité les demandes de l'Iran comme étant irrecevables ;
c) rejeter dans leur intégralité les demandes de l'Iran comme étant exclues par l'alinéa b) du paragraphe 1 de l'article XX du traité d'amitié ;
d) rejeter dans leur intégralité les demandes de l'Iran comme étant exclues par l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX du traité d'amitié ;
e) rejeter comme échappant à sa compétence toutes les demandes, quelle que soit la disposition du traité d'amitié invoquée à l'appui, qui ont pour objet des mesures concernant les Etats tiers.»
Au nom du Gouvernement de l'Iran,
à l'audience du 21 septembre 2020 :
«La République islamique d'Iran prie respectueusement la Cour de :
a) rejeter et écarter les exceptions préliminaires des Etats-Unis d'Amérique ; et de
b) dire et juger que :
i) la Cour a compétence pour connaître de l'intégralité des demandes présentées par l'Iran ; et que
ii) les demandes de l'Iran sont recevables.»
«nombreux manquements de l'Iran et ses infractions à son obligation de se conformer aux dispositions de son accord de garanties TNP et l'absence de confiance dans le caractère exclusivement pacifique du programme nucléaire iranien résultant des dissimulations passées des activités nucléaires de ce pays, de la nature de ces activités et d'autres questions découlant de la vérification par l'Agence des déclarations faites par l'Iran depuis septembre 2002»
et a demandé au directeur général de faire rapport sur la question au Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies.
La Cour commencera par examiner les questions relatives à sa compétence.
«Tout différend qui pourrait s'élever entre les Hautes Parties contractantes quant à l'interprétation ou à l'application du présent Traité et qui ne pourrait pas être réglé d'une manière satisfaisante par la voie diplomatique sera porté devant la Cour internationale de Justice, à moins que les Hautes Parties contractantes ne conviennent de le régler par d'autres moyens pacifiques.»
En premier lieu, les Etats-Unis soutiennent que «l'objet véritable de la présente affaire est un différend relatif à l'application du plan d'action, instrument qui est totalement distinct [du traité d'amitié] et qui n'a aucun rapport avec lui». En conséquence, selon le défendeur, le différend que l'Iran cherche à faire trancher par la Cour n'a pas pour objet «l'interprétation ou … l'application du … Traité» au sens du paragraphe 2 de l'article XXI précité.
En second lieu, les Etats-Unis soutiennent que la grande majorité des mesures contestées par l'Iran ne relèvent pas ratione materiae du traité d'amitié, parce que les mesures en question concernent principalement le commerce et les transactions entre l'Iran et des pays tiers, ou leurs sociétés et ressortissants, et non entre l'Iran et les Etats-Unis, ou leurs sociétés et ressortissants.
«C'est … le devoir de la Cour de circonscrire le véritable problème en cause et de préciser l'objet de la demande. Il n'a jamais été contesté que la Cour est en droit et qu'elle a même le devoir d'interpréter les conclusions des parties ; c'est l'un des attributs de sa fonction judiciaire.» (Essais nucléaires (Australie c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 262, par. 29 ; Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 466, par. 30.)
«[L]es différends juridiques entre Etats souverains ont, par leur nature même, toutes chances de surgir dans des contextes politiques et ne représentent souvent qu'un élément d'un différend politique plus vaste et existant de longue date entre les Etats concernés. Nul n'a cependant jamais prétendu que, parce qu'un différend juridique soumis à la Cour ne constitue qu'un aspect d'un différend politique, la Cour doit se refuser à résoudre dans l'intérêt des parties les questions juridiques qui les opposent.» (Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran (Etats-Unis d'Amérique c. Iran), arrêt, C.I.J. Recueil 1980, p. 20, par. 37.)
Le défendeur soutient que les mesures des trois premières catégories sont des «mesures concernant les pays tiers», qui ne relèvent pas du champ d'application du traité d'amitié. Il précise que sa seconde exception d'incompétence ne vise pas les demandes de l'Iran qui sont relatives aux mesures de la quatrième catégorie.
La Cour note, toutefois, qu'en ce qui concerne cette catégorie les Etats-Unis ont déclaré «se réserver le droit de faire valoir que tout ou partie des demandes de l'Iran ayant pour objet la révocation de certaines mesures d'autorisation ne relèvent pas du champ d'application du traité», au stade ultérieur de la procédure, si la présente instance devait atteindre un tel stade.
On ne saurait pour autant en déduire que toutes les mesures en cause sont susceptibles de constituer des manquements aux obligations des Etats-Unis en vertu du traité d'amitié. Ce qui est déterminant à cet égard, c'est de savoir si chacune des mesures ou catégorie de mesures considérées est de nature à porter atteinte aux droits garantis à l'Iran par les diverses dispositions du traité d'amitié dont le demandeur invoque la violation.
«1. Le présent Traité ne fera pas obstacle à l'application de mesures :
...............................................................
b) Concernant les substances fissiles, les sous-produits radioactifs desdites substances et les matières qui sont la source de substances fissiles ;
...............................................................
d) Ou nécessaires à l'exécution des obligations de l'une ou l'autre des Hautes Parties contractantes relatives au maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales ou à la protection des intérêts vitaux de cette Haute Partie contractante sur le plan de la sécurité.»
LA COUR,
1) A l'unanimité,
Rejette l'exception préliminaire d'incompétence soulevée par les Etats-Unis d'Amérique selon laquelle l'objet du différend ne concerne pas l'interprétation ou l'application du traité d'amitié, de commerce et de droits consulaires de 1955 ;
2) A l'unanimité,
Rejette l'exception préliminaire d'incompétence soulevée par les Etats-Unis d'Amérique relative aux mesures qui concernent le commerce ou les transactions entre la République islamique d'Iran (ou ses ressortissants et sociétés) et des pays tiers (ou leurs ressortissants et sociétés) ;
3) Par quinze voix contre une,
Rejette l'exception préliminaire d'irrecevabilité de la requête soulevée par les Etats-Unis d'Amérique ;
POUR : M. Yusuf, président; Mme Xue, vice-présidente; MM. Tomka, Abraham, Bennouna, Cançado Trindade, Gaja, Mme Sebutinde, MM. Bhandari, Robinson, Crawford, Gevorgian, Salam, Iwasawa, juges; M. Momtaz, juge ad hoc ;
CONTRE : M. Brower, juge ad hoc ;
4) Par quinze voix contre une,
Rejette l'exception préliminaire soulevée par les Etats-Unis d'Amérique sur le fondement de l'alinéa b) du paragraphe 1 de l'article XX du traité d'amitié, de commerce et de droits consulaires de 1955 ;
POUR : M. Yusuf, président; Mme Xue, vice-présidente; MM. Tomka, Abraham, Bennouna, Cançado Trindade, Gaja, Mme Sebutinde, MM. Bhandari, Robinson, Crawford, Gevorgian, Salam, Iwasawa, juges; M. Momtaz, juge ad hoc ;
CONTRE : M. Brower, juge ad hoc ;
5) A l'unanimité,
Rejette l'exception préliminaire soulevée par les Etats-Unis d'Amérique sur le fondement de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX du traité d'amitié, de commerce et de droits consulaires de 1955 ;
6) Par quinze voix contre une,
Dit, en conséquence, qu'elle a compétence, en vertu du paragraphe 2 de l'article XXI du traité d'amitié, de commerce et de droits consulaires de 1955, pour connaître de la requête introduite par la République islamique d'Iran le 16 juillet 2018, et que ladite requête est recevable.
POUR : M. Yusuf, président; Mme Xue, vice-présidente; MM. Tomka, Abraham, Bennouna, Cançado Trindade, Gaja, Mme Sebutinde, MM. Bhandari, Robinson, Crawford, Gevorgian, Salam, Iwasawa, juges; M. Momtaz, juge ad hoc ;
CONTRE : M. Brower, juge ad hoc.
Fait en anglais et en français, le texte anglais faisant foi, au Palais de la Paix, à La Haye, le trois février deux mille vingt et un, en trois exemplaires, dont l'un restera déposé aux archives de la Cour et les autres seront transmis respectivement au Gouvernement de la République islamique d'Iran et au Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique.
M. le juge TOMKA joint une déclaration à l'arrêt ; M. le juge ad hoc BROWER joint à l'arrêt l'exposé de son opinion individuelle en partie concordante et en partie dissidente.
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